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Citations de Fridtjof Nansen (17)


Il n'existe rien de plus merveilleusement beau que cette nuit Arctique. C'est le pays des rêves, coloré des teintes les plus délicates qu'on puisse imaginer : c'est la couleur irréelle! Les nuances se fondent les unes dans les autres dans une merveilleuse harmonie.

Toute la beauté de la vie n'est-elle pas haute, délicate et pure comme cette nuit? Le ciel est une immense coupole bleue au zénith, passant vers l'horizon au vert, puis au lilas et au violet.

Sur les champs de glace apparaissent de froides ombres bleu foncé, et, çà et là, les hautes arêtes de la banquise s'allument de lueurs roses, derniers reflets du jour mourant. En haut brillent les étoiles, éternels symboles de la paix.
p74
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Maintenant, je désire presque le retour de la nuit polaire avec son monde féerique d'étoiles, ses fantastiques aurores boréales et sa lune lumineuse poursuivant sa course dans le grand silence de la nuit endormie.

C'est comme un rêve, comme une échappée dans le monde de la fantaisie et de l'imagination.

Il n'y a plus aucune forme, aucune réalité, rien qu'une vision d'un ruissellement d'argent et de violet planant au dessus de la terre.

P138
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Dans la soirée, je me promène sur la banquise. Il n'existe rien de plus merveilleusement beau que cette nuit arctique. C'est le pays des rêves, colorés des teintes les plus délicates qu'on puisse imaginer : c'est la couleur irréelle ! Les nuances se fondent les unes dans les autres dans une merveilleuse harmonie. Toute la beauté de la vie n'est-elle pas haute, délicate et pure comme cette nuit ? Le ciel est une immense coupole bleue au zénith, passant vers l'horizon au vert, puis au lilas et au violet. Sur les champs de glace apparaissent de froides ombres bleu foncé, et, çà et là, les hautes arêtes de la banquise s'allument de lueurs roses, derniers reflets du jour mourant. En haut brillent les étoiles, éternels symboles de la paix.
Au sud se lève une grande lueur rougeâtre, cerclée de nuages d'or jaune, flottant sur fond bleu. En même temps, l'aurore boréale étend sa draperie changeante, tantôt argentée, tantôt jaune, verte ou rouge. À chaque moment, sa forme varie ; un instant, le météore s'étale, un autre il se contracte, puis se déchire en cercles d'argent hérissés de rayons flamboyants, et, finalement, s'éteint subitement comme une mystérieuse apparition. Un instant après, des langues de feu flambent au zénith, et, de l'horizon, monte une raie brillante qui vient se confondre dans la clarté lunaire. Pendant des heures, le phénomène lumineux s'irradie en clartés étranges au-dessus du grand désert glacé, laissant une impression de vague et d'inexistence, qui vous fait un instant douter de la réalité. Et le silence est profond, impressionnant comme la symphonie de l'espace. Non, jamais je ne pourrai croire que ce monde puisse finir dans la désolation et dans le néant. Pourquoi alors, toute cette beauté, s'il n'existe plus aucune créature pour en jouir ?
Je commence maintenant à deviner ce secret : voici la terre promise qui unit la beauté et la mort. Mais dans quel but ? Ah ! quelle est la destinée finale de toutes ces sphères ? Lisez la réponse, si vous le pouvez, dans ce ciel bleu constellé d'étoiles.

Chapitre 2 : Le premier hivernage.
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Aujourd'hui, le soleil nous fait ses adieux ; la nuit d'hiver va commencer. Où serons-nous quand reparaîtra l'astre de la vie ? Pour nous consoler de son départ, la lune brille d'un éclat absolument extraordinaire. […]
Très bas sur l'horizon, dans le sud-ouest, il y a encore un faible afflux de lumière, une lueur rouge foncé comme une tache de sang, passant à l'orange, au vert, au bleu pâle, enfin au bleu foncé tout piqué d'étoiles. Dans le nord vacillent des fusées d'aurore boréale toujours changeantes et mobiles, jamais en repos, absolument comme l'âme humaine. Et, sans y prendre garde, mes pensées reviennent toujours à mes chers adorés…

