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Critiques de Frederick Exley (65)
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Le dernier stade de la soif

Esprit de Bukowski sort de ce corps !

Premier roman de Frederick Exley, « Le dernier stade de la soif » est une autobiographie fictive. Appuyé sur la trame des grandes lignes de sa vie, l’auteur raconte en arrangeant certains détails et en changeant certains noms, sa propre maladie, l’addiction à l’alcool, ses différents passages en hôpital psychiatrique, sa dévotion pour le joueur Gifford et l’équipe des Giants, ses rencontres amoureuses avec les différentes femmes qui ont croisé son chemin, son absence d’empathie envers ses contemporains, sa vénalité. C’est l’histoire d’une longue descente dans les enfers de l’alcoolisme dont l’explication lui sera donné par l’un de ses personnages, Paddy the Duke qu’il croise lors d’un de ses séjours en asile : c’est un remède contre la tristesse (je confirme). Car derrière ce qui semble n’être que farce et bamboche estudiantine, plane l’ombre tragique d’une profonde dépression. Tout l’intérêt est de trouver à travers les brumes éthyliques dans lesquelles l’auteur se vautre, l’origine de cette mélancolie qui le mine et le fait retourner inexorablement vers la bouteille.

Il minimise l’impact dramatique qu’à l’alcool sur sa vie, il fanfaronne, mais il ne dupe personne et l’on devine les ravages qu’a le divin poison sur sa sante physique ou mentale et sur ses relations avec les gens qu’il fréquente.

Il élabore la propre dichotomie de sa personnalité, d’un état à jeun ou d’ébriété, dépressif ou euphorique, d’apathie ou de suractivité. Il cultive le paradoxe de l’homme libre qui fait ce que bon lui semble mais qui paye cher le prix de sa liberté.

Le roman à sa sortie en 1968 ne remporte pas un franc succès auprès des lecteurs mais est salué par la critique. Il fera de Exley l’auteur d’un seul roman mal grès ses autres publications tout comme J.D. Salinger avec « L’attrape cœur ».

On retrouve l’esprit et la verve de Charles Bukowski, mais avec une écriture soignée et sans trivialité ni grivoiserie. Frederick Exley a la plume de l’homme de lettre, pas celle d’un postier débauché.

C’est un très beau texte que la traduction honore et un très bel objet que les éditions Monsieur Toussaint Louverture nous proposent. Tout dans cette publication fait l’objet d’une bienveillance particulière, le choix du papier des pages et de la couverture, la police des caractères etc… Tous les détails techniques du travail d’éditeur sont indiqués à la fin du livre, témoignage d’une conscience professionnelle trop rare dans le vaste monde de la publication, trop rare pour qu’elle soit soulignée pour la présente œuvre. La commande direct à la maison d’édition est l’occasion de profiter d’inattendues attentions de la part de celle-ci. Faites l’expérience…

Traduction de Philippe Aronson et Jérôme Schmidt.

Préface de Nick Hornby.

La merveilleuse maison d’éditions Monsieur Toussaint Louverture.

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Le dernier stade de la soif

Je suis étonnée, que Fanté et Exley ne se soient visiblement jamais rencontrés. Parce qu'ils ont en commun la Californie, la soif, avoir la conviction de devenir un écrivain de renom, squatter, être proche du cinéma, et bien sûr honnête avec eux-mêmes, ce que le lecteur ressent bien. Ici, s'ajoute le foot, la psychiatrie. Mon personnage préféré est Mister Blue, adepte des pompes au milieu de la rue et attiré par le cunnilingus qu'il n'arrive pas à pratiquer. Difficile de boire ce livre cul-sec de plus de 400 pages. Une belle immersion dans l'Amérique des années 50 pour un auteur amer ne pas être à la hauteur du rêve américain.
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Le dernier stade de la soif

Effet inversé du confinement ? Alors que la période permet de faire exploser les ventes d’e-book (tant mieux ou tant pis, là n’est pas mon sujet…), elle me ramène pour ma part davantage vers les livres objets, ceux que je suis heureux de posséder pour mieux les conserver, qui me rassurent, allez savoir pourquoi. Ils témoignent de ce qu’est un travail éditorial, celui qui soigne le fond autant que la forme, la préface autant que la postface, la police autant que les césures, la main d’un papier autant que le grammage d’une surcouverture… Et bien souvent, en dehors de toute cohérence économique : éditeur indépendant, la dernière grande folie du XXIe siècle…



Le dernier stade de la soif de Frederick Exley – traduit par Philippe Aronson et Jérôme Schmidt - est de ceux-là. Du Rives tradition ivoire clair ça te parle ? Le mélange de Sabon avec une dose de Garamond aussi ? Et si j’ajoute l’intérieur en Holmen Book 52 grammes avec une main de 1,6, tu y es ? Emballe avec une préface de Busnel et une postface de Hornby et tu comprendras pourquoi j’ai adoré ces trois jours de lecture.



Parce que pour être honnête et à contre-courant des éloges habituels, je n’ai que moyennement apprécié ces « mémoires fictifs » à défaut d’être fictives, ce livre expiatoire d’un inapte à la vie mais surdoué de la boisson, chroniquant sa vie pour rien dans un monde s’étendant de son canapé au bar le plus proche. Je n’ai pas détesté non plus, loin de là, trouvant chez Exley l’indispensable complément des grands maîtres que sont pour moi Fante, Bukowski et Thompson.



Mais malgré cela, la qualité de l’écriture déstructurée de l’auteur, la réussite manifeste de la traduction et le soin quasi-amoureux apporté au travail éditorial de mise en scène du texte m’ont confirmé que je tenais-là un grand livre qui, apprécié ou pas, se doivent d’avoir été lus par qui se targue de vouloir connaître les grands textes américains. Et pour tout ce remarquable travail et ce plaisir de lecture, bravo et merci Monsieur Toussaint Louverture !
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À l'épreuve de la faim

A l'épreuve de la faim n'est pas un roman comme dirait l'ami stricto sensu. Ce journal d'une île froide n'est pas plus un journal que Singer Island (Floride, EU) n'est polaire. Dans cette fausse autobiographie, Frederick Exley est Frederick Exley. L'élément permanent de cet ouvrage qui se cherche, dérive, chaloupe, se redresse. L'élément constant de ce bateau ivre, à la fois alcoolique, amoureux de littérature, écrivain désespéré, baiseur impénitent, lancé dans une entreprise folle d'autodestruction.



