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Citation de Charybde2


Le hacker relut son texte. (…) Le jeune homme se pencha contre son écran ; les mains levées au-dessus du clavier, il voulut modifier la tournure d’une phrase, mais abandonna aussitôt.
« À l’est, un pont construit après la Seconde Guerre mondiale rattache l »île de Tromsø au continent. L’autoroute s’engouffre dans un tunnel sous-marin. Ces deux uniques axes de béton, l’un aérien, l’autre souterrain, l’ancrent au monde réel comme deux griffes désespérées et l’empêchent, disent les plus jeunes qui économisent pour partir s’établir ailleurs, de dériver dans le royaume des glaces – parce que cette terre, noyée de nuit, compose la préface d’un univers de gel, de désolation, d’où la joie est absente.
Les axes routiers ne parviennent pas à joindre véritablement deux univers séparés par un bras de mer large de un kilomètre, si bien que la ville, dans une tentative ridicule d’annexion, déborde sur le continent, gangrenant la côte d’immeubles, de bureaux et de centres commerciaux, d’hôtels, de parcs d’attraction, d’entrepôts. L’autoroute E8, qui prend sa source au fin fond du continent, vient mourir abruptement – après avoir traversé des milliers de kilomètres de forêts, de plaines dévastées, longé la mer – en face des bâtiments en brique rouge de l’université. Quelques milliers d’étudiants s’agrègent chaque année sur le campus pour parfaire leurs connaissances sur l’environnement polaire, l’océanographie ou l’histoire de peuplades aujourd’hui disparues pour s’être entêtées à vivre dans une région hostile à l’homme. » (…)
« Aujourd’hui, des hordes de touristes déferlent sur l’île dans un paroxysme flamboyant. Tromsø trouve ses principales ressources dans ce commerce du voyage et du dépaysement, finançant ainsi ses écoles, son centre culturel, une partie des équipements de l’hôpital universitaire – notamment un appareillage permettant de pratiquer des opérations chirurgicales par satellite -, son institut supérieur de la pêche, ses parcs, son musée d’Art contemporain. Pourtant, ce n’est pas la proximité des montagnes et de la mer, ni les expéditions dans la blancheur virginale du Nord en motoneige ou en traîneau, ni même la poésie des aurores boréales qui attirent en masse les étrangers, mais les nuits froides et infinies compensées par la chaleur poisseuse de certains quartiers dédiés à l’amusement et aux putes qui, depuis la nouvelle législation en vigueur à Amsterdam devenue prude et ennuyeuse, s’emplissent d’une faune bigarrée errant dans des rues sillonnées de boîtes, de saunas et autres lieux de massage, des hôtels, du plus chic au plus miteux, des petites cours et des parcs pour le trafic, des sex-shops illuminés de néons rouges, des bars avec leur happy hour, leurs titty-dancers, où vacanciers et étudiants tentent de s’oublier. »
Le hacker marqua une nouvelle pause. Il vérifia la validité des hyperliens intégrés dans le texte. Ensuite, il passa en revue les images qu’il avait sélectionnées pour agrémenter le dossier Tromsø. Le traitement numérique apporté aux photographies du Red Light District l’égaya. Il se demanda si le texte était à la hauteur de son ambition.
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