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Citation de Charybde2


En réalité, cette forme de représentation, ce dispositif narratif particulier [NDA : celui de la science-fiction], a toujours entretenu un apport plus complexe à son contenu manifeste (le futur). Car l’apparent réalisme, l’apparente représentationnalité de la SF, dissimule depuis toujours une structure temporelle bien plus complexe : il ne s’agit pas de nous donner des "images" du futur – quelle que soit la signification de telles images pour un lecteur qui, de toute façon, mourra avant qu’elles ne "se réalisent" -, mais de défamiliariser et de restructurer l’expérience que nous avons de notre présent, et ce sur un mode très spécifique, distinct de toute autre forme de défamiliarisation. Des grands empires intergalactiques d’un Asimov, de la Terre, dévastée et stérile, des romans post-catastrophiques d’un John Wyndham, au futur proche des banques d’organes et des mineurs de l’espace d’un Larry Niven, en passant par les conapts, autofabs, ou psycho-valises de l’univers de Philip K. Dick, toutes ces représentations apparemment pleines s’inscrivent dans un processus de distraction et de déplacement, de refoulement et de renouvellement latéral de la perception, dont on trouve des équivalents dans d’autres formes de la culture contemporaine. Dans la "grande" littérature, l’œuvre de Proust n’était que la forme la plus monumentale de cette découverte : le présent – dans cette société, dans la dissociation physique et psychique des sujets humains qui l’habitent – est inaccessible directement, engourdi, vide d’affect. Si donc nous voulons rompre avec notre isolement monadique et "éprouver", pour la première fois et pour de vrai, ce "présent" qui est, après tout la seule chose que nous ayons, il nous faut mettre au point de savantes stratégies obliques. Chez Proust, c’est la fiction rétrospective de la mémoire et la réécriture après-coup qui sont mobilisées pour que l’intensité d’un présent, qui n’existe désormais plus que dans le souvenir, puisse être éprouvée dans une actualité posthume, arrachée au temps, sous un jour totalement inattendu.
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