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Critiques de Franz Xaver Kappus (126)
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Lettres à un jeune poète

J'ai entendu beaucoup de bien des Lettres À Un Jeune Poète de Rilke. Beaucoup. Alors je m'y suis attardée — un peu — et j'ai trouvé dix lettres, dont quatre au moins sont très courtes. Si l'on en expurge les formules rituelles de politesse et la relation d'une actualité à peu près dénuée d'intérêt à présent, on s'aperçoit que ce qu'il en reste d'exploitable littérairement ou philosophiquement parlant, ou encore à titre de ce que l'on pourrait considérer comme un essai est assez bref.



Toutes les lettres, sauf une, datent de 1903 et 1904 (la dernière étant de 1908), c'est-à-dire, à peu de choses près que ce sont les pensées d'un poète, autour de 28 ans destinées à son correspondant qui avait, lui, autour de 20 ans.



Comme il s'agit d'une correspondance, Rainer Maria Rilke utilise un style très direct ; il y expose sa pensée sans détour, sans trop de précaution, avec un certain nombre de généralisations probablement abusives mais qui passent très bien, et d'autant mieux que l'on est jeune, avec une âme flambante et des désirs d'absolu.



Je pense que j'aurais adoré découvrir ces lettres alors que j'étais lycéenne ; cela m'aurait transportée. Malheureusement, maintenant que je suis devenue un peu vieille et rabat-joie, je les trouve esthétiquement belles et exaltantes, mais, dans le fond, assez creuses et pas très fouillées.



Ce n'est pas désagréable à lire. L'auteur y exprime sa vision de la vie de l'époque, avec un petit côté rassurant pour son interlocuteur. Très bien, mais outre cela, qu'y trouve-t-on ? La vision de Rilke sur la création artistique et poétique, son avis sur la critique, sa profession de foi sur la solitude puis sa théorie sur l'amour véritable.



Sur la création artistique : n'essaie pas de te plier aux modes ni à ce que l'on attend d'un auteur, ferme tes écoutilles et n'écoute que ce qui vient de toi. Tu dois sentir que l'écriture est la seule chose qui compte dans ta vie sinon tu n'es pas fait pour devenir écrivain.



Sur la critique : c'est de la merde, n'écoute pas les critiques, n'aie aucun dogme, ne vénère pas ce qu'on te dit de vénérer, mais vénère quand même Jens Peter Jacobsen. (Tiens ? Y aurait-il comme une forme de contradiction sur ce point précis ?)



Sur la solitude : de toute façon, quoiqu'on fasse, quoiqu'on se leurre, on est toujours et éternellement seul. Mais il ne faut pas s'en affliger, bien au contraire, car c'est cette solitude et cette acceptation qui permettent d'atteindre l'accomplissement de soi et la grandeur maximale qu'il nous est possible d'atteindre. Il faut être serein, laisser du temps au temps, se laisser croître soi-même et tout ira bien.



Sur l'amour véritable : nous sommes démunis et mal préparés. On nous fait miroiter le côté grandiose et extatique — le plaisir, pour faire simple — or, l'amour véritable, c'est bien autre chose que ça. C'est un long travail de domestication de soi-même et de l'autre afin d'arriver à une vie harmonieuse, équilibrée et réciproque, d'ailleurs non dénuée de solitude.



Bon, c'est vrai, c'est très joli tout ça. En première approximation, en première lecture, à chaud cela paraît super mais quand j'essaie de creuser (excusez-moi, c'est une sale habitude que j'ai contractée avec le temps de toujours vouloir creuser, à l'instar de certains chiens mal appris qui maltraitent les belles pelouses), quand j'essaie de creuser, donc, je ne trouve pas grand-chose au bout de ma bêche.



C'est probablement normal, car Rilke lui-même, à l'époque est encore un jeune poète et je pense qu'il ne faudrait probablement pas l'inscrire à un concours de bras de fer cérébral avec son compatriote et contemporain Robert Musil quant aux thèmes abordés dans ces lettres. Rainer Maria Rilke s'avèrerait sans doute assez vite être un poids plume, un très agréable et très élégant poids plume, mais un poids plume tout de même.



En somme, je trouve ces lettres très sympathiques, très plaisantes à découvrir autour de l'âge qu'avait le destinataire, soit une vingtaine d'années, mais peut-être plus autant par la suite, notamment pour les vieilles chamelles méfiantes, retorses et racornies de mon espèce. Mais ce n'est bien entendu que l'expression d'un avis singulier et d'une ampleur limitée, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Lettres à un jeune poète

À l'heure où courriels et textos s'échangent pour un oui ou pour un non, les “Lettres à un jeune poète”, écrites sur la période 1903-1908, reflètent une authenticité rare.



Nos aïeux appréhendaient le temps qui passe différemment d'aujourd'hui, ainsi les échanges épistolaires étaient-ils tributaires des délais d'acheminement aléatoires de la malle-poste. Recevoir une missive était à l'époque un petit événement et pour peu que les nouvelles fussent bonnes on se plaisait à les lire encore et encore.

Les lettres de Rainer Maria Rilke furent à n'en pas douter, pour le jeune poète en herbe Franz Kappus, des moments de bonheur intense comparable peut-être à celui que ressent le récipiendaire d'une distinction suprême.

Pas encore trentenaire mais jouissant déjà d'une certaine notoriété, Rilke s'est pris d'affection pour ce jeune inconnu. Le mélancolique Kappus, doutant terriblement de lui-même au point de soumettre ses créations littéraires à l'appréciation de son illustre aîné, ne renvoie-t-il pas l'écrivain autrichien à ses vertes années, à la versatilité de ses propres états d'âme !



Ce recueil de dix lettres, paru pour la première fois en 1929, permet de mesurer l'intelligence et la sincérité avec lesquelles Rilke livre le fond de sa pensée sur l'intemporalité de l'art, sur le besoin permanent d'intériorité primordiale pour l'accomplissement de soi, sur l'extraordinaire pouvoir du verbe aimer...