Après Le dernier stade de la soif, Exley ne fut pas auréolé de gloire, ne croula pas sous les dollars ni l'admiration de quelque grand écrivain, lui qui admirait avec coeur et sans mesure. Insatisfait des retombées de son premier roman pourtant digne d'éloges (je l'ai lu, je l'ai plus qu'aimé) et, par ailleurs primé, Exley voulait plus. Encore plus.

«  - Votre véritable vie littéraire, lançai-je, commencera le jour où vous accepterez que l'exclusion, le chaos, la solitude, le travail, et le travail et le travail sont les conditions sine qua non de l'écriture ; » Ses étudiants sont parés. La voie de la dépression géniale leur est montrée.



Il concentre alors et fort logiquement son énergie à obtenir moins. Entre biture du matin et cuite du soir, il promène sa tristesse déchirante, son cynisme (forcé?), sa rébellion et sa grossièreté de la Floride en Iowa où il anime un atelier d'écriture.

Entre whisky au litre, vodka à l'hectolitre, à la fois proche et lointain d'un Bukowski moins loser, Exley s'offre une obsession littéraire à la mort d'Edmund Wilson, critique littéraire majeur, écrivain moins majeur. Il convoite la canne du défunt, scrute les nécrologies puis délaisse l'idée fixe pour promener sa carcasse ailleurs, du côté du féminisme, de la télévision, de cette Amérique des années 70 dans laquelle Mailer pérore. Exley abhorre, envie, aime et mouline les grandes figures de l'Amérique des années 70.



Exley, collé à un canapé de skaï luisant de sueur, transpirant l'alcool comme d'autres le Vittel, fait oeuvre protéiforme. Ce satané bouquin ne se laisse pas étiqueter. Rare, inclassable, plein de rien et de tout, mariant le cynisme et la soif d'absolu, A l'épreuve de la faim débouche sur le vide vertigineux de l'existence. Où il ne reste qu'à boire.

Un daïquiri?



Oups! Avec tout ça, j'allais oublier de remercier Babelio et Monsieur Toussaint Louverture pour ce fort joli cadeau issu de la dernière opération Masse Critique. Santé à vous!



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Le dernier stade de la soif

Il est des époques comme la nôtre où être un écrivain raté peut devenir le plus grand atout pour accéder au succès. Pour un peu de reconnaissance littéraire tardive, il aura fallu que Frederick Exley mène une vie laborieuse, à la fois supporter des Giants, professeur clairvoyant de français, aliéné à Avalon Valley, époux décevant, père simulateur et alcoolique invétéré -comme si ces épreuves incessantes n’auraient pu avoir d’autre conclusion (sublimation ?) que cette épopée biographique qui n’est pas sans rappeler la Crucifixion en rose d’Henry Miller. Menteurs, volages, illuminés, Frederick Exley et son confrère auraient pu s’entendre à merveille… mais peut-être se seraient-ils entredévorés pour deviner qui, de l’un ou de l’autre, pouvait prétendre décrocher le plus légitimement la palme du perdant.





Dans la préface du Dernier Stade de la soif, Nick Hornby s’extasie devant Frederick Exley comme le seul auteur de sa génération capable d’avoir déversé sans pudeur et sans fierté le contenu putride de son existence au vu et au su de tous ses lecteurs potentiels. Ce serait là réduire un peu trop drastiquement le champ des auteurs de la seconde moitié du vingtième siècle, et faire confondre l’engouement à l’ignorance. Dans son principe, le Dernier Stade de la soif n’a rien de révolutionnaire : ce roman est un canal qui permet à Frederick Exley de déverser toute sa bile anti-américaine et de dégobiller toutes les valeurs moisies du rêve américain dans la tronche de ses compatriotes. En appui de ses convictions, il évoque les évènements marquants de son existence et ressasse ses déceptions, convaincu qu’en appuyant sur le caractère désespérant de son parcours, il fera ressortir de manière triomphante la crasse, l’hypocrisie et le malheur que dissimulent les sourires resplendissants des modèles publicitaires. Rien d’original, donc. Rien d’original, dans le principe. Sauf à considérer que se plonger dans la biographie d’un homme aussi sincère, aussi lucide et aussi clairvoyant que Frederick Exley constitue forcément une expérience originale en soi. C’est le cas.





Pendant tout le début de son existence, Frederick Exley, rivalisant avec son père décédé, aura tenté de devenir aussi glorieux que lui. Comprenant très vite qu’il s’agissait en fait, principalement, de faire preuve de prostitution intellectuelle pour correspondre aux modèles vantés par la société américaine, le jeune homme jette les armes, sans délaisser son rêve pour autant. La route vers la déchéance commence… comment rester fidèle à ses convictions et à ses valeurs tout en essayant d’atteindre un but qui leur est opposé ? Entre envie d’inclusion totale et rejet de la société, Frederick Exley virevolte d’une ambivalence à l’autre, se détruisant davantage qu’il ne parvient à faire changer le monde qui l’entoure. Et c’est lorsqu’il cesse enfin de vouloir paraître autre qu’il n’est –lorsqu’il écrit ses mémoires sans oublier aucun passage humiliant, grotesque ou rabaissant de son existence, volant allègrement à contre-courant des marqueurs de la réussite en vigueur dans le Nouveau Monde- que Frederick Exley parvient à nous convaincre de son prodigieux talent par l’usage de sa verve rancunière.





