Trente-cinq ans qu'on cultivait ses différences, Pascal et moi, trente-cinq ans qu'on se disait amis. Nous n'avions pas mêlé nos sangs ni craché sur nos vies, mais nous étions des amis d'enfance. De ceux qui, sans s'être choisis, s'habituent graduellement à l'autre parce qu'ils n'ont qu'un mur pour faire rebondir la balle et que leurs parents bavardent le soir en sortant les poubelles. Des amis de circonstances.
Être l'amant de ma femme semblait autrement plus jouissif que ghostwriter. Être biographe pour le compte d'autrui était pour moi comme une longue punition d'écolier. Des lignes et des lignes d'écriture pour des gens qui aiment parler d'eux, qui ont souvent trop d'argent et pas assez de temps pour le faire eux-mêmes. Je leur inventais un style, étouffant à contrecœur le mien sous un gros coussin de dépit.
"Vieillir ne m'effrayait pas ; c'était plutôt devenir vieux qui m'angoissait. Quant à savoir s'il fallait pleurer ou au contraire se réjouir d'avancer dans l'âge ..." (p.121)
Elle me donna rendez-vous à 16 heures le lendemain à la table d'un salon de thé de son quartier. Si certaines relations se construisent dans un lit, la nôtre semblait s'épanouir à table. Je n'avais rien contre. Table de billard, table de jardin, table de massage, table de nuit, qui sait, nous avions peut-être encore toute une série de tables à partager.
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Daisy pour qui l'apparence était pourtant primordial, se fichait bien de la mienne. Disons qu'elle s'en moquait tant qu'on ignorait notre lien de parenté, et tant qu'on ne nous voyait pas marcher côte à côte. Ce qui n'était guère compliqué, vu son degré d'absence.
"j'avais une tête perdue quelque part au milieu des étoiles, une tête qui tourne sur elle-même et autour des autres sans jamais établir le moindre contact. [...] j'avais appris qu'un avatar n'était pas une insulte ni un mea culpa une grosse glace à la pêche." (p.11)
Il y a des gens que vous croisez et qui vous laissent le sentiment immédiat qu'un lien préexiste entre vous et qu'une relation s'établira.
Ils firent l’amour jusqu’à épuisement de leurs corps émerveillés. Et même dans le rapprochement physique, Alexandre conservait cette part mystérieuse de son être qui fascinait Agathe. Qui était-il ? Repue de volupté dans les bras de son nouvel amant, elle laissa ses pensées vagabonder dans le sens des aiguilles d’une montre. Qu’allait-il advenir de leur relation naissante ? Cette rencontre était-elle une belle parenthèse à saisir telle quelle ? Le début d’une véritable histoire ? Elle ne pouvait s’empêcher de s’ancrer dans un avenir, surtout peut-être s’il était incertain. Alexandre, à l’opposé, remontait le fil du temps. Il repensait à leur rencontre, à ce qu’Agathe lui avait déjà confié de sa vie.
Je n'avais pas encore repris mon souffle qu'elle avait repris le cours de sa vie.
Heureux sont ceux qui vivent la perte comme composante inéluctable de l’existence humaine et qui en guérissent avec le temps, sans avoir perdu leur joie de vivre de manière irrévocable.