Ces réflexions empreintes tout à la fois d'anticonformisme et d'universalité rencontrent aujourd'hui encore un vif succès. Gageons que les jeunes lecteurs, également, demeureront sensibles à ces écrits d'un autre temps !

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Lettres à un jeune poète

Peut-on imaginer plus louable manifestation de respect et d’amitié que celle que le poète Rainer Maria Rilke a offerte au jeune Franz Kappus ? En 1902, ce dernier, alors tout jeune élève de l’école militaire de Sankt Pölten, apprend par hasard que Rainer Maria Rilke a lui aussi fréquenté cette même institution une quinzaine d’années auparavant.

Le jeune homme n’a pas encore 20 ans, se tient au seuil de l’âge adulte, dans cette période charnière et difficile de la vie, où les doutes, les inquiétudes, les inclinations profondes et les interrogations sur l’avenir taraudent et corrodent l’esprit de mille petits tourments.

Il décide d’envoyer ses tentatives poétiques au célèbre poète dans l’espoir de solliciter son jugement sur la qualité de ses vers. Il y joint une lettre d’accompagnement où il se livre entièrement, révélant l’état de trouble, de solitude et d’incertitude dans lequel se débat sa conscience.



Quel écho dans sa propre existence Rilke trouva-t-il à la lecture de ces lignes l’incitant à répondre au courrier du jeune homme ? Sans doute fut-il touché par la grande sincérité avec laquelle ces lettres furent écrites ? Sans doute se souvint-il d’un temps pas si lointain où lui aussi subissait ce même égarement et ces choix douloureux qu’il faut effectuer et qui décident de toute votre existence ?

C’est ainsi que de 1903 à 1908, l’homme de lettres renommé entama une relation épistolière avec le jeune garçon inconnu Franz Kappus. Jamais les deux hommes ne se rencontrèrent autrement que par ces mots couchés sur le papier et que Franz Kappus, conscient de la beauté du geste autant que de la valeur littéraire des lettres du poète, décida de partager avec le grand public en les faisant publier à l’aube des années 1930.



Dix lettres, dix réponses, dix superbes textes qui dépassent les seules considérations poétiques pour éclore sur des interrogations universelles et intemporelles comme la solitude, la création artistique, Dieu, la nature ou l’amour.

Et c’est un véritable bonheur de découvrir ces missives écrites par Rainer Maria Rilke avec toute la franchise et la bienveillance d’un guide spirituel attentif aux troubles et aux questionnements d’un être en quête d’identité et de sens.

La plume déliée, lyrique, sensible et compatissante du poète allemand, s’écoule avec la force d’une eau vive au gré des pensées et des méditations, se faisant le réceptacle de toute une jeunesse en proie aux incertitudes lors du ô combien difficile passage à l’âge adulte.

Conseiller, berger, accompagnateur, Rilke l’est tout entier dans ces lettres éblouissantes de profondeur et de chaleur amicale mais il est aussi l’homme qui, de part son statut de poète, a fait le choix d’une existence solitaire vouée à l’écriture et à la poésie.

En effet, pour l’écrivain allemand, il n’est pas d’expérience artistique authentique qui ne se manifeste autrement que dans la nécessité, la solitude, l’immersion au plus loin de son intériorité et l’attention portée à la nature.

Cependant, cette expérience artistique ne s’exprime nullement par la seule pratique d’un art. Elle s’inscrit selon lui, dans tous les aspects de la vie, pour peu que chaque chose soit vécue avec loyauté et rigueur, dans la compréhension d’un monde où s’embrassent le tangible et l’immatériel.



L’art est ainsi une manière de vivre ; le poète est celui qui puise son inspiration dans toutes les manifestations de la vie et de la nature, aussi infimes soient-elles. Sa perception, allant bien au-delà du commun des mortels, le désigne naturellement à une solitude qui ne doit pas être subie mais au contraire choisie et désirée quand bien même elle serait quelquefois douloureuse.

Solitaire à l’instar d’un Dieu créateur, le poète renferme en lui un univers par lequel l’acte de création jaillit après une longue germination.

Les deux courtes nouvelles qui suivent la correspondance de Rilke le conduisent à la genèse de la condition du poète, avec l’apparition des premières manifestations poétiques et l’évocation du surgissement de son inspiration.



Si ces lettres permirent à Franz Kappus de franchir le passage entre adolescence et âge adulte et de s’épanouir ailleurs que dans le domaine de la poésie et de l’écriture, les mots de Rilke vont toutefois bien au-delà d’une source d’apaisement et de réconfort.

Ils renferment une aura d’éternité et un caractère universel qui fait que chaque lecteur en quête de sens ou de beauté peut s’en imprégner, y puiser matière à réflexion et a même l’impression que ces mots pourraient ne n’adresser qu’à lui. C’est en partie cette universalité, cette réceptivité du poète allemand faisant fi des barrières du temps qui ont valu à « Lettres à un jeune poète » l’engouement d’un large lectorat.

Un livre tout en beauté et en profondeur …« plus on le lit et plus il semble qu’il contienne la totalité de la vie ».

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Lettres à un jeune poète

« Rien n'est moins capable d'atteindre une oeuvre de l'art que des propos critiques ». Bon c'est dit…on va tout de même essayer…



On entend souvent que l'expérience instruit plus sûrement que le conseil. Oui mais nous n'avons qu'une seule chance sur terre (d'où cette « insoutenable légèreté de l'être » découverte par autre praguois…).



Rainer Maria Rilke reçoit, au début du siècle dernier, les lettres d'un jeune aspirant poète, mais l'avis du maître praguois sur la poésie du disciple se révèle être un conseil beaucoup plus englobant et pénétrant.