Mais… on sent toutefois que les procédés de séduction traditionnels ne sont pas loin. Même s’il a choisi d’orienter le Dernier stade de la soif sur l’affirmation de sa personnalité réelle au détriment des exigences revendiquées par la société, son livre n’est authentique que partiellement et s’il peut convaincre son lecteur, ce n’est qu’au prix d’une manipulation discrète –qui semble même faire un peu honte à Frederick Exley. Après avoir vivement insulté et moqué ses congénères, l’auteur semble obligé de se moquer de lui à son tour et sur le même ton, avec une tolérance un peu trop marquée pour qu’elle soit vraiment cohérente avec les valeurs et les images de vengeance persistantes qui martèlent d’autre part son esprit. Il est aussi question de femmes, d’enfants et de cunnilingus –prouvant que Frederick Exley, à la manière d’Henry Miller, n’était pas si rejeté du monde qu’il ne voulait bien l’écrire- mais ceci passe encore : chacun a bien le droit de se mettre en scène dans un film écrit à son honneur, afin de revendiquer ses propres gloires. Le plus dérangeant survient dans les dernières pages du livre lorsqu’on se rend compte que progressivement, dans l’échec, Frederick Exley est parvenu à fusionner avec les images de son pire cauchemar : celui du rêve américain. Comme s’il ne pouvait pas se séparer de la conclusion hollywoodienne en « Happy End » des œuvres les plus sirupeuses du septième art, Frederick Exley se croit obligé d’apporter une touche de semi-réconfort à l’écriture de sa biographie romancée. Oui, lecteur ! même dans l’échec, tu peux tirer parti de ta déveine pour pondre un livre… rester productif… te divertir… te rengorger socialement…





Malgré cette conclusion un peu contradictoire qui nous indique que Frederick Exley n’est pas totalement guéri de l’american dream, il serait dommage de cracher sur son plaisir… l’auteur a tout de même de quoi être fier de lui. Son talent pour rendre vivantes les scènes de son existence est immense et son humour parvient à transcender le désespoir pourtant bien tenace qui a dû le cheviller à de nombreuses reprises. Et puis, surtout, Frederick Exley parvient à nous séduire en nous montrant qu’il n’est pas mieux que nous, et que nous ne sommes pas meilleurs que lui… après tout, nous sommes tous aussi corrompus que lui, modulant nos humeurs en fonction de nos besoins entre reconnaissance et indépendance, et on comprend qu’à défaut d’avoir pu accomplir le rêve américain, Frederick Exley ait voulu tout du moins se façonner sa propre petite gloriole –attachante parce que personnelle, à défaut d’être rentable.
Lien : http://colimasson.over-blog...
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Le dernier stade de la soif

Moi, ce que j'aime c'est... Monsieur Toussaint Louverture pour les magnifiques livres qu'il publie.



Pourtant, j'avais dédaigné LE DERNIER STADE DE LA SOIF lorsque MTL l'avait dépoussiéré et édité en grand format. J'avais dans l'idée que ce livre ne me plairait pas... mais, comme il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis et que j'adore Les Grands Animaux (la sublime version poche de MTL), j'ai heureusement fini par craquer.



C'est à l'occasion d'une lecture commune avec Béa O'Nougat pour le groupe #alassautdespaves que je l'ai sorti de ma PAL...



... Et quelle idiote je suis de ne pas l'avoir pris et lu lors de sa sortie en grand format car je l'ai ADORÉ ! C'est un véritable chef-d'oeuvre de la littérature Nord-américaine, si chère à Léa et à son #PicaboRiverBookClub.



Dans LE DERNIER STADE DE LA SOIF, Frederick Exley nous livre le récit de sa propre vie mais de façon fictive où, comme il nous en averti dans sa note au lecteur, "l'essentiel des personnages et des situations est le seul fruit de mon imagination... leur ressemblance avec des êtres et des événements réels sont à mettre sur le compte de la simple coïncidence".



"La simple coïncidence" ? Ben voyons ! Voilà qui me fait bien rigoler...



Attention, c'est un livre exigeant qui demande de la concentration à son lectorat et qui pourra en rebuter plus d'un... mais, si ça passe, quel kiff ! C'est drôle et d'une lucidité cynique sur l'Amérique. Si je ne vous ai pas convaincu, peut-être que François Busnel le fera dans sa belle préface ou Nick Hornby qui enfonce le clou avec la postface.



Et comme il faut soutenir nos librairies et nos maisons d'édition préférées, je vais m'empresser d'acheter les deux autres titres de Frederick Exley disponibles chez Monsieur Toussaint Louverture : À L'ÉPREUVE DE LA FAIM et À LA MERCI DU DÉSIR !





LE DERNIER STADE DE LA SOIF de Frederick Exley

Traduit par Philippe Aronson et Jérôme Schmidt

Editions Monsieur Toussaint Louverture
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À l'épreuve de la faim

C'est le souvenir précieux d'une lecture d'un roman de Knut Hamsun qui m'a fait jeter un oeil aguicheur à ce "roman" de Frederick Exley. Ce livre de Knut Hamsun s'intitulait 'La faim". Ce roman m'avait alors presque définitivement éloigné de la littérature : j'y avais trouvé à peu près tout ce que j' avais cherché en vain des années durant : "La Faim" touchait à l'essence même de l'écriture, de la recherche de l'écriture au péril de sa santé mentale. Je n'ai plus rien lu pendant longtemps après avoir terminé ce livre et je ne pense pas avoir encore trouvé de romans de cette trempe depuis.



Outre la proximité du titre, le roman de Frederick Exley partage un thème commun avec le chef d'oeuvre de l'écrivain norvégien : la recherche passionnée de l'écriture et l'inexorable descente aux enfers du narrateur/auteur. C'est probablement ce qui m'a poussé à le choisir pour l'opération Masse Critique.



