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Citation de dourvach


*** " Visitez tous le Grand Pays de Franz Kafka, avec vue imprenable sur L'Autre Monde ! " [2ème PARTIE] ***
[Suite et fin de la CRITIQUE de l'ouvrage "Franz Kafka : Oeuvres complètes, tome 1" - dernière partie concernant le roman "Le Château"]

(...) Un non-dit permanent, partagé par tous... et bien sûr ignoré de "K.", l'étranger... La divinité et ses émanations répugnent à se laisser approcher. Klamm pourtant se laisse entrevoir (à travers le trou minuscule d'une porte d'auberge)... Seulement Klamm n'est "que" le Chef du 10ème Bureau du Château, autant dire un Saint secondaire... Il veille d'ailleurs sur son invisibilité ordinaire, surveillant en silence les manoeuvres de K. au travers d'une galerie extérieure à claire-voie, sorte de "moucharabieh" d'où l'on peut voir en sans être vu, disposée en surplomb autour d'une cour neigeuse plongée dans la nuit.

Royaume de l'Enigmatique, surtout. [*]

Etonnante empathie dont fait preuve le petit Hans Bunswick, exprimant - avec sa grave sincérité d'enfant - toute sa sollicitude pour l'Arpenteur et ses malheurs, après avoir été témoin d'une scène de sadisme sournois : Gisa, son institutrice au visage d'Ange, imprimant les cinq griffes usées de patte d'une vieille chatte sur le dos de la main de K., ceci sous les yeux emplis de curiosité et d'appréhension de tous les enfants présents à l'Ecole).

"K." est assurément le Kafka - lucide et désabusé - de 1922 alors que "Joseph K." n'était pas autant le Franz Kafka de 1914 et Karl Rossmann encore moins le jeune Kafka des années d'avant 1912...

Ce nouveau personnage pourrait affirmer à la suite du "vrai" Franz Kafka : "Impossibilité de supporter la vie en commun avec qui que ce soit." (Journal, 6 juillet 1916).

Tour à tour, la clôture définitive des relations avec Felice Bauer (septembre 1917), Julie Wohryzek (juillet 1920) puis Milena Jesenskà (mai 1922) le prouvera suffisamment.

En cette terrible année 1922, l'évolution de sa maladie ne l'a pas encore amené à bénéficier de l'amour et des soins de la très jeune Dora Dymant, qu'il rencontrera durant l'été 1923.

On pense à la fièvre qui saisit Henri Beyle- « Stendhal » lorsqu'il vînt à bout de « La Chartreuse de Parme » en 52 jours de novembre et décembre 1839 (Nos contemporains parleraient d'une véritable « performance »...). On prend conscience de la « perfection dans la complexité » de ce monde créé pour « Le Château » en moins de 9 mois de réaction enfiévrée (janvier à septembre 1922). Oeuvre de la maturité artistique. Imminence de l'issue fatale que l'on pressent dans sa chair ? Cquelque chose de pressant qui fait écrire « Tout »... avant que... Peu-être Kafka a-t-il reculé en septembre 1922, de savoir que le récit ne saurait se terminer que par la fin de K. (« mort d'épuisement » après une dernière journée à vivre au village) ?

Allons, meurt-on d'épuisement en quelques jours ? Nouvelle impression tenace d'un grand « Autre » : celui de l'Absurde... Trop vastes coulisses du Théâtre existentiel qui est « nôtre ».

Max Brod écrit dans la postface de la 1ère édition [1926] : « [Kafka] m'a expliqué une fois sur ma demande comment le roman devait se terminer. Le prétendu [sic] armateur obtient au moins satisfaction. Il ne se relâche pas dans son combat mais il meurt d'épuisement. Les gens de la commune se réunissent autour de son lit de mort, et c'est le moment où parvient la décision du Château : K. ne devait pas légitimement séjourner au village mais, au vu de certaines circonstances accessoires, on lui donnait le droit d'y vivre et d'y travailler. ».

Donc, « Présence tolérée » mais, comme on le voit, « Trop tard...  ». Condamné à vivre (mort) au Royaume des Limbes pour toujours.

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Ce roman fut rédigé de janvier à septembre 1922.

La première édition de ce roman vit le jour en 1926 à München, aux éditions Kurt Wolff Verlag. La seconde édition parut à Berlin en 1935, dans le cadre des « Oeuvres complètes » publiées aux éd. Schocken Verlag sous la direction de Max Brod et Heinz Politzer.