Et les conseils, s'ils sont bien dispensés, à l'image de ceux de Rilke, sont un formidable accélérateur de vie et d'émancipation. Aurions-nous bien le temps de tout expérimenter, de tout tester ? Serions-nous où nous en sommes si nous n'avions jamais pris ou reçu conseil ?



Certes l'expérience du jeune poète validera ou corrigera les conseils prodigués par Rilke, mais le tuteur n'est là que pour redresser le tronc et s'assurer qu'il pousse droit vers la lumière, sans en passer par les affres des difformations. Les conseils du grand poète autrichien sont faits du même bois.



Peu importe que le jeune poète embrasse in fine une carrière plus commune, l'art sera sans doute plus proche de lui. Les réflexions de Rilke sur l'artiste et l'art, sur le paradoxe de l'artiste rappellent fortement le personnage de Wang-Fô de Marguerite Yourcenar, qui « aimait l'image des choses mais non les choses elles-mêmes ».

C'est-à-dire que l'artiste ouvre les yeux de ses concitoyens sur le monde sensible tout en évoluant souvent dans un monde déconnecté de la vie ou en considérant les gens comme des moyens au service de l'art et ainsi accusant un déficit d'empathie cuisant.

Rilke parle d'un « piège » et se réjouit de savoir que le jeune poète est entré « dans la vie active » comme nous dirions aujourd'hui et qu'il est « solitaire et courageux au milieu d'une dure réalité » car l'art est d'abord « une manière de vivre ».



Pour l'écrivain autrichien c'est une constante que les métiers sont « sclérosés n'ayant plus aucun lien avec la vie (…) pleins d'exigences, d'hostilité à l'égard de l'individu, imbibés en quelque sorte par la haine de ceux qui se sont résignés, dans une rancoeur muette, à la sécheresse du devoir. »



« Recherchez la profondeur des choses : l'ironie n'y descend jamais ». Ainsi, l'essentiel n'est pas de craindre telle ou telle voie professionnelle a priori mais de savoir de quel bois nous sommes fait, ne nous laissons pas envahir par l'angoisse ou la peur mais questionnons nos incertitudes, exigeons « des arguments » de sorte que : « Et votre doute peut devenir une qualité si vous l'éduquez ».



« Nous devons accepter notre existence aussi loin qu'elle puisse aller (…) c'est là au fond le seul courage que l'on exige de nous » cette résilience, cette confiance en ses capacités, cette désillusion salvatrice il faut la découvrir en soi, mais comment partir à la rencontre de soi ? Pour l'auteur pragois « ce qui est nécessaire se résume à ceci : solitude, grande solitude intérieure. Rentrer en soi-même et ne rencontrer personne pendant des heures – voilà ce à quoi il faut pouvoir parvenir. Être solitaire comme on était solitaire enfant. »



Lamartine disait que la poésie était la forme du langage la plus directe. C'est celle qui touche au Coeur, celle qui parle à Dieu, celle qui comprend la Terre. Dès lors plus de question à se poser sur le lien qui unit la poésie et la vie dans la correspondance de Rilke.



Désormais je crois, les lettres du jeune poète sont publiées, nous ôtant l'illusoire apanage, trop longtemps concédé, d'être les destinataires privilégiés des mots du maître en poésie.

Car nous aimerions tous recevoir une lettre de Rainer Maria Rilke, que nous soyons poètes ou non d'ailleurs... guettez le facteur sait-on jamais !



Qu'en pensez-vous ?
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Lettres à un jeune poète

Mon Dieu!! La lecture des Lettres à un jeune poète devrait être OBLIGATOIRE au lycée!

"Aimer aussi est bon : car l'amour est difficile. S'aimer, d'être humain à être humain : voilà peut-être la tâche la plus difficile qui nous soit imposée, l'extrême, la suprême épreuve et preuve, le travail en vue duquel tout autre travail n'est que préparation.

C'est pourquoi les jeunes gens, qui sont débutants en tout, ne peuvent pas encore aimer : il faut qu'ils apprennent. Il faut que de tout leur être, de toutes leurs forces rassemblées autour de leur coeur solitaire, angoissé, qui cherche à jaillir, ils apprennent à aimer. Or l'apprentissage est toujours un long temps d'enfermement, si bien que l'amour est ainsi repoussé loin dans le temps, jusqu'au coeur de la vie - : solitude, isolement encore plus intense et plus profond pour celui qui aime. Aimer n'a d'abord rien d'une absorption, d'un abanbon ni d'une union avec l'autre (car que serait l'union de choses qui ne sont pas éclaircies, ne sont pas achevées, ne sont pas encore mises en ordre ?) c'est une sublime occasion pour l'individu de mûrir, de devenir quelque chose en lui-même, de devenir un monde, de devenir pour l'amour d'un autre un monde pour lui-même, c'est une grande et immodeste exigence qui s'adresse à lui, qui en fait un élu et l'appelle à l'immensité.(...)

Mais c'est là justement l'erreur si fréquente et si lourde que commettent les jeunes gens (il est dans leur nature de n'avoir pas de patience) ; ils se jettent l'un sur l'autre lorsque l'amour descend sur eux, ils se déversent tels qu'ils sont, dans tout leur manque de cohérence, leur désordre, leur confusion... : que peut-il arriver ? Que peut faire la vie de ce bric-à-brac à moitié démoli qu'ils nomment leur communauté et qu'ils aimeraient bien appeler leur bonheur, s'il y avait quelque apparence, et leur avenir ? Là, chacun, pour l'amour de l'autre, se perd, perd l'autre et beaucoup d'autres qui voulaient encore venir."

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Lettres à un jeune poète

Lettres à un jeune poète, ce sont dix lettres écrites par Rainer Maria Rilke entre février 1903 et décembre 1908, lettres adressées à un jeune homme qu'il ne connaît pas et qui a sollicité un conseil auprès de l'écrivain âgé de vingt-huit et déjà célèbre, un certain Franz Xaver Kappus, ce jeune homme souhaitant consacrer son existence à la poésie.

