Le Parisien n’habite que très rarement à plus de trois minutes d’une boulangerie.
Le dimanche matin, ou le férié, ou même le jour de semaine qui lui plaît, le Parisien enfile son jogging, ses claquettes et sa casquette, et va chercher des croissants. À peine a-t-il franchi la porte de son immeuble qu’il est, déjà, arrivé. Les croissants achetés, il rentre chez lui, le gras du beurre trouvant tout juste le temps d’oindre la pulpe de ses phalanges, et le voici à table.
Le Banlieusard, lui, est d’une autre espèce. Plus courageuse. Plus aventureuse aussi. Qui ne craint pas l’effort. Son corps est sculpté par l’activité physique, façonné par la longue marche matinale à la recherche du croissant perdu.
En banlieue il faut prévoir. Prendre son temps. S’équiper, parfois, selon la météo. Chaussures en cuir, à tige montante, à semelle épaisse résistant à l’asphalte et aux ornières, confortables et durables. Veste soft shell coupe-vent ou Gore-Tex imperméable, un grain est si vite arrivé. Un sifflet de sécurité, lorsqu’on se perd entre les pavillons monotones, au pied des tours. Un pantalon ajusté pour éviter les frottements intempestifs, source de rougeurs à l’entrejambe.
À l’Abri Soba, il faut se glisser discrètement entre deux déjeûneurs sur un haut tabouret au comptoir pour recevoir sa véritable récompense. Ici, pas besoin de défaire ses crampons ni de ranger son piolet, les premiers mots ne sont pas d’altitude, ni de montagne. Les premiers mots à l’Abri sont d’Orient, du Japon, émanent de sourires larges, sincères et contagieux – même si légèrement figés. Des sourires qui offrent de patienter quelques minutes, le temps de choisir sa déclinaison, puis, une fois posé, d’admirer l’équipe en cuisine, si nombreuse qu’elle dément le bistro et penche vers le gastro, le chef tempura, le chef soba, la cheffe riz et maki, leurs évolutions silencieuses et synchrones unissant tous les jolis plats du bento du midi qui vient se déposer sur mon mètre de comptoir.