Premières impression : l'édition est absolument superbe. De la couverture déchirée laissant découvrir un portrait de Frederick Exley clope au bec à la quatrième de couverture aux lettres incrustées, l'objet est incontestablement magnifique. Impossible de ne pas lui laisser une place de choix dans votre bibliothèque une fois que vous l'aurez en votre possession



Bon, il y a certainement des raisons autres que purement esthétiques et matérialistes pour lui laisser une place d'honneur au milieu de vos livres. Ce vrai-faux journal (je n'ai pas su démêler le vrai du faux), d'un auteur quasi inconnu en nos frontières, a de quoi vous faire oublier la totalité de la production littéraire actuelle : Des bons mots, des accents bukowskiens (certes, les deux auteurs étant portés sur / par la bouteille, l'analogie est facile bien que l'auteur semble plus proche d'un Hunter s. Thompson qu'autre chose) et surtout une descente aux enfers aussi intense que passionnante.



Le journal commence par la découverte de la mort de l'auteur d'Edmund Wilson pour qui Exley développe, dès lors, une passion sans retenue. Il décide de rechercher l'essence de son oeuvre et s'ensuit alors, sur quelques centaines de pages éparses, une longue quête de l'auteur/narrateur à travers la littérature et certains de ses plus illustres apôtres (Nobokov) pour en trouver son essence même.



Exley évoque tout du long l'échec de son précédent livre "Le Dernier Stade de la soif" et parle en continu de des difficultés pour écrire "A l'épreuve de la faim". Au delà des saillies amusantes parfois brillantes mais souvent anecdotiques de Exley à propos d'à peu près tout, ce sont ces pages consacrées à l'écriture de son roman qui me semblent les plus passionnantes de ce roman : ce sont des pages remplies de doutes qui tranchent violemment avec l'arrogance que l'auteur témoigne en mille autres occasions lors de ce journal.



Amateurs de Bukowski, de Hunter S Thomson ou simples amoureux de la littérature, je ne peux que vous recommander ce livre, et peu importe si vous ne connaissez rien ni personne de ces années 1970 contées avec verve par l'auteur. Le plus important dans ce "journal" magnifiquement édité par Monsieur Toussaint Louverture tient dans la quête passionnée de Frederick Exley vers un absolu littéraire qui s'échappe inexorablement à mesure que l'auteur croit s'en rapprocher.
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Le dernier stade de la soif

« Earl Exley, c’était votre père ? »

A Watertown on me posait souvent cette question. Même si mon père était mort depuis dix-huit ans déjà, il avait jadis été un superbe athlète, aussi bon selon certains, que n’importe quel sportif originaire du Nord de l’Etat de New-York – distinction certes mineure, mais pas sans conséquence pour un fils qui n’avait jamais eu le loisir de l’oublier. »



Dans ce roman très autobiographique (de l’autofiction avant l’heure), paru en 1968, Frederick Exley ne fait aucun effort pour faire paraître plus sympathique qu’il ne l’est son narrateur. Celui-ci est un homme de trente-cinq ans, déjà marqué par les abus d’alcool et les crises nerveuses qui, à plusieurs reprises, l’ont mené pour de longs séjours en psychiatrie.



Il entretient une véritable passion pour l’équipe de football américain des Giants de New-York, et notamment pour un de ses joueurs, Frank Gifford. S’il trouve des emplois de professeur de littérature, il ne les garde généralement pas très longtemps, ses vieux démons aidant. Sa réputation souffre rapidement de ses excès, de son goût pour la violence également. Sa vie amoureuse est chaotique, à l’image du reste de sa vie. Il ambitionne toutefois de devenir écrivain et fait des efforts sporadiques dans ce sens.



Le lecteur, même bien intentionné, pourrait craindre de subir durant cinq cents pages les confessions de cet homme amer et qui, en plus, se prend pour un génie méconnu. Pourtant le ton du roman est tel que l’écriture l’emporte sur le contenu : il y a non seulement du sarcasme envers le Grand Rêve Américain mais aussi un humour noir très présent, ce qui pour moi sauve tout.



NB : les amis des chats ne doivent sous aucun prétexte lire ce roman, un des personnages, du nom de Bumpy, faisant preuve d’une imagination sans borne pour les éradiquer de la surface de la terre…

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Le dernier stade de la soif

Le dernier stade de la soif est un "roman autobiographique fictif" où il est question de foot, d'alcool et de désillusions. Frederick Exley y raconte ses déboires qui rappellent sans doute l'oeuvre de Buckwoski. C'est lors de son premier internement en hôpital psychiatrique qu'Exley commence à rédiger ce livre (il parait en 1964). Dans ses rêves de gloire, Frederick Exley aspire à devenir un auteur célèbre mais il est malheureusement rattrapé par son alcoolisme et son état dépressif. Parfaitement conscient de son ivrogne poésie, il dit lui-même : "Je savais bien que mes prétentions intellectuelles et mes humeurs étaient irrémédiablement sombres, d'une noirceur teintée d'auto-apitoiement." (p.299). Avec lucidité, violence et cynisme, Exley confesse un "rêve américain" raté où non-dits, remords et regrets l'emportent finalement sur le combat de toute une vie : "Oui, c'était le dernier combat, et cela me rendait triste, mon dernier combat auprès de J. et également contre l'anonymat, cette lutte qui avait débuté voici tant de saisons et finissait ce jour-là ; et tandis que j'encaissais les coups du Noir, je pouvais apercevoir cette silhouette de pantin désarticulée gisant sur le brancard. Et je me battais pour une dernière raison, peut-être la plus importante entre toutes. Je me battais..." (p.425). Fervent supporter de Franck Gifford des Giants de New York, Exley vit par procuration à travers les exploits de "son équipe". Ses délires éthyliques et son anti-conformisme auront pourtant raison de lui et c'est avec une espèce de fausse humilité qu'il reconnait au bout du compte : "Que j'aie du talent ou non (...) importait peu. Malheureusement, j'avais tous les travers des gens talentueux : le besoin de m'opposer au monde matériel et incrédule, ce monde qui vous assaille de ses rires et de son scepticisme, ce monde toujours prêt à considérer comme fou celui qui ose rêver." (p.429).