Ces lettres ont été publiées à titre posthume.

Elles sont d'une beauté lumineuse, éblouissante, généreuse. Il y a la manière et la matière, on y ressent l'élégance et l'empathie d'un auteur.

Non seulement il m'a semblé indispensable de lire ces Lettres à un jeune poète, mais il me semble également indispensable de les relire plusieurs fois au cours de son existence, sans doute pas trop tôt, attendre un peu que le moment de la vie s'y prête... Et alors, y aller... Tiens ! Je dirais même que ce serait une magnifique idée d'offrir ce livre à un être qui est vous est proche et cher. Pourquoi ?

Parce que derrière la beauté de ces lettres, il y a nos propres vies, ce que nous tentons d'y mettre, d'où nous venons, où nous allons, si jamais nous savons répondre à ces deux questions.

Ici il est question de solitude, la solitude de l'artiste, de distance, celle entre l'artiste et les autres, de création littéraire... Et brusquement, je me suis aperçu que cela touchait aussi autre chose, tout simplement la vie, nos vies, nos tâtonnements, nos errances, nos besoins de respiration... La manière de lire ces lettres en 1903 ou en 2019 n'est peut-être pas la même. La manière de refermer le livre et de reprendre pied dans sa vie, par contre, me semble d'une portée universelle.

Le ton est d'une très grande courtoisie, bienveillant, pour autant il n'est jamais chaleureux. Mais il n'y a jamais la condescendance qu'un artiste pourrait avoir à l'égard de quelqu'un qui l'admire. C'est presque une voix penchée sur l'épaule d'un jeune homme qui cherche à découvrir le chemin de sa vie, une voix posée à bonne distance.

Justement, cette invitation à une solitude infinie, à savoir prendre la bonne distance, prend tout son sens dans une société dissonante, bruyante, dérisoire à certains moments, où beaucoup d'entre nous sont en quête de sens. Lire et relire ces lettres est une manière, peut-être, de tenter de retrouver du sens à notre existence...

Je vous vois déjà venir avec vos gros sabots : ah ! encore un livre sur le développement personnel ?! Oui, pourquoi pas si l'on considère que les philosophes grecs, déjà, nous ont transmis l'essentiel sur la manière de bien vivre et se poser les bonnes questions. D'autres comme Montaigne, Spinoza, Pascal, Nietzsche, ont emprunté leur pas. Tiens donc, Nietzsche... Un point commun avec Rilke, ils ont aimé la même femme : Lou Andreas-Salomé. Rilke n'était pas philosophe, il était un poète. Mais est-ce bien différent, s'agissant de la poésie de Rilke ?

Ces dix lettres sont belles, splendides, bouleversantes, facilement accessibles alors que la poésie de Rilke l'est sans doute moins. Rilke les a-t-il écrites pour Franz Kappus, pour lui-même, pour nous, pour la postérité ? Qu'importe au fond... Nous en tirons la joie et la grâce de les déplier à l'infini.

Les tentatives poétiques de ce jeune apprenti poète sont vaines aux yeux de Rilke. Il le dit franchement, mais il le dit en y mettant les formes. Il argumente, il développe, il fait un pas de côté pour le dire et c'est beau.

Ces lettres sont une merveilleuse éloge de la solitude et de l'errance. Une forme d'initiation, d'apprentissage à la vie. Chaque lettre est un chemin. C'est une joie de cheminer dans ces lettres. C'est une joie aussi de vous donner envie de visiter ces lettres.
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Lettres à un jeune poète

Désir d'écriture poétique quand tu nous tiens…

Je remercie vivement Babelio ainsi que les éditions du seuil pour m'avoir permis de relire ce beau livre.

Merci également pour le petit mot sympathique des Éditions du Seuil.



Ce petit recueil constitue un échange épistolaire, qui s'étend de 1902 à 1908, entre le jeune poète aspirant Franz Xaver Kappus et l'écrivain Rainer Maria Rilke. Kappus rongé par le doute demande conseil à son aîné sur ce qu'il nomme ses « tentatives poétiques. »



C'est avec un bel enthousiasme et une grande générosité que Rilke lui répond, celui-ci, ne souhaite pas s'ériger en juge, il se méfie de la critique, qui pour lui vide les œuvres d'arts et les écrits littéraires de leur sens.



Il va tenter de guider le jeune homme en partageant sa propre expérience d'écrivain ainsi que sa vision personnelle du monde, de l'art, de la littérature, de l'Amour.



Rilke lui suggère de descendre au plus profond de lui-même, de fouiller, observer si le désir d'écrire constitue réellement pour lui une nécessité vitale ; il lui enjoint de ne pas se laisser prendre au piège des formes communes de l'écriture déjà éprouvées et admises de tous, d'éviter les thématiques trop usitées comme celles de l'amour par exemple, mais plutôt de trouver un style personnel qui rendra son écriture poétique unique, vraie, essentielle, indispensable, nouvelle.



Pour Rilke, l'écriture exige de ne pas se tourner vers l'extérieur (le regard des autres, les oeuvres préexistantes) mais vers soi-même pour accéder à son propre élan vital et créatif, l'inspiration qui donnera forme à cette nouvelle écriture. Il lui propose également quelques lectures qui vont enthousiasmer le jeune poète, notamment celle des oeuvres de Jacobsen, écrivain et poète danois dont Rilke est un fervent admirateur : la découverte de ces oeuvres va porter le désir d'écrire de Kappus au plus haut point, ce dernier laisse alors de côté l'obscurantisme de Heine dont il fut un fervent admirateur dans sa jeunesse pour se tourner exclusivement vers le grand écrivain.



