Mais pourquoi perdons-nous tant de temps à deviner le sens de caractères imprimés sur des pages blanches empilées ? Les poètes ont bien leur réponse – sauf qu'elle se chante.
BREL, c'était – ou plutôt "c'est" – Homère (ou Hésiode, ou Eschyle, ou Ramuz, si vous voulez...) : donc plutôt PAS le genre "pouêt-pouêt", non ! (Ce genre de bêtises qu'on disait ados, beaucoup pour s' moquer d' ceux qui "s' prenaient pour... ").
Un type qui a "simplement" trouvé sa Voie.
Exemple ? N'avoir jamais repris la cartonnerie de son père (Vanneste & Brel à Bruxelles).
Non, et sa Voie à lui, ça n'était pas non plus le cinéma (En étant honnête ? Pas mal de nanars joués et/ou tournés, tout de même, parmi cette dizaine de longs métrage recensés de 1967 à 1973 – même s'il a voulu "tout" dire de lui dans "Franz" et "Le Far-West")...
C'était, comment dire ? D'abord un humain... L'humain ordinaire et pas si "ordinaire que ça" : la Voie "Simenon" un peu... sauf que lui n' "accouchait" pas de romans durs ou de quelque "Maigret" en quelques jours ou semaines d'isolement.
Il composait des chansons, trouvait les bonnes paroles, s'accompagnait de sa guitare puis faisait appel à son comparse pianiste puis, au studio, à François Rauber pour l'orchestration puis... il vivait cela sur scène. Mais cela l'exténuait.
Alors, il est parti. En 1974. D'Anvers et pour de bon. Un projet de "Tour du Monde" avec son voilier tout juste acheté et équipé, "L'Askoy" . Mais voilà : arrêté à Tenerife par les signes d'une satanée maladie. Soigné et amputé d'une partie de son poumon. Puis repart. Antilles. Colombie. Panama. L'info de sa maladie filtre (Antoine, l'autre chanteur-globe trotter qu'il rencontra en chemin n'est pas "coupable" de l'indiscrétion, comme Brel le croyait lui-même : les bavassages "pour se rendre intéressant" d'un membre du personnel d'un hôpital, en général suffisent amplement...).
Alors Jacques Brel s'éloigne plein Ouest. Tombe dans le "Pot au Noir" des marins... Pas un poil de vent et 53 jours à barrer dans une mer d'huile en compagnie de Maddly, sa nouvelle compagne antillaise (ancienne danseuse s'étant extraite judicieusement des "Claudettes").
Arrivés à Hiva Oa, une des sept îles de l'Archipel des "Marquises" (un Territoire français d'Outremer TRES décentré... ). Il s'y plaît immédiatement, s'y installe, y vit, rend très vite service à la population : évacuations sanitaires (il a passé puis revalidé son brevet de pilote pour se mettre aux manettes de "Jojo", du nom d'un ami disparu), organise grâce à son copain Lelouch des séances de ciné hebdomadaires (mais aucun de "ses" films à l'affiche et prix symbolique d'entrée).
Puis lui revient l'envie de composer.
Alors, il s'envolera pour Orly et enregistrera le fameux disque – au ciel bleu nuageux – des "Marquises" (avec "Jojo", "La ville s"endormait", "Jaurès", "Le Bon Dieu", "Orly"...), qui sortira le 17 novembre 1977.
Fred HIDALGO (fin connaisseur du "french" show-biz) nous raconte ces quatre années-là – dans un grand "bordel" de 24 chapitres et 382 pages, très denses (avec en ANNEXES : discographie, filmographie, index) : ouvrage comprenant un très émouvant cahier-photos central.
Alors ? Ben voilà, vous en aurez pour vos sous...
Jacques Brel ne pourrait-il pas être "le Bon Dieu", au fond ?... En fait, non ! C'est qu'il est "beaucoup mieux : [il est] un homme."
Ce livre "de témoignages" nous relate – avec des mots très simples (... 'ttention, bien loin d'un "ouvrage littéraire" : le gars nous proposant plutôt son "grand Souk sympathique" de témoins directs) – une généreuse et très simple humanité.
Sa générosité, justement... Charley MAROUANI en sait quelque chose - qui fut un de ses plus vieux et fidèles amis et l'accompagna "jusqu'au bout"- exerçant par ailleurs son métier d'impresario, tout en restant lui aussi d'une incroyable timidité.
Brel, c'est aussi un "système de valeurs" à partager dans la pudeur la plus élémentaire : timide, oui, l'auteur-compositeur-interprète qui ne se "lâchait" vraiment que sur scène (comme l'ami Georges Brassens) et donnait alors tout à "son" public.
Jacques BREL ou cet homme presque anonyme – s'étant placé là où il se sentait VIVRE définitivement : loin des flashs et des sangsues humaines. En son Paradis gagné .
Mais traqué jusqu'au bout par ces c...s de "paparazzi" ("Aux ordres de quelque(s) sabreur(s)", c'est-à-dire de leurs lecteurs-voyeurs...), il nous quittera le 9 octobre 1978 à l'âge de quarante-neuf ans.
Quant à son Oeuvre, elle ne nous quitte pas.
Impossible d'oublier, et rien n' s'enfuit déjà.
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