Le miracle est arrivé ! Il se nomme Mirèio, le poème que Frédéric Mistral, le fondateur du Félibrige, publie en 1859, au mitan du siècle des nationalités. À partir de là, et jusqu'à aujourd'hui, va fleurir, au Sud, une immense renaissance des langues et des littératures. En Provence, mais aussi dans le Languedoc, la Gascogne, le Limousin et l'Auvergne. C'est cette saga culturelle du Midi que raconte ici, avec science et style, Stéphane Giocanti.
Qui sont ces rebelles en butte au jacobinisme et à la stigmatisation des « patois » ? Quelle a été leur fabuleuse aventure héroïque et collective ? Quel rôle l'occitanisme a-t-il joué au sein de ce réveil ? Comment ce renouveau a-t-il influencé Alphonse Daudet, Jean Giono ou Marcel Pagnol ? Que reste-t-il de ce rêve à l'heure où les locuteurs naturels connaissent un crépuscule ? Et que nous dit cette résistance alors que la France s'interroge sur son avenir ?
Avec ce panorama inégalé, complet et clair, alerte et accessible, Stéphane Giocanti nous initie comme jamais au Sud, à sa terre et à son ciel, à ses peuples et à ses parlers. Une célébration lumineuse.
Essayiste et romancier, Stéphane Giocanti est, entre autres, l'auteur de T. S. Eliot ou le monde en poussières, C'était les Daudet, Une histoire politique de la littérature ainsi que de Kamikaze d'été.
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" Ah! Qu'il fait bon naviguer sans répit vers son désir, encore que ce ne soit qu'un songe !"
Frédéric Mistral (1830-1914)
Dieu beau, Dieu ami, sur les ailes
de notre langue provençale,
fais que je puisse atteindre
la branche des oiseaux !
(Une plaque dans l'herbe
Au Square de Poètes,
Paris 16ème)
Et il jette violemment le cruchon à travers l'église devant le curé stupéfait.
E embardasso lou flasco pèr la glèiso, davans lou capelan estabousi.
(De l'historiette "le pichet" qui joue sur la proximité de deux mots en provençal et français http://wp.me/p5DYAB-21N )
La Crau était tranquille et muette. - Au loin son étendue - se perdait dans la mer, et la mer dans l'air bleu ; - les cygnes, les luisantes macreuses, - les flamands aux ailes de feu, - venaient, de la clarté mourante, - saluer, le long des étangs, les dernières lueurs.
qu’un pople toumbe esclau,
Se tèn sa lengo, tèn la clau
Que di cadeno lou deliéuro
qu’un peuple tombe esclave,
S’il tient sa langue, il tient la clef
Qui le délivre des chaînes.
De sa voix déliée et claire, lorsqu’elle chantait la Péronnelle, ma sœur,
j’avais grand plaisir à entendre son doux accord ; mais vous, la moindre petite parole que vous me disiez, ô jouvencelle ! plus que nulle chansonnette enchante mon oreille et trouble mon cœur.
Ma sœur, en courant par les pâturages, ma sœur, comme un rameau de
dattes s’est brûlé le cou et le visage au soleil ; vous, belle, je crois que vous
êtes faite comme les fleurs de l’asphodèle ; et la main hâlée de l’été n’ose
caresser votre front blanc !
Pétrarque : Jamais l'onde pure qui rit à la brise de Mai ne couva dans son sein le germe du dragon, jamais soleil levant n'ensanglante dans le rouge cinabre ; et la scélératesse jamais dans un beau corps ne cache ses replis.
Gai lézard, bois ton soleil
l'heure ne passe que trop vite
et demain
il pleuvra peut-être
Les mûriers sont pleins de jeunes filles que le beau temps rend alertes et gaies, telles qu'un essaim de blondes abeilles qui dérobent leur miel aux romarins des champs pierreux.
Devant le Mas des Micocoules, ainsi Vincent faisait le déploiement des choses qu’il savait : l’incarnat venait à (ses joues), et son oeil noir jetait des flammes. Ce qu’il disait, il le gesticulait, et sa parole coulait abondante
comme une ondée subite sur un regain de mai.
Les grillons, chantant dans les mottes, plus d’une fois se turent pour écouter ; souvent les rossignols, souvent l’oiseau de nuit dans le bois firent silence ; et, impressionnée au fond de l’âme, elle, assise sur la ramée, jusqu’à la première aube n’aurait pas fermé l’oeil.