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Critiques de Frédéric Chauvaud (7)
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Le procès de Roberto Rastapopoulos

Que seraient les personnages de fiction en dehors de l'oeuvre qui les contient ? Les méchants pourraient-ils être jugés pour leurs crimes par un tribunal ? Et les témoins littéraires, sont-ils au moins fiables ? Si l'on s'y essaie avec les aventures de Tintin, Roberto Rastapopoulos est-il alors le pire des malfrats sans scrupules ou bien un riche étranger injustement soupçonné pour de peu avouables raisons ?

Après un rappel des faits concernant Roberto Rastapopoulos dans les volumes des aventures de Tintin dans lesquels il apparaît, c'est l'appareil de la justice qui se met en marche pour dérouler son procès : experts, témoins, procureur et avocat se succèdent afin que la juge puisse rendre son verdict. Chaque étape est l'oeuvre d'un auteur différent et le résultat final est très plaisant, que l'on soit un tinitinophile aguerri ou complètement novice.

Tout y est, depuis la dessinatrice judiciaire qui nous permet de vivre au plus près le procès, jusqu'au lien pour en visionner le film en vidéo (malheureusement, je n'ai pas réussi), et le lecteur peut s'amuser à démêler le vrai du faux et la fiction de la fiction, celle d'Hergé de celle de ces nouveaux interprètes érudits qui lui donnent un autre relief, plus contemporain.

Merci aux éditions Georg pour l'envoi de ce livre dans le cadre d'une opération masse critique.

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Le procès de Roberto Rastapopoulos

De tous les « méchants » de la bande dessinée, le plus célèbre est sans conteste Rastapopoulos, Roberto de son prénom, adversaire de Tintin et Milou et personnage récurrent dans les aventures de ces derniers. Les lecteurs qui l’ont croisé ont pu le craindre, enfants, par mimétisme avec Tintin, le détester pour les plus grands, en rire pour les définitivement plus âgés, et pour tous, quel que soit son âge s’étonner qu’il ne soit jamais puni ou tout au moins jugé.

Pourtant en 2016 il avait été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité dans une salle du tribunal de commerce de Bordeaux, par contumace s’entend, puisqu’aucune police même Interpol, n’a jamais pu l’appréhender.

En 2021 donc, un nouveau tribunal a été constitué, dans les règles en vigueur dans une démocratie respectueuse du droit. Le procès en appel de notre lascar a eu lieu à Poitiers, avec un jury populaire, un président et ses deux assesseurs, des témoins pour la défense et l’accusation et même un expert psychiatrique criminel, sans oublier le procureur et l’avocat de la défense, lequel, bien connu des Tintinologues n’est autre que Albert Algoud.



Le livre qui relate les minutes de ce procès est un opuscule d’une centaine de pages, édité par Georg Éditeur dans sa collection Achevé d’imprimer. Je remercie au passage cette maison d’édition suisse et Babelio pour m’avoir envoyé ce livre lors de la dernière opération Masse Critique.



Pour qui a déjà assisté à un procès en assises, c’est mon cas, le déroulement est tout à fait similaire, avec les mentions liminaires, l’acte d’accusation, le défilé des experts et témoins, le réquisitoire du parquet et la plaidoirie de l’avocat, et enfin le verdict populaire et la condamnation par le président du tribunal.

Ce qui diffère et c’est heureux, c’est la durée du procès, la personnalité de l’accusé, celle de ses victimes et le sérieux plus ou moins assumé des acteurs de cette mise en scène. Car les références issues des albums où sévit notre accusé ne sont que de la bande dessinée, et si les morts véritables sont rares en BD de cette époque, il y en a, et les crimes commis ou commandités par notre homme sont bien réels. Chacun des acteurs de ce jugement aura eu à cœur de rédiger des textes cohérents, construits et bien étayés, et au final, même si l’issue du procès ne laisse que peu de surprise, tout aura été régulier et sincère.