Les correspondances avec Rilke constituent un véritable parcours initiatique pour Franz Kappus, ce dernier voue une admiration inconditionnelle au poète et à travers lui aux écrivains cités par son mentor. Il apprend beaucoup au cours de ces longs échanges épistolaires et n'hésite pas à remettre en cause ses propres écrits, ses visions littéraires et artistiques encore teintées d'immaturité pour tenter d'approcher la véritable essence de l'écriture.



Ce recueil de lettres comporte des réflexions intéressantes et essentielles sur la poétique en tant que processus d'écriture, il s'inscrit ainsi dans la lignée des arts poétiques. Il met en scène les tourments et les doutes qui rongent le jeune poète se dévoilant à lui-même par le biais de l'écriture poétique, il révèle le travail d'abnégation de soi exigé par cet art difficile.



Le style du texte, bien que traduit, est très beau car la poésie, l'amour et la maitrise de l'écriture, de la littérature, l'admiration de leurs pairs par les deux protagonistes sont évidentes dans ces lettres qui se savourent à petites doses. Les métaphores filées de Rilke sur le processus de l'écriture artistique, les envolées lyriques et digressions sur la sensualité, l'amour et l'enfantement comparées à la création littéraire sont à la fois d'excellents conseils et un pur bonheur de lecture, les images évoquées appellent la méditation, le rêve, le voyage de l'imagination et de la pensée.



Mais la chronique n'est rien, l'original reste à lire ou à relire.

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Lettres à un jeune poète

Ce livre traînait dans ma pile de livres à lire depuis bien trop longtemps. J’en repoussais toujours et toujours la lecture et je me dis que j’aurais dû le lire bien plus tôt dans ma vie. Dépassant de loin le cadre de la création littéraire, cette correspondance de Rainer-Maria Rilke est un condensé des apprentissages à faire dans une vie. Il y parle de solitude, de création, de questionnements, d’amour, de relations homme-femme, de connaissance de soi et de bien d’autres choses encore.

Chaque mot résonne en soi, fait du sens. Par ses mots, Rilke nous fait réfléchir. Et de la bonne manière. C’est pour moi, un ouvrage vers lequel je reviendrai encore et toujours, parce que peu importe le moment où on le prend dans ses mains, certaines phrases peuvent nous éclairer d’une autre manière. Un gros, gros coup de cœur, que je me garderai d’avoir sous la main toute ma vie durant.
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Lettres à un jeune poète

Je n'avais jamais lu Rilke mais je connaissais sa relation particulière avec la belle Lou Andréas-Salomé. Ce sont ici les mots d'un poète qu'on découvre. Rilke traite de plusieurs sujets comme l'amour, la création, la solitude tout en répondant à Franz Kappus, un jeune homme âgé de vingt ans qui lui a envoyé ses premiers essais poétiques. L'auteur des lettres veut transmettre sa passion pour l'Art, il parle du sculpteur Rodin mais aussi de l'auteur Jacobsen. Les mots de Rilke nous touchent, nous transpercent et nous bouleversent. Ce petit ouvrage nous permet d'approfondir notre rapport à l'Art, l'auteur se place en véritable maître. Ce petit livre est précieux, il faut le transmettre que ce soit pour enrichir une culture littéraire ou pour le plaisir des mots. L'auteur nous offre un guide pour la vie grâce à des lettres inspirantes et profondes. Rilke est considéré comme l'un des plus grands poètes allemands du XIXe siècle et je comprends totalement pourquoi.
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Lettres à un jeune poète

Franz K. le mystérieux jeune homme qui sans lui on n'aurait pas eu ces lettres, ces bijoux. D'ailleurs, la première question que je me suis posée après la première lettre, qu'est devenu ce jeune poète ? A-t-il produit des poèmes extraordinaires ? Peu importe, puisqu'il a été le motif à ces lettres. de plus, il a sans doute su poser les questions justes pour recevoir ces excellentes réponses. Merci cher monsieur Kappus.



Rilke je le connaissais depuis la lecture de Blanchot et je l'ai découvert avec ses Carnets de Malte Laurids Brigge. J'étais devant un écrivain qui s'inscrit dans la lignée de Valéry et Mallarmé, un grand. Et dans ses carnets, on trouve déjà les idées des lettres éparpillées çà et là. Rilke a toujours été préoccupé par la création littéraire, toujours essayant de savoir ce qu'est l'artiste, la poésie, l'art, et cette recherche le mène à créer une vision originale et singulière qu'on retrouve exprimée avec sincérité dans ces lettres.



Dans cette collection poésie/Gallimard, on trouve la version originelle qui se tient imposante devant sa traduction. Je regrette d'ignorer l'allemand car j'aurais pu entretenir cet itinéraire entre les deux. Par ailleurs, il existe une édition arabe ingénieuse qui a réuni les Lettres à un jeune poète et les Lettres à un jeune romancier de Vargas Llosa (moins connues mais aussi intéressantes).
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Lettres à un jeune poète

Ces lettres sont à lire encore de nos jours, en priorité par ceux qui ne s'autorisent pas à écrire ou par ceux qui n'osent pas envoyer leur manuscrit à des éditeurs. Rilke se dresse face aux détracteurs des productions artistiques que sont les autres… et soi-même. Il faut y croire et persévérer. Au fond, le seul juge de la production naissante incombe à son maître. La critique n'est que littérature au sens bas du terme.

Véritable plaidoyer qui définit ce qu'est l'acte d'écrire, Les Lettres à un Jeune Poète n'omettent pas de souligner que la passion ne doit pas céder face aux loups, et aux spectres minant le for intérieur des auteurs.

Pris de stupeur en refermant l'ouvrage, je me suis posé les questions suivantes (brûlantes et grimaçantes) : combien d'oeuvres n'auront jamais été publiées en restant dans les tiroirs de leurs auteurs découragés, accablés ou abattus ? Combien de chefs-d'oeuvre déchirés, jetés dans l'oubli ?
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Lettres à un jeune poète

J'ai lu ce livre que j'avais déjà, et curieusement jamais lu, alors que je le connais depuis longtemps. Je l'ai récemment acheté à une amie qui a étudié la langue allemande : j'avais fait attention à prendre la nouvelle version avec les lettres de Kappus ; mais quand je me le suis racheté, j'ai pris la version qui ne comporte que les lettres de Rilke.

