La bouche tiède du volcan s'ouvrit et la femme aux longs cheveux blancs sortit du cratère en s'élevant dans les airs. Vêtue d'un voile d'étoiles scintillantes qui lui faisaient une traîne, on aurait pu la croire encore jeune tant elle se tenait droite.
Tiré de la nouvelle Surréaliste
Le frère de la gamine se baissa pour saisir une pierre. Valentin arrêta le bras de l'assaillant ce qui permit à Chifoumi de détaler sans demander son reste. Une bagarre commença sous les cris des autres enfants. La petite fille continuait à pleurer en regardant sa main sans sucette. Roulant dans l'herbe les deux garçons se frappaient avec les poings et les pieds.
- Oh là ! Arrêtez ça tout de suite !
Un homme en redingote noire et haut-de-forme venait d'attraper Valentin par le col de son teeshirt.
- Si vous voulez vous battre allez plutôt vous mesurer aux Olympiades, elles commencent dans...
L'homme sortit une montre à gousset de son gilet.
- Elles vont commencer, rectifia-t-il. Allez, oust !
Les enfants s'éparpillèrent comme des pigeons dérangés par un chat.
Seul Valentin resta près de son sauveur.
- Et toi ? Que fais-tu planté là ?
- Si tu cherches ton chien il est parti dans cette direction, fit une voix proche.
Il s'agissait d'un peintre, assis en bras de chemise sur une chaise face au Lez et que les cris des enfants avaient détourné de son travail artistique. Il pointait son doigt vers les barques en aval. L'homme à la redingote s'était rapproché de lui.
- Monsieur Bazille ! Toujours en plein travail !
- Monsieur Castan ! Oui, je m'inspire de la nature… toujours insaisissable !
- Comme mes administrés, ironisa le magistrat.
Mais déjà Valentin n'entendait plus les deux hommes. Se dirigeant vers les embarcations désignées par le peintre, il se demandait si ce « Bazille » pouvait être de la famille de l’artiste dont il avait vu les œuvres au musée Fabre à Montpellier.
Durant le reste du chemin il apprit à Valentin comment, des rivières gelées près de l'Espérou, la glace était extraite à coups de piques et de pelles. Il lui raconta le froid rigoureux, les sentiers périlleux et glissants, les éboulis, les accidents… Il lui parla de camaraderie, de liens particuliers tissés entre les hommes, indispensables dans une nature inhospitalière et dangereuse.
Valentin, confortablement installé sur le canapé de la salle à manger de ses grands parents, regardait avec intérêt les photos qu’il avait sous les yeux. Il s’était arrêté sur celle d’un adolescent blond qu’il n’avait pas reconnu : son grand père.
– Vous vous êtes connus comment, papi et toi ? demanda t il.
– Nous étions tous les deux au CES de Castelnau, répondit sa mamie.
Rapidement des notes de musique parvinrent à leurs oreilles, ce qui eut pour effet d'accélérer le pas d'Alice qui se mit presque à courir. Elle tenait d'une main son chapeau pour qu'il ne s'envole pas. De l'autre elle remontait sa robe pour mieux courir, dégageant de petites bottines noires.
- Finalement tu peux faire faire ce que tu veux à tes personnages. Tu as le pouvoir de vie et de mort sur eux.
- Oui, toute puissante. Je peux créer des situations, des vies, des histoires, et les défaire à l’envi. Un vrai plaisir !
- Tu t’es bien amusée pas vrai ?
- Oui, j’avoue…
J’ignore aujourd’hui comment je suis devenue toute petite. Mais c’est arrivé. Ça, j’en suis sûre. Et encore, « petite » est un mot bien faible pour décrire la situation dans laquelle je me trouve. « Petite » ne veut pas dire un enfant. Pas plus qu’une diminution de ma taille. Je mesure toujours un mètre soixante-quatre et, même si avec le temps je me ratatine un peu, cela est à la marge. Pourtant je suis vraiment devenue toute petite, plus petite qu’une mouche, plus légère qu’une plume, plus insignifiante qu’un grain de sable. J’ai quasiment disparu. Je me suis perdue quelque part, sans m’en rendre compte, petit à petit, entre aujourd’hui et ce moment indatable où mon amie est entrée dans ma vie.
Soudain les eaux du Lez s'écartèrent pour laisser apparaître un étroit chemin, juste devant Valentin qui n'osait pas bouger. Le sentier s'arrêtait sur la berge opposée, au niveau de l'énorme rocher gris parcouru de plantes grimpantes encore plus sombres que lui.
Il ne se passa rien pendant quelques minutes durant lesquelles le temps sembla suspendu. Puis, au bout du chemin, un homme vêtu d'un grand manteau noir à capuche, armé d'un long bâton, s'avança de deux ou trois pas.
Chifoumi grogna.
L'homme tapa le sol avec son bâton et le rocher s'écarta sur le côté pour laisser la place à une ouverture noire comme les ténèbres.
Tu as en toi la réponse. Chacune des voies qui s’offrent à toi peut t’apporter joie et bonheur ou peine et désespoir. Pèse bien chaque plateau de la balance de ta vie, le pour et le contre. Tu sauras alors quel chemin tu dois prendre. Pour cela je te conseille de partir loin de ton village, loin de ta famille, loin de tes voisins, loin de ta jeune amoureuse, pour réfléchir sur ta destinée. Que tu choisisses l’une ou l’autre route ta vie en sera complètement différente mais il n’y a que toi qui puisse faire ce choix.
Tiré de la nouvelle La Parabole du Fou
C'est en regardant dans la direction du pigeon que Valentin la vit. Une nouvelle coquille Saint-Jacques mais bien plus brillante que les précédentes. On aurait dit qu'une lumière souterraine l'illuminait par en-dessous.
Attiré par cette vision, Valentin s'approcha à pas mesurés vers elle. Lorsqu'il fut au-dessus de cette lumière aveuglante, il dut fermer les yeux. En les rouvrant il ne reconnut pas les lieux autour de lui. Pourtant l'église était bien là, devant lui, mais tellement différente de celle qu'il connaissait. Mais sa première impression ne fut pas visuelle. En effet c'est l'odeur qui le surprit le plus. Une odeur pestilentielle, un mélange d'égouts, d'urine, de crottin, de terre, d'animaux… Le fait est que devant le jeune garçon porcs et poules se disputaient la place terreuse avec des hommes et des femmes plus miséreux les uns que les autres, plus sales les uns que les autres. Des enfants à quatre pattes, à peine vêtus, pataugeaient dans cette fange malodorante et souillée.
Retenant sa respiration Valentin n'osait plus bouger.
Chifoumi, excité par tout ce bestiaire inconnu pour lui, était parti glaner quelques « bonnes » odeurs et pourquoi pas se faire quelques amis errants.