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Critiques de Frank Lafond (2)
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Joe Dante : L'art du je(u)

J'aime beaucoup le cinéaste Joe Dante. Avec ses films on a l'assurance de passer un bon moment tout en ne s'abêtissant pas. Pour moi, Dante c'est la crème des années 80 et 90. En y repensant, parmi les films de Dante que j'ai pu voir, il n'y en a aucun que j'ai trouvé mauvais. "Hurlements" est un des meilleurs films de loup-garous, "Explorers" est un bon film de SF pour jeune public, "Piranhas" est un très correct ersatz de "jaws", "Gremlins" 1 et 2 sont excellents, "L'aventure intérieure" est un film sympathique, "Small soldiers" est injustement sous-estimé, "Panic sur Florida beach" est tout simplement génial (si vous avez une tendresse pour les films rétros avec des monstres en plastique, regardez-le). Et là je n'ai énuméré que les films que j'ai vu, il m'en reste encore quelques uns à visionner ("Les banlieusards", "les looney tunes", "The hole"...).



Dans son ouvrage "L'art du je(u)", Franck lafond démontre que Joe Dante est un véritable auteur qui s'attache sur tous ses projets à mettre sa patte. La patte d'un réalisateur cinéphile et très joueur.



C'est peu de dire que Dante est cinéphile. Le cinéma est pour lui une obsession, c'est sa vie. D'ailleurs Dante dit lui même que sa seule expérience de la vie, il la tient des films, qu'en dehors du cinéma, il n'a pas eu d'expériences de vie contrairement aux grands réalisateurs classiques, Ford par exemple. Et si Dante bouffe de la pellicule de tous les genres, il a une affection particulière pour le cinéma bis. Il raffole des films d'épouvante d'Universal, des films de monstres bricolés avec des bouts de ficelles, des films de sf rétro...



Cet amour du cinéma allié à son goût du jeu transparait dans son cinéma par l'utilisation de toutes sortes de procédés de citation. Cela peut se traduire de différentes façons : en reproduisant des scènes d'autres films, en faisant des références à d'autres métrages par des personnages, lieux ou objets, ou bien encore plus frontalement en montrant un écran diffusant un film. En effet, ce dernier procédé est très récurrent dans les films de Dante. Mais celui-ci ne se contente pas de poser cet écran dans le champ, les images et/ou le son diffusés ont un rôle narratif dans la scène dans laquelle ils apparaissent. Dans "Piranhas", un montage parralèle montre une colonie de vacances autour d'un feu de camp et des scènes d'un film de monstre visionné par un autre personnage. Autour du feu de camp, une monitrice raconte une histoire effrayante aux enfants. Lorsque la chute de l'histoire arrive, l'expression de surprise des gosses semble répondre autant au plan du monstre marine du vieux film qu'au récit de la monitrice. Dans "hurlements", le couple d'amis de l'héroïne trouve des réponses à ses questions dans l'extrait du "loup-garou" qui passe à la télé. Et ce ne sont là que quelques exemples parmi tant d'autres. Ce procédé de l'écran dans l'écran atteint son paroxysme dans le génial "panic sur Florida beach" (si vous pensez qu'un public qui vibre à l'unisson dans une salle c'était quand même vachement mieux que regarder tout seul un film téléchargé sur son ordinateur, regardez-le). Une longue scène se déroule dans la salle de cinéma dans laquelle des ados assistent à la projection de "Mant", film dans laquelle il y a justement une scène dans laquelle des ados dans un drive-in regardent un autre film fictif ; un film dans le film dans le film, les écrans s'emboîtent alors comme des poupées russes.

Il est d'ailleurs amusant de voir que l'écran dans les films de Dante a une réalité tangible, il est souvent malmené, déchiré, brûlé... Dante ne cherche pas à le faire oublier. Cette façon de jouer avec le spectateur permet à Dante de s'affranchir de certains principes tacites du cinéma. Il ne se sent pas obligé de faire oublier au spectateur qu'il est en train de regarder un film. Ainsi, les regards-caméra des acteurs, grand tabou au cinéma, sont monnaie courante chez Dante. L'immersion du spectateur se fait via le jeu et moins via la suspension d'incrédulité.