J'ai eu envie de lire ce livre, car ce poète allemand était un peu le maître à penser d'Etty Hillesum, il lui donnait de l'espoir durant la guerre puis en déportation, avec toutes ses œuvres d'ailleurs, pas seulement les Lettres.



J'ai été admirative de la pensée de Rilke effectivement, et on voit se dessiner dans ces lettres une belle âme : bien qu'il ait une mauvaise santé, et voyage souvent pour essayer de trouver la paix intérieure, il prenait soin de répondre aux lettres du jeune homme, de lui donner des conseils qui l'aident à vivre et à endosser cette responsabilité d'être créateur. Il lui arrive aussi de décrire dans un passage bouleversant les eaux vives de Rome, les escaliers et les jardins, la nuit étoilée au-dessus de la ville, c'est magique, il a les mots.



Il est beaucoup question, dans ces dix lettres, de solitude assumée, de relation à la poésie, qu'on doit laisser arriver en travaillant sur soi, en se tenant prêt, mais qu'on ne peut forcer. L'auteur conseille fortement de s'inspirer de sa propre vie, ses propres sentiments, et d'y mettre la plus grande sincérité. Je sais que Rilke souffrait profondément lui-même de périodes sans inspiration, parfois pendant plusieurs mois ou années. Je ne connais pas Kappus, mais il semble que leur correspondance se soit peu à peu terminée, car celui-ci ne s'est pas détaché de la vie active, militaire, puis sociale, pour ne se consacrer qu'à écrire. Il a eu une petite réussite mondaine mais n'a pas été un grand auteur.



Si j'avais seulement lu les Lettres, j'aurais sans doute mis une note un peu plus élevée, car elles sont touchantes et vraies, mais les textes autour m'ont moins plu, j'ai trouvé son œuvre un peu froide, distante, les textes font réfléchir mais ne m'ont pas touchée. Il faudrait que je découvre plus sur ses livres, mais ce ne sera pas dans mes priorités, plutôt si je retombe dessus par hasard.
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Lettres à un jeune poète

Lors de mes lectures le nom de Rilke revenait souvent et en particulier avec cet ouvrage dont le titre ne pouvait que m'inciter à le découvrir. J'aime beaucoup les correspondances, les échanges épistolaires surtout quand il s'agit de courriers d'écrivain(e)s car comme dans les journaux intimes, les personnalités se révèlent, se "lâchent" et ici je dois dire que j'ai été surprise du contenu.



Je pensais lire des conseils d'écriture d'un poète affirmé et reconnu à un apprenti-poète et finalement ce sont dix lettres d'un poète certes mais d'un philosophe à un jeune officier, Monsieur Kappus, celui-ci attendant un avis sur ses écrits et recevant finalement des préceptes de vie : la solitude, la vie, l'amour, la maturité, les choix, préceptes nécessaires selon Rilke au travail d'écrivain



"Laissez à vos jugements leur évolution propre, silencieuse, sereine ; comme tout progrès, elle doit venir du fond de votre être et rien ne peut ni la presser ni la hâter. Tout est là : porter à terme, puis enfanter. Il vous faut laisser chaque impression, chaque germe de sentiment s'accomplir en vous, dans l'obscure, l'indicible, l'inconscient, le domaine inaccessible à votre propre intelligence et attendre avec une humilité et une patience profondes l'heure de la naissance d'une nouvelle clarté : cela seul est vivre pour l'art, qu'il s'agisse de comprendre ou de créer. (p19)"



Comme je le précise souvent je ne suis pas lectrice de poésies et je ne pensais pas être aussi séduite par ces échanges que je pensais axés sur celle-ci et dans une langue difficile d'accès. Il n'en est rien ni pour la poésie ni pour l'écriture, les pensées. Rilke évoque peu les vers de son correspondant mais plus sur ce qui transpire à travers eux où à travers les courriers reçus du jeune homme. Au début le ton est assez distant, presque sévère puis au fil du temps on sent une certaine complicité voire de maître à élève teintée d'amitié sincère s'installer entre eux (il n'y a que les lettres de Rilke et pas celles de Kappus). Rilke voyage beaucoup, souffre souvent de maladies ou de fatigues qu'il évoque en introduction puis développe à son correspondant ce qu'il doit savoir sur la vie mais également sur ce qu'implique être écrivain.



L'écriture est de toute beauté, fluide, le poète argumente, démontre et se fait même parfois prophète :



"Cette humanité que la femme a portée à terme dans la douleur et l'humiliation se révélera le jour où, en modifiant sa situation extérieure, elle se sera dépouillée des conventions de sa seule féminité, et les hommes, qui aujourd'hui encore ne le voient pas venir, en resteront surpris et abattus. Un jour (...) seront là la jeune fille et la femme dont le nom ne marquera plus seulement l'opposition au masculin, et aura une signification propre, qui n'évoquera ni complément ni frontière, simplement vie et existence : l'être humain dans sa féminité. (p46-47)"



J'ai beaucoup aimé car il s'adresse finalement pas seulement à un jeune poète mais l'humain, un petit livre de philosophie à l'usage des hommes (et des femmes) sur les attentes, les espoirs, les interprétations et sur l'impatience alors que tout cela demande temps et réflexion. 



Une véritable bonne surprise, une écriture remarquable et une acuité sur le monde qui l'entoure, malgré son jeune âge à l'époque de la rédaction de ces lettres (de 28 à 33 ans) on a l'impression de lire l'analyse profonde d'un homme ayant déjà beaucoup vécu avec en plus une pensée réduite à l'essentiel et je comprends mieux pourquoi il apparaît comme référence dans de nombreux ouvrages. D'autres ouvrages de correspondances ont été publiés et même si je ne vais pas vers ses poèmes (mais pourquoi pas tenter) j'aimerais les lire car qui ne rêverait d'avoir cette faculté de rédaction.



