Je le vois bien aujourd’hui, autour de moi. Les gens que je côtoie n’ont plus foi en rien, mais ils paraissent certains de détenir ainsi la voix de la raison. Alors en quoi leur présence au monde a-t-elle la moindre importance s’ils n’ont plus le désir d’entreprendre quoi que ce soit pour tenter d’améliorer la vie de leurs semblables ? Je ne veux pas devenir comme ça, je nous trouve repus, cyniques et tristes. Je ressens tout ça avec beaucoup plus d’acuité depuis que je suis ici, dans ce Nord…
A seize ans, Edouard Pignon, natif de Bully-les- Mines, descend au plus profond du puits de la houillère. La noirceur du minerai, l’absence de lumière, bien plus que le bruit et l’atmosphère étouffante, chargée de fines particules d’anthracite, lui feront fuir le labyrinthe des galeries de la mine. Désertant les sous-sols carbonifères, il deviendra ce peintre avide de formes, de couleurs et d’énergie, en quête de la réalité (écrira-t-il). Près de soixante plus tard, Edouard Pignon inventera les nus rouges – chairs incandescentes envahissant l’entière surface de la toile, et d’entre tous le plus solaire le sommeil écarlate. Un champ d’amour.
Elle observe les clients, ceux qui discutent, ceux qui picolent, le nez au fond du verre, ceux qui rêvent d'un ailleurs, et les autres qui, englués dans le présent, l'espèrent depuis trop longtemps. (page 94)
Je crois qu'à cause de toi, l'art ne m'intéresse que s'il est à la hauteur de cette humanité. (page 120)
Le Nord est ce corps sculpté par l’effort de ceux qui y souffrirent