Et le procédé d'écrans imbriqués et les multiples citations d'autres métrages ne sont pas les seuls éléments ludiques chez Dante. Il se plait également à truffer ses arrière-plans de clins d’œil, de gags. Par exemple, dans une scène de "gremlins", lorsque le père passe un coup de téléphone depuis son congrès d'inventeurs, on aperçoit derrière lui la machine à explorer le temps de Wells se volatiliser sous les yeux médusés de visiteurs, on voit également Spielberg passer dans le champ de la caméra, juché sur un engin à roulettes. Le spectateur pourra aussi s'amuser à repérer le smiley jaune qui apparait au détour de chacun des films de Dante ou encore essayer de dénicher les auto-références du réalisateur à ses propres films (les titres d'un journal par exemple).



Tous ces procédés ludiques ne sont pas là simplement pour amuser la galerie de façon vaine. L'amour du cinéma n'est pas le seul moteur de Dante. Il a un propos, une vision de la société. Si es films, la plupart tournés sous la présidence de Reagan, font souvent visuellement référence aux années 50, ce n'est pas par hasard. Reagan se référait lui-même à cette période, voulant renouer avec les valeurs des années 50 pour retrouver, disait-il, la grandeur de l'Amérique. Par jeu de miroir, Dante, en se référant visuellement aux années 50, dépeint la société de l'ère Reagan. En tout cas, il s'attaque aux valeurs encensées par celui-ci. Et sous des dehors rigolards, la critique est finalement acide, virulente. Dante dynamite ces valeurs prétendument fondatrices, la famille, le patriotisme. Il n'idéalise jamais le passé. La ville où vont sévir les gremlins ressemble à une carte postale rétro, elle sonne faux. Et d'ailleurs, lorsqu'on gratte le vernis, tout n'est pas aussi idéal. Cette petite ville est peuplée d'avares, d'intolérants, d'égoïstes... La seule famille vraiment sympathique est celle du héros et elle est complètement atypique par rapport au modèle classique de la famille (c'est le fils qui pourvoit aux besoins de sa famille, le père est un excentrique déjanté...). Et sincèrement, le spectateur n'éprouve-t-il pas un plaisir jouissif à voir les gremlins mettre à sac ce petit coin de paradis reaganien ?

Lorsque Dante place sont récit directement dans un contexte rétro, ce n'est certainement pas pour dire que c'était mieux avant. Le génial "panic sur Florida beach" (si vous aimez les films qui vous émeuvent et vous font sourire, regardez-le) se déroule au début des années 60. Et si c'est là l'occasion pour Dante de poser un regard tendre et nostalgique sur sa jeunesse et clamer son amour du cinéma, le contexte de crise des missiles lui permet de montrer une société minée par l'angoisse du lendemain et en proie à une forme de paranoïa.



Avec ce petit livre, Franck Lafond présente de façon très pertinente la richesse de l’œuvre de Dante, trop souvent considéré comme un réalisateur de seconde zone. Le ton du livre est parfois un peu professoral et le style parfois abscons, j'ai mis plus d'un mois à venir à bout de ces 253 pages. J'ai regretté également que certains films ne soient que très vite évoqués, pas grand chose sur "small soldiers", rien sur "l'aventure intérieure", et de toute façon jamais assez sur le génial "panic sur Florida beach" (si vous aimez le cinéma, regardez-le). Mais ce sont juste des petits bémols, du pinaillage. Le livre est très intéressant et donne envie de revoir tous les films que j'ai déjà vus avec un regard neuf et de découvrir les autres.



Ah oui, et sinon, je ne sais pas si je vous l'ai dit mais "panic sur Florida beach" est un film génial. Regardez-le !



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