Il est de ces gens pour qui la vie se résume à une lutte sans merci alors même qu'ils ont toutes les clés en main pour réussir. Il est de ce gens foncièrement pessimistes qui malgré eux, se mettent des bâtons dans les roues. C'est l'effet que m'a fait Frederick Exley dans le Dernier stade de la soif. Était-il fou ou était-il juste un alcoolique invétéré ? Je crois qu'il était les deux à la fois mais son extrême lucidité m'en a parfois fait douter... Si j'ai trouvé l'écriture d'Exley agréable, je n'ai pas vraiment compris l'émulation qu'a provoqué la sortie de la version française du Dernier stade de la soif (éditions Monsieur Toussaint Louverture) : les critiques dithyrambiques qui m'avaient persuadé de me pencher sur le texte n'ont malheureusement pas trouvé un écho aussi enthousiaste chez moi. Le roman m'a fait l'effet de lire du Buckowski en moins trash, du S. Hunter Thompson en moins déjanté, du Tom Sharpe en moins drôle, du Henri Miller en moins excitant... Bref, il m'a manqué ce truc qui aurait pu me convaincre que ce livre est un chef d'oeuvre. De plus, Le dernier stade de la soif est un pavé : il a bien failli me tomber des mains à plusieurs reprises et si ce n'était mon obstination à toujours terminer un livre commencé, probablement que je n'aurais pas été au bout. Pour autant, je comprends quelque part l'intérêt porté à ce roman et je dirais que le mieux est de se faire sa propre idée...
Lien : http://embuscades-alcapone.b..
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Le dernier stade de la soif

Je l’ai reposé sur la table de nuit.

Incapable de quitter ce livre, de m’en éloigner, de le ranger.

Ce roman publié en 1968 et réédité de la plus belle des manières par les Editions Monsieur Toussaint Louverture, est déjà un petit bijou en soi, avec une couverture sophistiquée et artistique, un papier doux au toucher. Quel bonheur...

Largement d’inspiration autobiographique, le plaisir est également dans l’écriture, soignée, percutante, sans concession. Et pourtant, le challenge était ambitieux : Frederick Exley aborde dans fard ses problèmes d’alcool, ses troubles psy comme la schizophrénie et la paranoïa qui le conduiront plusieurs fois jusqu’à l’internement, sa dépendance quasi pathologique au football américain et son attachement à un joueur des Giants en particulier : Frank Gifford.

C’est l’histoire d’un homme qui se perd, qui coule, qui sombre.

C’est le récit d’un homme qui cherche à satisfaire son besoin de boire : sa soif de réussite, sa soif de culture, sa soif de reconnaissance, mais sans jamais réussir à l’étancher…

C’est une expérience terrible et douloureuse. Mais Frédérick Exley l’aborde avec humour, noir souvent, auto-dérision et forte lucidité. Quelle intelligence, quelle érudition ! Nourri qu’est cet homme de littérature américaine...

Socrate affirmait que chacun portait en lui le savoir mais sans en avoir conscience. J’ai ressenti dans ce livre la volonté farouche d’un homme de chercher à comprendre comment et pourquoi il se trouve dans ces états extrêmes, pourquoi il cultive cette auto-destruction, en s’engageant dans l’effort du questionnement, de la réminiscence des souvenirs. Cette introspection ne sera cependant que la dernière étape d’un long voyage éprouvant et fatiguant, qui ne laisse ni l’auteur ni ses lecteurs indemnes.

Je n’avais jamais lu jusqu’ici, du moins avec tant d’acuité, l’incapacité que peut éprouver un individu à ressentir, à exprimer son ressenti. C’est le récit d’un voyage intérieur, comme si on assistait à une psychanalyse sauvage, brute, auto-administrée.



Nick Hornby écrit dans la préface : « À ce livre colle la puanteur d'une vie réelle qui a pris le chemin d'un véritable désastre ; c'est pour cette raison qu'il s'agit d'un chef-d’œuvre. ». Voilà, tout est dit

Quelle claque !

A lire et relire.
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Le dernier stade de la soif



Ce roman, qu’Exley annonce comme une œuvre de fiction alors que le personnage principal porte son nom, me confirme que parfois les fous et les poivrots sont les personnes les plus lucides que l’on puisse trouver.



Échecs amoureux, échecs au travail, dépressions mentales et alcoolisme entraînant de multiples séjours en hôpital psychiatrique, « le dernier stade de la soif » va et vient tout au long de la vie d’Exley. Élevé dans l'ombre de la renommée sportive locale de son père, toute l’existence du personnage semble animée par la peur morbide d’être voué à être un spectateur plutôt qu'un participant.

Sans perdre de temps à essayer de se peindre sous un angle avantageux ou à se faire plaindre, l’auteur livre l’autobiographie presque clinique d’un homme dangereusement fragile, innocent, blessé, avec des vues archaïques sur les femmes et surtout une pulsion suicidaire à boire.

Mémoires d’un looser d’un côté, impitoyable dissection de l’Amérique des années 50 de l’autre. En utilisant son propre parcours comme matière, il examine les thèmes du culte des célébrités, de l'obsession de soi, de la dépendance, de la masculinité, de l’internement.



Difficile de ne pas penser à Bukowski. Comme lui, Exley met sa peau sur la table, comme lui il est excessif, drôle, désespéré, sensible.

Comme chez Buk, le parcours est chaotique, le ton est brut et de tout ça émerge une poignante intensité.



Traduit par Philippe Aronson et Jérôme Schmidt
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Le dernier stade de la soif

Alcoolique flamboyant tutoyant les anges, Frédéric Exley livre une biographique fictive élevant ses excès en art de vivre.



En arrière fond on devine cependant les failles d'un homme détaché des contingences de ce bas monde mais dans lequel il cherche néanmoins sa place.