Bon, vous l’aurez compris, tout cela n’était pas très sérieux, et si l’ensemble ne relève pas d’une littérature exceptionnelle et digne d’un prix Goncourt, on passe un agréable moment de lecture d’été. Pour les inconditionnels de Tintin et de ses aventures, je recommande l’excellent résumé des débats, assorti d’interviews des protagonistes, sur YouTube sous l’intitulé « J'ai Assisté au Procès de Rastapopoulos ! » par Aurélien Sama.
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Le corps en lambeaux

Le silence sur les maux et les mots qui autorisent les violences sexuelles



« Reconnaître la violence masculine signifie faire front aux structures mêmes d’une société patriarcale, et remettre en question une idée des relations entre les sexes et de la famille basées sur l’amour et le respect ». Patricia Romito citée par Sabine Lambert



Reconnaître la violence masculine, l’historiciser et la contextualiser, l’insérer dans les rapports sociaux de sexe et dans l’exploitation/domination – en prenant en compte les formes toujours particulières de l’imbrication des rapports sociaux (la notion même de rapports sociaux doit-être historicisée ; les relations sociales ne sont pas équivalentes dans les sociétés où les individu-e-s sont hiérarchisé-e-s en fonction de leur statut et dans les sociétés où les individus sont théoriquement « libres »), dé-naturaliser la « famille », l’« amour », la « passion », la « jalousie » et l’ensemble des constructions sociales qui permettent/renforcent/réorganisent le système « patriarcal »…



Sans volonté d’exhaustivité, je n’aborde ici que certains articles, avant de faire des remarques/critiques plus générales.



Je choisis de commencer par l’article, publié dans la quatrième partie de ce recueil, de Sabine Lambert « Apprendre à voir et entendre les violences contre les femmes en consultation de médecine générale : la formation des jeunes médecins généralistes au Planning familial de Vienne ».



L’auteure souligne, entre autres, la nécessité d’interroger « les mécanismes qui contribuent à l’invisibilisation de ces problématiques de violences pour les professionnels de santé », le manque de formation, la nécessité d’« une posture active et directe dans le dépistage des violences », l’apprentissage « à penser aux violences comme susceptible de se produire dans la vie de la patiente », les lectures idéalisées « de la sexualité et du couple dont font preuve la majorité des soignants présents », le dicible et l’indicible, la nécessité d’utiliser « un vocabulaire relevant du registre profane sans en paraître gêné », le rejet du féminisme par les médecins…



Elle indique aussi les limites des regards qui verraient « les violences sans voir les auteurs » et précise sur la légitimation des violences et leur déni : « La légitimation des violences consiste tout simplement à ne pas reconnaître des violences comme telles. Le déni, quant à lui, consiste tout simplement à ne pas voir les violences et leurs conséquences sur les femmes ».



Il me semble important de mettre en rapport avec ce texte, l’article de Natacha Chetcuti-Osorovitz « L’apport de l’anthropologie clinique dans le processus de subjectivation des auteurs de violence conjugale ». L’auteure souligne entre autres, trois modalités de justification d’hommes : « le sentiment d’être bouc émissaire d’une situation familiale », « victime d’une infidélité fictive, ou réelle, de la compagne » et « victime du traitement social et judiciaire de la violence conjugale favorable à la cause des femmes ». L’auteure détaille les constructions de ces justifications, le renversement de la position de victime, le double standard en termes de sexualité, l’ordre « traditionnel » des sexes, les rhétoriques masculinistes, le déni de la souffrance de l’autre, les rapports de pouvoir inscrits structurellement dans le couple, la construction des hommes violents…



Je poursuis en indiquant certaines des thématiques abordées.



Dans l’introduction, les auteur-e-s parlent, entre autre, des violences sexuelles faites aux femmes, de la représentation des corps féminins, de l’altérité construite, des processus d’euphémisation et d’invisibilisation, des lieux des violences et de la place de la famille, de la propriété et du marquage du territoire sexuel, d’appropriation physique des corps, de fœticide féminin, de réduction des femmes à leur sexualité et/ou à leur utérus, des dimensions traumatologiques… Elles et ils présentent les quatre parties de l’ouvrage :



Connaître : qualifier, dénombrer



Brutaliser : approprier, marquer, salir



Mettre en scène : exposer et émouvoir



Reconnaître : soigner et juger



« Les violences sexuelles à l’égard des femmes constituent bien un phénomène à la fois historiquement pérenne et socio-culturellement variable ». Je reviendrais sur le « pérenne » et les limites du « socio-culturel ».



