AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Citation de Charybde2


Il n’était pas une fois pour les morts.
On doit sans doute considérer que les histoires qui commencent par Il était une fois n’ont guère de vertus pour ce type de public un peu particulier.
On attend toujours tant des histoires.
Peut-être est-ce une vue de l’esprit qui espère trop.
Ou une peur.
Imaginons que, nourris d’histoires, les morts se dressent soudain comme un seul homme. Nous reviennent en fanfare. Réveillés, désenchaînés et déchaînés. Affamés. (Les histoires nourrissantes donnent faim.) Saurions-nous encore les accueillir ? Quelle place pourrions-nous bien leur faire auprès de nous, alors que nous avons déjà oublié comment partager notre espace avec les vivants ? Ceux et celles d’à côté, de plus loin, qui sont pourtant exactement comme nous : des pas-encore-morts.
Tout est affaire de territoire.
Chacun chez soi et tout ira bien. Le silence là-bas, la douleur ici. Et entre les deux, le long fil, le long filet du deuil. Histoire d’être sûr que personne n’éclaboussera le sol. Car lorsqu’on s’y fracasse, le sol vibre. Et ça dérange tout le monde. Alors oui, le deuil. Qui n’est pas ce long travail nécessaire, mais la prophylaxie qu’on impose au survivant amoindri pour l’autoriser à revenir danser la gigue avec les immortels. Une douche sous laquelle on pousse le pouilleux pour le débarrasser de ses petites bêtes. Le tour de magie obligé. Le prix à payer pour qu’il puisse à nouveau s’ébrouer dans le cercle des chiens de la vie.
J’ai lu quelque part que dans certaines sociétés, autrefois, l’endeuillé était tenu à l’écart, au même titre que le criminel. La perte d’un être cher ? Une souillure. Celui qui la subit porte le sceau d’une étrange menace qui ne laisse personne indifférent. On lit à son front la fissure, le tremblement. Il exhibe un savoir contagieux.
On dit qu’il est absurde de refuser l’inévitable. Mais c’est le contraire qui est vrai. Ce qui peut être évité n’a pas besoin que nous le refusions. Il faut simplement s’efforcer de l’éviter, puisque c’est possible. Et réserver notre capacité de refus pour ce qui ne peut l’être.
Les morceaux immangeables que l’on devra avaler.
Commenter  J’apprécie          00









{* *}