C'est haut en couleurs, bordélique, très drôle, sans filtre et on se surprend à rêver d'avoir un pote comme lui. Inégalable...
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Le dernier stade de la soif

Grâce à Babelio et à son opération de Masse Critique, j'ai pu recevoir gratuitement le magnifique roman de Frederick Exley, Le dernier stade de la soif (Editions Toussaint Louverture). J'avoue que j'ai été particulièrement contente de recevoir celui-ci parmi tous ceux que j'avais souhaités, parce qu'il était justement le seul que j'avais déjà tenu entre les mains et qu'il m'avait laissé un souvenir très profond sans même l'avoir lu!



Je m'explique: Monsieur Toussaint Louverture est l'un des rares éditeurs à proposer des livres extrêmement soignés à prix abordable (23,50€) , et celui-ci est un excellent exemple. La première fois qu'on voit Le dernier stade de la soif, on n'a qu'une seule envie avant même de le lire: le toucher, passer ses doigts sur la couverture et sentir tout le soin qui a été mis dans sa conception. Quand nous l'avions reçu dans la librairie où j'ai fait mon apprentissage et que nous l'avions sur table, je ne pouvais pas m'empêcher d'effleurer l'illustration "gravée" dans la couverture et de passer mes doigts sur le résumé à l'arrière quand j'en rajoutais sur la pile.

Et oui, ça fait un peu psychopathe, mais certains livres sont vraiment de très beaux objets, et celui-ci fait partie des plus beaux que j'ai pu voir pendant ces 2 ans passés en librairie.

Et l'enchantement s'est poursuivi quand je l'ai reçu dans mon humble demeure...je l'ai ouvert et là j'ai de nouveau été frappée par la qualité du papier et de l'impression, un vrai plaisir!

J'étais donc déjà toute disposée à en apprécier le contenu...



Bon, je n'étais pas tout à fait objective au début puisque ma collègue J. m'en avait dit beaucoup de bien ainsi que certains de nos clients mais j'ai pu me faire mon propre avis en me plongeant dedans, et j'avoue ne pas être très originale malheureusement puisque je l'ai beaucoup aimé moi aussi!



Le style d'Exley est vraiment très agréable à lire, j'ai eu le même sentiment d'être face à un véritable auteur naturellement doué comme lorsque j'ai pu lire Requiem pour un paysan espagnol de Ramon Sender - (Editions Attila), dans un style pourtant très différent! Sûrement comme un numéro d'acrobates parfait, extrêmement difficile à réaliser et pourtant le travail apporté en amont donne l'impression au spectateur qu'il est accompli sans efforts.



On se laisse absorber par le quotidien torturé et désespéré sans impression de lourdeur malgré la noirceur de l'existence et la chute inéluctable de ce double imaginaire d'Exley. Personnellement j'ai beaucoup apprécié la galerie de personnages très variés qui croisent le chemin de notre anti-héros, et particulièrement les personnages féminins dont chaque description est un délice. Les femmes d'Exley sont charmantes, magnifiquement appétissantes et malheureusement pas toujours à la hauteur de ses espérances. Qu'importe! On se régale à chaque nouvelle apparition, entre caramel et poivre et sel.

Mais loin d'être un roman d'amour (en tout cas pas entre Exley et ses conquêtes féminines), ce roman parle de la difficulté d'exister aux yeux des autres en tant qu'individu digne d'intérêt, et surtout aux yeux de ceux qu'on aime. De la douleur de réaliser qu'on n'est peut être pas à la hauteur de ses rêves, de dévisager avec horreur son reflet peu flatteur dans le regard des autres et du long chemin du retour lorsqu'on est allé tout au fond du gouffre et de l'auto-destruction.



Le dernier stade de la soif baigne dans une douce lumière d'automne malgré la violence du combat que le personnage mène contre lui-même et qui rend ce spectacle supportable pour le lecteur grâce au lâcher prise dont Exley semble faire preuve la plupart du temps, tristement résigné devant ce sombre avenir qu'il connaît déjà dès les premières pages du roman.



En bref, j'ai beaucoup aimé ce livre, tant au niveau de la forme que du fond et j'en suis très reconnaissante envers son éditeur d'avoir eu l'idée lumineuse de le rendre accessible aux lecteurs francophones, qui plus est dans la plus belle édition qu'il soit!
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Le dernier stade de la soif

Dans un préambule, Frederick Exley nous explique que ce livre n'est en rien une autobiographie mais une fiction. Il tenait à le souligner. Étrange donc de rentrer dans ce roman écrit à la première personne dont le narrateur s'appelle Frederick Exley...

En somme, une autobiographie fictive, car sa vie ressemble beaucoup à celle décrite dans ce livre. Mais il faut croire que la nuance était importante pour lui.



Un homme désespéré, plus ou moins selon les périodes, dépressif chronique et qui fuit dans l'alcool et sa passion du football. Plusieurs fois interné en hôpital psychiatrique. Parfois conscient de ses problèmes d'alcool, souvent dans le déni total. Hélas entouré de "soulards" dans son genre, aussi déjantés que lui, ce qui n'arrange pas son cas. Mais ils ont tous sûrement une ou de bonnes raisons de boire, chacun la sienne. Exley, un désespéré avec parfois beaucoup d'humour.



J'avoue m'être débattue avec ce livre que j'ai trouvé long et répétitif malgré un style agréable. Je me suis parfois retrouvée en cet Exley, pourtant peu attachant. J'aurais aimé connaître les raisons de son mal être si profond. Peut-on toujours le comprendre soi-même ?

Ou peut-être est-ce ainsi, la destinée, dès la naissance (et par des expériences de la vie douloureuses) comme Exley se fait la réflexion lors de l'une de ses arrivée en hôpital psychiatrique :



"Qui plus est, j'allais devoir ramper plus bas que terre et me préparer à retourner dans le passé pour y trouver les raisons de mon état, et comme Paddy, passer des heures à contempler le plafond et à me souvenir. Mon plus gros problème était de savoir par où commencer, car je ne doute pas qu'à la seconde même où l'obstétricien gifle les fesses du bébé, arrachant à celui-ci le cri hystérique de la vie, une certaine prédisposition existe déjà, dont les ombres et les obscurités déterminent s'il va se retrouver à Avalon Valley ou à la Maison Blanche." (Avalon Valley est le nom de l'hôpital psy).
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Le dernier stade de la soif

« Le dernier stade de la soife » de Frédérick Exley est un agréable bouquin avec plusieurs passages drôles aux situations traités avec un humour pince-sans-rire qui tombe juste.