Première partie. Connaître : qualifier, dénombrer.



Le monde grec de l’antiquité, le rappel de « la hiérarchie statutaire, et l’importance donnée à l’intégrité physique des individus libres » ou la non-définition de la sexualité au sens actuel du mot… Mais qu’en est-il de la majorité des êtres humains considéré-e-s comme non-libres ? Que sait-on ou quelles hypothèses pouvons-faire sur les relations et les violences sexuées ?



L’hymen et le viols des femmes sous l’oeil des médecins légistes (XIXème siècle). Frédéric Chauvaud analyse, entre autres, la place de l’hymen et l’objectivisation de la place de chacune, l’examen des corps de femmes, la « possibilité » du viol, la parole des experts contre celle des femmes, les représentations masculines, la non-répression, « Les femmes adultes peuvent ainsi être violées à bas bruit sans obtenir ni réparation ni le secours de la justice »…



J’ai notamment apprécié l’article de Sébastien Jahan « « Semillas de nueva vida » : les femmes mayas du Guatemala, de victimes du génocide à militantes pour leurs droits ». la violence extrême et radicale, le viol comme technique de guerre, la violence contre les femmes intégrée à une stratégie contre-insurrectionnelle, un projet « ethnocidaire », les survivantes, la constitution de nouveaux espaces collectifs, la « récupération mémorielle », l’insupportable violence masculine, « la parole d’exigence de dignité, brisant le tabou qui entourait les coups du mari, mais aussi l’exclusion de l’héritage ou le mariage forcé »…



Je souligne aussi les articles sur les audiences correctionnelles (dont les dénis masculinistes, la nécessité de nommer les violences sexuelles, l’extraction des faits de l’enfermement dans le privé…), les anti-féminismes (dont les réactions aux avancées féministes et plus largement aux droits des femmes, le refus de autonomie et de l’égalité, la violence comme expression d’un rapport social, la non-reconnaissance des victimes, les processus de désexualisation et d’individualisation, l’occultation des intérêts des dominants…), le système des violences sexuées et sexuelles (dont ce qu’ont permis les recherches féministes, les travaux de l’ENVEFF, les modalités de contrôle social des femmes, le mythe de la famille comme havre de paix et de bonheur, la réduction des violences à des actes individuels et interpersonnels…).



Je propose trois extraits :



« A l’inverse, en occultant le genre en tant que système qui structure les rapports de pouvoir entre les sexes et les sexualités, en tant que système qui structure un continuum dans les violences verbales, sexuelles et physiques exercées à l’encontre des femmes et de certains hommes, on ne peut que se cantonner à une théorie de l’exception, celle de l’« accident », du drame commis par un homme déséquilibré, en dépit du cas général d’une asymétrie de la gravité des violences entre les sexes ». Nicolas Palierne.



« La difficile reconnaissance en particulier du viol conjugal est un exemple probant tant d’une conception de la relation conjugale définie comme un lieu d’intimité et de soumission librement consentie pour les femmes que des résistances à leur accorder des droits quand ceux-ci sont perçus comme mettant en danger un certain ordre familial ». Ludovic Gaussot.



« la possibilité des violences sexuelles marque le quotidien des femmes : quelques soient leur sexualité (encore que les lesbiennes courent un plus grand risque), leurs origines, leur classe, etc., les femmes vivent avec le risque ou la menace de violences sexuelles et sexuées, et ce, strictement parce qu’elles sont des femmes – ou plutôt lorsqu’elles sont objectivées comme femmes ». Ludovic Gaussot.



Seconde Partie : Brutaliser : approprier, marquer, salir.



La violence sexuelle et « l’écrasant sentiment de honte pesant sur les victimes et leur famille », le social réduit au biologique, le corps féminin réduit à une « seule spécificité organique », le poids de la maternité et le discrédit de l’infécondité…



Esther Dehoux parle des seins de femmes coupés dans les textes anciens et au Rwanda ; Fabrice Vigier de procès pour violences sexuelles dans le Poitou du XIIIeme siècle, en soulignant le « silence relatif de la documentation ».