A lire, à relire, à méditer.... Un petit ouvrage à garder à portée de main pour le réconfort qu'il procure dans les moments de doute, pour revenir à l'essentiel et pour apprécier une vraie belle plume.
Lien : https://mumudanslebocage.wor..
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Lettres à un jeune poète

Leçon de vie et de fraternité



Cette correspondance épistolaire entre Rainer Maria Rilke et Franz Xaver Kappus est émouvante en bien des points (je parle ici de la nouvelle édition intégrale, parue aux éditions du Seuil en octobre 2020). le jeune officier Kappus, en proie à des tourments intérieurs et aspirant à devenir poète, écrit à Rilke pour lui demander des conseils en la matière. Mais il n'existe pas de recette ni de manuel dans cette affaire. On ne devient pas poète, on naît avec cette faculté de voir au-delà du visible, d'entrouvrir quelquefois le voile des apparences pour regarder ce qui se trame derrière la nuit ; et cette capacité d'opérer des relations avec l'invisible n'est pas donnée à tout le monde, loin s'en faut. Pour un poète, la poésie doit circuler de manière aussi vitale que le sang dans les veines. C'est une façon d'être au monde, et qui ne s'explique pas. Bien entendu, il est possible de taquiner la muse en s'adonnant à divers exercices formels tels que l'écriture de sonnets, de ballades, de rondeaux, etc., mais si cela ne vient pas directement du coeur, c'est peine perdue.



Rilke va rapidement faire comprendre à Kappus qu'il ne peut lui être d'aucun secours sur ce point. Cependant, une relation presque fraternelle va se nouer entre les deux hommes ; Rilke jouant ici le rôle de grand frère attentionné. Kappus lui fera part de troubles intimes, ainsi que de la détresse qui semble accompagner chacun de ses pas tel un chien fidèle. L'intérêt de cette correspondance réside avant toute chose dans l'humanité profonde qui s'en dégage.



À défaut d'être poète, Kappus excelle dans l'art du récit : son article de journal intitulé "Nuit du nouvel an à la frontière", en date du 7 janvier 1909, et qui peut se lire à la fin de l'ouvrage, en est un exemple admirable. Les lettres de Kappus, publiées pour la première fois dans cette nouvelle édition intégrale, révèlent un besoin viscéral et désespéré pour le jeune homme d'établir un lien avec un être qu'il admire – car la déréliction est son pain quotidien. Rilke répondra à son appel et tentera, du mieux qu'il peut, de redonner de l'espoir et du courage à son interlocuteur. Cet échange sera aussi pour le poète un moyen de mieux définir son rapport au monde et de comprendre davantage la trajectoire scripturale qui est la sienne. Une fort belle leçon de vie et de fraternité.



© Thibault Marconnet

Le 26 novembre 2020
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Lettres à un jeune poète

C'est la vie qu'on retrouve dans ces dix lettres captivantes, ou une autre forme de vie, l'autre vie, celle de la solitude créatrice, celle qui a de la peine à cohabiter avec d'autres vies, celle qui est hostile et pleine d'exigence, celle qui est condamnée par les hommes avant même qu'elle naisse, celle qui a un parcours aussi sinueux que n'importe quelle route parce qu'on y va seul, on écoute que soi, on laisse mourir une partie de soi, on laisse remonter à la surface une flamme qui sommeille en soi, on s'écoute et se projette dans le monde, on laisse des concepts venir à soi de la manière la plus naturelle, puis on enfante la douleur, on fait jaillir la lumière autour de soi.

Ces lettres sont une école aussi bien pour les créateurs que pour n'importe qui, en tout cas bien des ambitieux ont été traités de fous alors qu'ils étaient dans cette extase de la créativité...
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Lettres à un jeune poète

Même si le principe d’une correspondance se fonde sur l’échange de lettres entre deux personnes, il semblerait que la relation nouée épistolairement entre Rainer Maria Rilke et Franz Xaver Kappus, un jeune poète lui ayant envoyé quelques-unes de ses créations, ne mérite pas de retenir les envois de ce dernier. Nous ne découvrirons donc que les lettres de Rainer Maria Rilke. Ne gâchons pas notre plaisir : il s’agit déjà d’une belle offrande.





Rainer Maria Rilke prend son rôle de conseiller très au sérieux et s’érige en sage, sans doute sans le remarquer. Il s’adresse à Franz Xaver Kappus comme il aurait pu s’adresser à n’importe quel autre artiste –mais pas à n’importe qui, car il semble croire que les artistes pensent avec une profondeur qui effraierait le commun des mortels- et lui apprend comment faire son miel de tout événement, surtout lorsqu’ils mettent à l’épreuve la résistance d’un tempérament. Que triomphe la solitude, et que l’amour redevienne l’occasion d’une métamorphose ! Pour Rainer Maria Rilke, tout art (toute poésie) qui ne serait pas greffé à la vie de celui qui se prétend artiste ne vaut rien : « Confessez-vous à vous-même : mouriez-vous, s'il vous était défendu d'écrire ? »





Et partant de là, Rainer Maria Rilke énonce ce qui constituera également un des fondements de l’art de la critique littéraire de Walter Benjamin : « Une œuvre d'art est bonne quand elle est née d'une nécessité. C'est la nature de son origine qui la juge ».