L’histoire ? Disons le témoignage(autobiographique?)d’un américain vouant un amour sans borne tant pour le football américain que pour la bibine.

Le récit est dans l’ensemble assez agréable à lire surtout les 300 premières pages où l’on retrouve une certaine chronologie le dernière tiers est par contre plus brouillon et longuet.

Dans l’ensemble, une lecture agréable au style délié et accessible où il manque peux-être sur la fin une plus grande lueur d’espoir.
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Le dernier stade de la soif



Quel livre!

Le dernier stade de la soif est une autofiction.

C'est le livre du chaos, un livre sur l'alcoolisme, sur la disgression, sur l'échec, sur la démence et sur l'errance sordide d'Exley dans une Amérique désabusée.

Névrosé et paranoiaque, la sincérité et l'humour transcendent son désespoir, Exley lucide du désastre en arrive même à en "rire de tristesse"entre deux séjours en hôpital psychiatrique.

J'ai lu ce livre en réédition chez Monsieur Toussaint Louverture,

Notez,comme toujours, leurs belles éditions.
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Le dernier stade de la soif

Splendeur et décadence de l'Amérique...

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Frederick Exley, c'est tout à la fois Balzac pour l'écriture, Bret Easton Ellis pour le côté déjanté, Frédéric Beigbeder pour l'humour... un chef d’œuvre, me direz-vous? Peut-être...

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Lire Le dernier stade de la soif, c'est s'enfermer dans un huit-clos avec l'auteur et pénétrer un univers décalé, parfois sombre et glauque, désabusé, mais plein d'humour et d'espérance. On y rencontre toute sorte de personnages décadents, blasés, fatalistes, paumés ou en pleine ascension, qui ont tous un point commun avec le narrateur : des failles et des imperfections qui les rendent attachants. Frederick Exley nous fait aimer ses compagnons de bonne ou mauvaise fortune, bancales et imparfaits.

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On trépigne devant la rare application dont fait preuve le narrateur à rater sa vie, à se mettre dans des situations inextricables, à se détruire. On comprend, on compatit, on sombre avec lui, on prend peur face à la fascinante facilité avec laquelle une vie semble pouvoir basculer du côté obscur.

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[...] Ce qui hisse Le dernier stade de la soif au-dessus de la mêlée, c'est son antériorité (le livre est paru en 1968) et le style prodigieux que l'auteur manie avec une rare virtuosité. La prose est précise, riche, intense et le vocabulaire est étoffé et très travaillé; les traducteurs (Philippe Aronson et Jérôme Schmidt) ont fait preuve d'un travail remarquable pour restituer ce texte vivant et dense.

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Les cent dernières pages semblent longues, car finalement il ne se passe pas grand chose dans la vie du héros. [...] Outre le fait que l'objet est absolument magnifique, les pages dégageant une douceur sensuelle, il est vivement conseillé de se procurer ce livre et de découvrir ce qui ressemble fort à un chef d’œuvre.



Un grand merci à Babelio pour l’organisation de son opération Masse critique qui m’a permis de découvrir ce livre, et à l’éditeur Monsieur Toussaint Louverture pour me l’avoir envoyé.
Lien : http://litteratureetchocolat..
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Le dernier stade de la soif

Probablement, parce que le héros, ou plutôt, le anti-héros absolu, très inspiré de l'auteur, me rappelle inexorablement un vieil ami perdu de vue, ce livre m'a touché en plein coeur. Ces déboires d'un éternel anxieux alcoolique, inapte au bonheur et à la vie de couple, mais pétri d'humour et d'intelligence ne sont qu'une belle ode à tous les perdants magnifiques de la terre. Et ces perdants, quand ils viennent se fracasser sur le modèle américain, tout en chrome et en bien pensance, nous font rire, nous font pleurer, et on les adore plus que de raison.
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À l'épreuve de la faim

Donner vie à un auteur oublié, telle est l’envie de Frederick EXLEY, et de Monsieur Toussaint Louverture !



Frederick EXLEY est l’auteur de deux ouvrages connus en France : Le dernier stade de la soif (A fan’s notes), et A l’épreuve de la faim (Pages from a cold Island) tous deux parus aux éditions de Monsieur Toussaint Louverture.







L’auteur américain n’a selon lui pas connu un gros succès. Les critiques lors de la sortie de son premier roman (dans les années 1950) aux Etats Unis, furent très positives. Il vendu environ 7 000 exemplaires et gagna tout de même le prix National Book Award.







Son second roman, qui ressemble fortement à un récit autobiographique est paru dans les années 70 aux Etats Unis et est très troublant.



Frederick nous conte la vie de certains de ses contemporains. Notamment Nabokov, avec sa célèbre Lolita et en particulier Edmund WILSON qui a dominé intellectuellement la scène littéraire des Etats Unis.



Frederick s’est découvert une passion pour ce dernier et décide de tout faire pour lui rendre un réel hommage. L’hommage qu’il mérite et que les médias ne lui ont pas donné.







Pour cela, il se rend en pèlerinage dans la ville de WILSON, à savoir Talcottville afin de rencontrer les médiateurs de sa vie ; sa fille, son agente, ses amis…



Le récit tient alors en deux parties. Il y a la face poétique de Frederick qui apparaît lorsqu’il parle de WILSON, et le côté beaucoup plus grossier lorsqu’il parle des femmes, de politique, ou qu’il est un peu trop alcoolisé.







L’auteur tombe souvent amoureux. De jeunes femmes surtout. Nabokov et sa Lolita dominent le livre, ne l’oublions pas. EXLEY rencontre ses Lolita, il n’hésite pas à être grossier et direct avec elles, contrairement à Humbert Humbert qui était beaucoup plus attaché aux sentiments.