J’ai particulièrement apprécié l’article de Jeannette Uwineza : « « Entre-nous » et « Chez-nous » dans le Rwande post-génocide : au centre de la spirale de reconstruction des mères rescapées et leurs enfants-adolescents ». (J’indique cependant que le l’utilisation du mot « mère » tend à effacer une partie de l’ensemble des personnalités des femmes). L’auteure parle de réparation psychique, d’expérience traumatique, d’infection par le VIH, de survivante et de situation d’impasse, des questions des enfants et de la confrontation des femmes au passé en permanence, « Garder silence pour le cri de son corps, celui des siens que le reste de l’humanité a ignoré », le chez-nous, « la perte du chez-soi est un déracinement qui impose à la personne de rester en dehors dans l’errance »…



Troisième Partie : Mettre en scène : exposer et émouvoir.



Les métaphores qui occultent la spécificité du viol, les fictions et le viol (comment parler des fictions narratives sans interroger le « qui écrit » et le « pour qui » ?), les violences coloniales dans les colonies italiennes de la Corne de l’Afrique, les territoires et les corps « vierges » à conquérir, l’érotisation de l’espace colonial, les liens entre nationalisme-bellicisme-virilisme, la prostitution, la fantasmatique idée des besoins physiologiques des hommes, les constructions « d’un mensonge juridique et sentimental », le cinéma…



Quatrième Partie : Reconnaître : soigner et juger.



Outre les deux textes traités au début de cette note, le rappel que « Les violences conjugales ne sont pas réductibles à un conflit de couple qu’il s’agirait de reléguer à la sphère privée et à l’intime de l’espace domestique », le silence, la culpabilité et la honte comme entraves à la parole, les femmes considérées « comme partie prenante du crime », le mariage envisagé comme « réparation » au viol, la justice comme violence, les mots qui tuent…



L’utilisation de la notion d’« invariant » ou de « pérenne » pour caractériser les violences sexuelles faites aux femmes me semble très discutable (La violence n’est pas une entité transcendante possédant un sens et des effets universels, titre donné à une note de lecture de l’ouvrage de récent recueil de Jules Falquet : Pax neoliberalia). Parler de variabilité socio-culturelle ne suffit pas pour aborder ces violences. Il convient d’en interroger à chaque fois les bases matérielles, dont les dimensions idéelles. La référence « socio-culturelle » devrait inclure ce qui fait la spécificité des rapports sociaux de sexe (système de genre) dans chaque période historique. De ce point de vue, le travail (dans ses multiples formes pour certaines sociétés où le statut primait et aujourd’hui pour le travail salarié et domestique) effectué par les femmes – son appropriation par le groupe social des hommes et par des hommes individuellement – ne peut-être en dehors de la réflexion sur les violences. Pour le dire autrement, à mes yeux, certains textes souffrent d’un manque de théorie sur les rapports sociaux de sexe (système de genre). J’ajoute que l’historicisation reste parfois insuffisante, il y a peu d’interrogations sur la partialité – masculine pour le dire vite – des sources (une auteure indique même : « Une chose est sûre cependant, la question du « sexe des sources » n’est pas le vrai problème », sans oublier des travers psychologisants…



Au delà de ces remarques critiques, j’indique aussi des expressions contestables, comme la « valence différentielle des sexes » pour ne pas parler de hiérarchie et de domination, le terme « excessif » accolé à violence ou jalousie (Y aurait-il une violence et une jalousie acceptable ?), la notion de « facteurs prédictifs », la non-prise en compte du genre dans les lectures et les spectacles (l’assimilation de la spectatrice au spectateur, de la lectrice au lecteur, me laisse très songeur…), le pouvoir jugé à l’aune de « son usage », le terme consentement pour aborder des violences ou l’exploitation à des fins d’« ascension sociale »…



Quoiqu’il en soit, chacun-e pourra trouver des pistes de réflexions utiles parmi les textes cités ou non. Ce livre concoure bien à la mise en évidence des violences sexuelles et sexuées faites aux femmes… Mais il ne s’agit pas seulement d’histoire ou de social mais bien d’une question politique.



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