Les lettres de Rainer Maria Rilke ne méritaient peut-être pas d’être rapprochées des lettres de leur destinataire car leur contenu est universel : c’est comme si le poète se parlait à lui-même et que sur une idée, une question ou un poème de son correspondant, il était capable de s’épancher des pages durant. Rainer Maria Rilke ne communique jamais vraiment, seule sa poésie et son art littéraire lui permettent de s’entretenir avec ses semblables, au moins dans la forme.
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Lettres à un jeune poète

Ces lettres à un jeune poète m'attendaient bien sagement . Elles ont patienté beaucoup, trop longtemps peut-être ?Pas sur , Rainer-Maria Rilke prône la patience en toutes choses, j'ai donc sans doute ouvert ce recueil au moment adéquat.

Dix lettres, dix réponses au courrier de Franz Xaver Kappus un jeune poète avide de conseils. Dix lettres dans lesquelles Rilke s'exprime sur la création littéraire, sur la vie de l'homme qui se doit d'être seul et solitaire face au monde afin de pouvoir se trouver, sur l'amour, sur l'humain l'homme la femme telle qu'elle est amenée à devenir. Emotion, ressenti personnel .. Rilke dénie l'utilité des mots de la critique "qui n'aboutissent qu'à des malentendus plus ou moins heureux". Dix lettres écrites entre février 1903 et Noël 1908, dix lettres que Monsieur Kappus fera publier en Juin 1929 après la mort de Rilke.

Quel dommage que Mr Bernard Grasset ait jugé opportun de commenter ces textes ...je n'ai pas résisté , la tentation était trop grande je n' ai pas lu sa prose!
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Lettres à un jeune poète

C'est en 1903 que Franz Xaver Kappus, alors jeune élève officier de l’École militaire impériale austro-hongroise, entreprend d'écrire à Rainer Maria Rilke pour lui demander conseil et lui confier ses doutes sur le travail d'écriture. Sans se connaître l'un et l'autre, les deux hommes vont entretenir une correspondance irrégulière mais qui durera cinq ans.



Au nombre de dix, les «Lettres à un jeune poète» sont en fait les réponses que Rainer Maria Rilke adressa à son jeune correspondant. Tout au long de celles-ci, avec une bienveillance et une sincérité édifiantes, Rilke confie que rien ne naît du travail du poète en dehors de la difficulté et du travail, que d'eux seuls peut éclore une réponse poétique aux trompeuses évidences, à une vision figée des choses. Difficulté d'être à soi, d'être dans la solitude, de se défaire des normes, d'assumer cet écart envers le conformisme ambiant sont tout ce que Rainer Maria Rilke va enseigner au jeune Franz Xaver Kappus.



La lecture des «Lettres à un jeune poète» a été une révélation pour moi. Je l'ai commencée sans pouvoir m'en défaire jusqu'à la fin. Empreintes d'un lyrisme et d'une sincérité vraiment touchante, elles sont une réflexion précieuse sur l'art de l'écriture, sur l'imaginaire poétique et tout ce qu'il suppose pour son auteur.

Je conseille vivement la lecture de ce recueil, une œuvre incontournable.
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Lettres à un jeune poète

On sait peut-être que l'oeuvre épistolaire de Rainer Maria Rilke atteint des proportions monumentales, et dépasse en quantité toutes les proses et tous les poèmes qu'il a pu écrire. C'est qu'en Rilke l'ami, le correspondant attentif, ne sont pas dissociables du poète. Rilke n'est pas un solitaire, mais un être de communication et de partage. Aussi, le recueil de lettres à un jeune poète détaché de l'ensemble de sa correspondance a-t-il un intérêt particulier : il ne connaît pas son correspondant qui ne lui donne à lire que ses lettres et ses poèmes, mais par la grâce de la lettre, il lui parle aussi bien de lui-même, que du métier de poète, ou si l'on veut, de la vocation poétique. Il l'inscrit au plus profond du secret des êtres, fidèle à une tradition née du romantisme dans laquelle être poète est d'abord un état, une élection, plus qu'une activité littéraire. Il a de belles pages sur ce thème.
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Lettres à un jeune poète

"Lettres à un jeune poète" est un court roman épistolaire dans lequel un jeune élève de l'école militaire Wiener Neustadt en Autriche entretient une correspondance avec le poète Rainer Maria Rilke entre 1902 et 1908.



Il s'appelle Franz Xaver Kappus. Il a une vingtaine d'années et aime lire la poésie. Il apprend par hasard que R.M. Rilke a été élève dans la même école militaire que lui il y a quelques années. Mais, étant de santé fragile, il a arrêté ses études militaires au bout de quatre années pour se consacrer à la littérature auprès de sa famille à Prague.



Kappus, jeune poète également, lui écrit une lettre pour solliciter son aide.



Contre toute attente, Rilke répond à cette lettre.



C'est alors le début d'une correspondance qui dure jusqu'en 1908.



"Je résolus dans l'heure d'envoyer mes tentatives poétiques à Rainer Maria Rilke et de solliciter son jugement. Je n'avais pas encore vingt ans et j'étais sur le point d'embrasser un métier que je ressentais comme exactement contraire à mes inclinations ; si j'espérais quelque compréhension c'était précisément de la part de quelqu'un comme le poète qui avait signé le livre "Mir zu Feier". Et sans que je l'ai vraiment préméditée, une lettre finit par accompagner mes vers ; je m'y livrais sans réserve, comme jamais je ne l'avais fait auparavant, et comme jamais non plus, par la suite à qui que ce soit d'autre."



J'ai beaucoup aimé découvrir l'auteur à travers ce texte empreint de douceur et de bienveillance. On y trouve les dix lettres que se sont envoyées les deux poètes au cours de ces années mais aussi deux textes intitulés "Le poète" et "Le jeune poète".



On y parle de solitude, d'amour, d'art, de littérature, d'inspiration et de sensibilité.



J'ai particulièrement aimé cette version bilingue en allemand et français dans la collection Poésie/Gallimard avec laquelle j'ai essayé de lire quelques passages en allemand.



Un très bon moment de lecture le temps d'un après-midi au soleil avec la plume de Rilke.

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