Il rencontre un jour suite à sa demande et non sans difficulté Ms. STEINEM, féministe très engagée aux Etats Unis. Il fait des pieds et des mains pour l’interviewer. Il relit tous ses classiques féministes et donne ses avis afin de ne rien avoir à se reprocher. Il tentera de la séduire, mais son engagement pour l’égalité des sexes n’est pas semblables à celui de sa partenaire. Il fera des efforts, essaiera d’être un autre pour elle, mais « chassez le naturel, il revient au galop ».







Frederick EXLEY est de plus un alcoolique notoire. La vodka et le whisky dominent ses journées. Les bistrots de Talcottville ou de sa petite île dans laquelle il vit habituellement et qui lui manque n’ont plus de secrets pour lui. Il est prêt à faire la tournée dés la première heure pour s’offrir une petite sieste et recommencer le soir, avant d’écrire quelques lignes si l’inspiration est présente.







L’alcool et le sexe sont la charpente de ce récit. Mais il va au-delà de tout ça.



Frederick EXLEY nous offre ici son intimité la plus profonde. On ne sait pas si on doit crier au génie ou le haïr. Cet homme montre toute la complexité de l’humanité à lui seul. Et il la montre bien. L’ironie créée son écriture et son humour hors pair.







« A l’épreuve de la faim ne fonctionnait pas car le texte était d’une telle mélancolie que, malgré son humour, le lecteur n’allait certainement pas pouvoir atteindre la dernière page (en admettant qu’il arrive jusque là) sans se demander comment diantre j’avais pu trouver en moi la volonté de produire ces quatre cent quatre-vingts pages de tapuscrit. »



Et vous n’aurez pourtant aucun mal a vous laisser embarquer dans la vie débauchée, pleine d’espoir et de désillusions de notre cher Frederick EXLEY.







Remercions les éditions Toussaint Louverture pour la confiance qu’il savent créer chez leurs lecteurs grâce à la qualité de leurs ouvrages.
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Le dernier stade de la soif

Les Editions Monsieur Toussaint Louverture continuent leur travail d'édition hors-norme en éditant pour la première fois en France, 43 ans après sa parution américaine, le texte de Fréderick Exley, A fan's notes.



Le dernier stade de la soif est un étonnant texte d'inspiration autobiographique qui tend vers le roman. Son auteur, alcoolique patenté et inadapté social notoire qui passe de fréquents séjours en hôpitaux psychiatriques, nous narre ses aventures pour le moins aberrantes. Voguant entre bars miteux où il laisse s'épancher sa passion pour le football et un certain joueur nommé Frank Gifford, jobs improbables où il ne fait rien, squats et échouages divers chez des amis, quotidien vissé au canapé maternel, Exley a tout du perdant qui ne trouve pas sa place dans l'Amérique conquérante du XXème siècle.



Sans suivre la chronologie de sa vie, l'auteur retrace les périodes de sa vie : sa jeunesse auprès d'un père admiré, grand footballeur adulé ; ses années d'étudiant où, rêvant à un avenir littéraire grandiose, il passe plus de temps à deviser avec les amis ; ses premiers emplois décrochés par hasard ou par culot en construisant un faux CV. Puis il sera question de sa douce folie, de son goût immodéré pour l'alcool et les femmes ; de la déroute de son couple avec Patience qui lui donnera 2 jumeaux dont il ne sait que faire ; de ses différents séjours en hôpitaux psychiatriques enfin où il croit trouver l'apaisement sans faire le point sur lui-même.



Loin d'être une autofiction pourtant, Le dernier stade de la soif est le parcours romancé d'un homme qui se voit tomber dans tout ce que l'Amérique exècre : une déchéance lucide que son protagoniste lui-même suit et décrit avec ironie. Texte très écrit, emprunt de nombreuses références littéraires et culturelles,nous sommes devant une sorte de confession, de testament littéraire d'un homme qui transforma sa vie chaotique en oeuvre.



Fils d'un père fort admiré, Exley semble se sentir inférieur à ce père disparu. Il reporte sa personne dans la figure d'un joueur de football qui va désormais représenter tout ce qu'il n'est pas.

Loser, écrivain raté qui fait semblant de noircir des pages, alcoolique qui réclame à tout le monde de l'argent pour se saouler et oublier ce monde qui lui déplaît tant, Exley est une figure pathétique et désabusé qui provoque la pitié.

Un homme détestable parfois par son parasitisme, sa vulgarité, son laissez-aller, sa violence raciste et homophobe même. Exley se décrit sans concessions, sans pudeur avec un égoïsme qu'il abandonne parfois pour reconnaître qu'il en fait baver aux siens.



Le dernier stade de la soif est finalement le livre de l'échec d'une vie, un échec qui pourtant se transforme bien malgré lui en succès littéraire. N'est-il pas le plus beau pied de nez que l'auteur, mort en 1992 de ses affres passées, pouvait faire à l'Amérique ?



Contrairement aux apparences, l'ouvrage est loin d'être plombant dans sa narration. L'auteur y introduit beaucoup d'humour, de par le regard un peu cynique qu'il porte sur sa vie et sur ce qui l'entoure de manière générale. Il est bourré de personnages tous plus improbables les uns que les autres et transforme une vie de déchéance en épopée coloré.



Je conseille néanmoins de ne pas ingurgiter en une fois la somme de cette vie qui, à la longue, finit par devenir un peu lourde.



Bref, voilà un ouvrage hors-norme, délicat à conseiller, par son étrangeté et son parti-pris extrême que les curieux, les amateurs de bukowski et autres amateur de curiosités littéraires devraient découvrir !



il est à noter une fois de plus, un remarquable travail d'édition sur l'objet livre lui même avec une magnifique couverture cartonnée( "en carton gris de 400 grammes imprimé en offset, puis durement foulé pour lui donner la vie" ) enrichie d'une illustration très graphique reprenant le visage de l'auteur fabriqué avec le nom de son joueur de football préféré, Gifford.
Lien : http://legrenierdechoco.over..
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