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Citation de Charybde2


Benlazar observe ses supérieurs en essayant d’ouvrir son œil poché.
– Alors, ça y est : vous croyez que ça peut péter en France, c’est ça ?
L’idée lui paraît irréelle. Mais le visage de Bellevue ne laisse pas de doute.
– Tu n’as pas idée de ce à quoi on se prépare, Tedj.
– Enfin, disons que tous les scénarii sont envisagés, précise Chevallier dont le regard s’est troublé. Rien n’est certain et pour l’instant, messieurs, la position officielle est que la crise algérienne est bien un problème algéro-algérien, comme vous dites, commandant.
Bellevue referme lentement le dossier. Il avale sa salive comme si les mots à venir lui faisaient mal à la gorge.
– Il nous faut des preuves qui confirment ou infirment l’hypothèse que le pouvoir algérien pourrait avaliser cette traversée de la Méditerranée, tu vois ?
Chevallier transpire-t-il un peu face à ce qui se raconte devant lui ? A-t-il le sentiment qu’il va à l’encontre de la position officielle ?
Benlazar accepte de retourner en Algérie, d’essayer de trouver ces preuves, mais il a du mal à avaler que ses chefs, ces aveugles au milieu du champ de bataille, l’envoient au casse-pipe aussi facilement.
– Vous allez croire que je suis la proie des idées fixes, mais en ce qui concerne la double tentative de meurtre qui nous a visés, le commandant et moi, on en reste donc là ? Je vois. Que quelqu’un ait sans doute flingué Stein, essayé de t’avoir dans le parking de ta résidence et tenté de me descendre dans la Casbah, ça ne pose aucun problème ? Que ce quelqu’un soit peut-être la sécurité militaire ou le DRS, ça ne dérange personne, ici ou plus haut, à l’Élysée, par exemple ?
Bellevue et Chevallier fixent leur subordonné comme s’ils attendaient la fin d’une bonne blague.
– Deux ressortissants français se font tuer, on cible des agents de la DGSE, et on continue comme avant ? – On vous a dit ce que l’on savait, lieutenant, lâche le colonel en se dirigeant vers la sortie. Le DRS et la sécurité intérieure ne sont pas responsables de ces agressions. Pour nous, c’étaient de petits voyous, rien d’autre.
Benlazar éclate de rire. Ça ne plaît pas à Chevallier.
– Faites pas trop chier, parce que vous êtes sur la corde raide.
Il toise les deux hommes, le regard sombre.
– On est tous sur la corde raide, apparemment.
Il disparaît dans le couloir.
Lorsqu’ils sont seuls, Bellevue se lève de son fauteuil.
– Disons qu’ici et plus haut, à l’Élysée, par exemple, on n’a pas franchement la main. Ou plutôt que la main que l’on a, ce n’est pas vraiment une quinte flush et qu’on n’a pas envie de se retrouver à poil, tu vois ? Je veux dire : on ne sait pas qui a voulu nous descendre et c’est l’un des risques de notre métier.
Benlazar voit : la France, cette grande puissance diplomatique, laisse ses agents se faire flinguer et ça fait partie du jeu. Mais s’il regarde au fond de lui, l’affaiblissement de la puissance française n’a pas de prise sur lui : oui, il va risquer sa vie en retournant en Algérie, oui, ses chefs sont loin de maîtriser la situation. Mais il voit seulement le soleil au-dessus de Blida, le kiosque de la place Toute, le marché couvert de Placet Laârab… Il hume déjà le parfum des rosiers qui fleurissent la ville, des citronniers et du chèvrefeuille. Il a hâte.
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