J'ai entendu pleurer la forêt : Michel Pageau, trappeur de
Françoise Perriot
Michel s'arrêta, mit un genou à terre pour vérifier si son ours perdait du sang .Il tâta de la main une petite tache brillante sur des herbes écrasées et reconnut la texture et l 'odeur,mais il faisait désormais trop sombre pour bien distinguer et suivre la trainée légère .Il se fia donc aux traces de piétinement interrogea le sillon frais et les branches cassées .Il ignorait à quel point il l'avait blessé,mais il refusait de l'abandonner malgré l'heure tardive , sachant pourtant que même les ombres perdent leur transparence pendant la nuit.Son obstination était guidée par la pitié et parce qu'un bon chasseur doit absolument retrouver l'animal blessé et abréger ses souffrances. Cette règle , il ne voulait pas la déroger.Sa poursuite ne dura pas longtemps il finit par entendre pleurer, puis gémir .Un autre pleur , une longue plainte qui déchira l'épaisseur des bois comme un couteau qui s'enfonce dans la chair encore palpitante.Cela venait de très près , à une ou deux minutes de distance puis cela s 'arrêta
Michel se demanda si l 'ours l'ayant senti approcher, se retenait de geindre .Il avança ,fébrilement et attentif et finit par découvrir une masse sombre nichée au pied d'un grand conifère noir dont les branches frôlaient délicatement le sol .Prudemment ,le sang martelant ses tempes ,près à faire feu , il s approcha de l'animal qu'il espéra mort.Mais il croisa le scintillement encore vivant du regard de l'ours.Il crut entendre battre le coeur de la victime , mais ce n'était que le sien .
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