AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Bibliographie de Frédéric Cosmeur   (2)Voir plus

étiquettes

Citations et extraits (2) Ajouter une citation
C’est un rêve. Dans une vaste salle lumineuse, entièrement peinte en jaune, j’écoute un orateur invisible, au milieu d’un groupe d’inconnus, les yeux rivés sur un mur vide à la perpendiculaire d’une fenêtre rectangulaire à guillotine close. L’orateur ne s’exprime pas en langage intelligible, il émet des sons flûtés soutenus par une basse continue, tandis que, reliés télépathiquement entre nous, nous traduisons son discours en mots. Une onde de plaisir me parcourt le corps tandis que j’interprète volontairement ce que je vois. Nous sommes la matérialisation d’une figure mathématique : nous formons un espace vectoriel d’une infinité d’espaces affines invisibles lui correspondant, créé par un langage. À l’intérieur du rêve, il me semble savoir que je rêve ; je dois m’imprégner le plus fidèlement possible de ce langage afin de pouvoir le restituer une fois réveillée, ayant, à l’intérieur de la salle peinte en jaune, non seulement le souvenir de toutes les fugacités du retour du rêvé, au réveil, mais encore la très précise impression que je suis choisie pour en référer. Soudain, dans ce brouhaha intelligible des consciences mêlées, surgit du mur une horloge comtoise qui marque deux heures moins dix tandis que, progressivement, le balancier lyre efface de son rythme sourd à deux temps l’harmonique à l’aigu de nos conversations. Ce sourire des aiguilles me terrorise et m’attire en même temps. Il me dit quelque chose, il me dit de sortir de la pièce en jaune. À présent, tous les regards sont tournés vers moi. La terreur. Je sens une sueur glacée couler le long de la colonne tandis que le sommet de mon crâne est en feu, quelque chose semble vouloir arracher une partie de mon cerveau ; je me dirige vers la sortie, saisis le pommeau en laiton, entrouvre la très lourde porte et me fais aussitôt happer par le néant, littéralement ; je vois mon corps disparaître, les pieds d’abord et jusqu’à la ceinture, quand je me rappelle savoir que je rêve. Je jette ma tête en arrière, m’extirpe ainsi de force hors du rêve. Les draps du lit collés à mes jambes, j’ai la furtive impression d’être toujours en cours d’anéantissement, puis me réveille tout à fait, quitte le lit avec frayeur – serais-je l’incarnation de mon rêve d’exclusion ? – me retrouve dans le couloir ; la pendule du dortoir indique deux heures moins dix exactement.
Commenter  J’apprécie          10
N'importe quel sapin donne au vent une sonorité d'altitude.

Un vers de Jean, période lyrique : entre guillemets ou en italique. J'aurais aimé l'écrire, ce vers, je ne l'ai que retenu, par cœur. Curieuse expression, par cœur.
Un vers de Jean qui me revient comme un refrain. Phénomène particulièrement banal vu les circonstances. Impressionnante montée vers le crématorium. Sa position n'a pas été laissée au hasard, sûrement. On descend dans le trou mais on s'élève vers les cieux. Je ne sais plus quels anciens croyaient à la purification par le feu.
Il y avait donc un autre accès, direct mais plus étroit, moins solennel. On s'élève en catimini, on descend en grandes pompes. Moment mal choisi pour faire de l'ironie, quoique, pensons au cher disparu, sans guillemets. Il partira avec humilité et retrait, comme il a toujours vécu, un vrai mystique du vers, un élu qui, comme tel, s'est offert le succès et son corollaire honorifique, la simplicité du grand homme. Odieuse pensée ! Mais la pensée des médiocres n'est-elle pas souvent odieuse, messieurs les jurés ? Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée, en italique.
J'ai longtemps été l'ami intime de Jean.
Imaginons la caméra et le plan, un gros plan sur moi, la bonne cinquantaine un peu tassée, dégradation accentuée pour faire mode ; au lieu de l'imperméable beige et du feutre mouillé, le gris banal, de la tête aux pieds ; et la voix off, la mienne, qui répète, poitrinant un peu dans les graves, la phrase inaugurale d'un souvenir particulier sur le ton de qui veut faire affleurer, pour un public initié, une mémoire collective, déjà promise à la postérité. J'ai longtemps été l'ami intime de Jean.
Commenter  J’apprécie          10

Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Frédéric Cosmeur (1)Voir plus

Quiz Voir plus

La Boîte à Merveilles

Quel est le vrai nom de l'auteur ?

Ahmad Safrioui
Sidi Mohamed
Mouhsine Raissouni
Ahmed Sefrioui

30 questions
513 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur cet auteur
¤¤

{* *}