1938, triste année des « Accords de Münich » sera également l'année de cette première traduction française.

« Das Schloss » fut le second des trois romans inachevés de Franz Kafka à paraître en Allemagne puis à être traduit en français…

Il comprend 25 chapitres (dont le dernier inachevé).

Le texte du « Château » compte 315 pages (p. 493 à 808) dans cette édition de la Pléiade.

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(*) NOTE ADDITIONNELLE ou "DECRYPTAGES"...

On a pu facilement "décrypter" le portrait de Felice Bauer dans celui de "Fraülein Bürstner" du "Procès" (rédigé en 1914-1915) : "C'est une brave petite, bien gentille, bien aimable, bien convenable , et ponctuelle, et travailleuse." [chapitre I].
On évoque celui de Milena Jesenskà - avec lequel Franz Kafka eut des relations de 1920 à 1922 - au travers du personnage de Frieda, amoureuse de K. dans "Le Château" (1922). Frieda est servante à l'Auberge des Messieurs et amante de Klamm lorsqu'elle rencontre K. "Klamm" serait par voie de conséquence le portrait crypté d'Ernst Pollak, mari de Milena, devenant le "modèle bourgeois" (un peu décati) du Chef du 10ème bureau entrevu par l'orifice d'une porte...

Mais que dire de "la famille de Barnabé" dont le père est cordonnier ? Le jeune Barnabé est pourvu de deux soeurs, Olga et Amalia. "La famille Barnabé" est à la fois réprouvée et touchée par une sorte de grâce venue du Château dont Barnabé est un des plus humbles "messagers"...

Le Château n'est-il pas la demeure (souvent cachée par la brume) d'un "Jéhovah/Yahvé" aux desseins impénétrables ? Max Brod a comparé avec justesse "Le Château" à la Quête du Graal...

Pour ce qui concerne l'auteur de ces lignes, la quête d'informations fiables autour du mystère "Julie Wohryzek" (poursuivie en tant que futur auteur du récit "Heiraten" paru en 2015) semble du même ordre.

Pudeur de Franz et perte (définitive ?) de l'essentiel de la correspondance entre Julie et Franz (années 1919-1920).

J'observe aujourd'hui combien le duo des soeurs Olga (l'aînée) et Amalia (la cadette) porte la trace de celui que formait visiblement deux des trois soeurs Wohryzek, Julie et "Käthe", même si physiquement Julie et Käthe W. semblent fort éloignées des soeurs jumelles du roman...

Elles avaient un jeune frère : Wilhelm (dont nous ne savons pratiquement rien) qui pourrait "correspondre" à la place prise par le personnage sympathique de Barnabé "le messager".

Le père Wohryzek a, lui, été décrit succesivement comme "cordonnier" [Cf. les biographies "Kafka" écrites par Klaus WAGENBACH et Gérard-Goorges LEMAIRE] puis comme "boucher Kasher" [Cf. "Franz Kafka, der ewige Sohn" de Peter-André ALT, 2005]... tout en ayant la charge de s'occuper du "gardiennage" de la plus grande Synagogue de Prague (dont le bâtiment - qui survécut au nazisme - fut détruit par le pouvoir soviétique dans l'après-guerre)....

On note simplement que dans "Le Château", le père de "Barnabé et ses soeurs" tient un rôle important dans la "brigade de pompiers"...

La figure solaire d'Olga, avec son "comportement joueur et enfantin" pourrait porter encore le souvenir - et sans doute le regret - de la relation puis des fiançailles rompues avec Julie Wohryzek en juillet 1920.

Or, souvenons-nous que Franz Kafka commence à correspondre avec Milena Jesenskà en avril 1920 et passe quatre jours entiers avec elle à Vienne fin juin-début juillet 1920... Et c'est en juillet 1920 qu'a lieu la fin de toute relation avec Julie Wohryzek.

La bravade teintée d'une certaine jalousie rétrospective de Frieda pour "la famille Barnabé" transparaît clairement au chapitre XIV, "Les reproches de Frieda" lorsqu'elle adresse à K. : "Mon amour pour toi m'a fait franchir tous les obstacles [dit-elle], c'est lui qui t'a sauvé de la famille Barnabé".

Mais tout roman n'est-il pas (même involontairement) "à clefs" ?
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