Fridtjof Nansen, VERS LE PÔLE : chapitre 2, Le premier hivernage.
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De jour en jour, l'abaissement de la température rendait nos travaux plus pénibles. Le sol était maintenant très dur et les pierres solidement cimentées par la gelée ; pour comble d'infortune survint une neige abondante. L'hiver approchait. Aussi, quelle ne fut pas notre joie, le 12 septembre, de constater, à notre réveil, un dégel complet. Ce jour-là, le thermomètre s'éleva à + 4°C, la plus haute température que nous ayons observée pendant notre expédition.
Toutes les montagnes ruissellent de joyeux torrents qui descendent vers la mer en gais murmures, écrivais-je à cette date. Partout l'eau coule et susurre ; partout apparaissent des taches de verdure. Comme par un coup de baguette magique, cette nature, déjà touchée par le froid de la mort, s'est animée d'un renouveau de vie. Nous songeons aux pays du sud, inconscients aujourd'hui de l'imminence de la longue nuit hivernale.
Hélas ! cette belle journée n'a pas de lendemain ! Voici de nouveau la neige ; elle tombe en flocons serrés et couvre bientôt de sa livrée cette terre qui, hier encore, palpitait de vie et de gaieté !…
Je contemple le sol. À mes pieds, au milieu des pierres, quelques fleurs flétries émergent encore de la nappe blanche. Une dernière fois avant son départ, le soleil vous éclairera, pâles et délicates corolles, merveilles du monde végétal sous ces tristes latitudes ; puis, vous vous endormirez, pour l'hiver, sous l'épais linceul blanc, jusqu'au jour encore lointain de la résurrection printanière. Que ne pouvons-nous faire comme vous !

Chapitre 10 : Hivernage à la terre François-Joseph.
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16 octobre. — Depuis quatre jours souffle un ouragan horrible. Soulevé par le vent, la neige emplit le ciel d'épais tourbillons. Malgré cela, l'excursion habituelle à ski n'est pas annulée.
À midi le soleil apparaît à l'horizon comme une boule rouge de forme ellipsoïdale. C'est la dernière fois que nous l'apercevons. Adieu ! cher soleil vivifiant ! […]
Les jours succèdent aux jours sans apporter aucun changement dans notre existence. Pour nous distraire, nous observons les splendeurs de l'aurore boréale plus magnifique que jamais. […]
13 novembre. — Le thermomètre est à - 39°C. Dans la journée, pressions dans différentes parties de la banquise. Leur bruit strident annonce la basse température de la glace, un bruit très singulier qui semblerait surnaturel, si on en ignorait la cause.
Une course à ski par un clair de lune magnifique. Non, en vérité, notre vie n'est pas une souffrance constante comme on doit le croire là-bas. Est-ce, par exemple, une pénible épreuve de glisser, rapide comme une flèche, sur la glace sans fin, par un beau froid, sous un ciel constellé d'étoiles ? Tout autour s'étend la nappe de la banquise argentée par le clair de lune, mouchetée de grandes taches sombres produites par l'ombre des hummocks, et, tout là-bas, une raie claire marque l'horizon de la glace. Très bas dans le sud, une lueur émerge, rougeâtre, plus haut jaune, puis verte, se fondant insensiblement dans l'immense coupole bleue. Une indescriptible harmonie que la musique, seule, pourrait traduire !
C'est plus qu'il n'est permis d'attendre de la vie ; c'est une féerie de l'autre monde, une vision de la vie future.

Chapitre 4 : Le second automne dans la banquise.
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Maintenant je désire presque le retour de la nuit polaire avec son monde féerique d'étoiles, ses fantastiques aurores boréales et sa lune lumineuse poursuivant sa course paisible dans le grand silence de la nature endormie. C'est comme un rêve, comme une échappée dans le domaine de la fantaisie et de l'imagination. Il n'y a plus aucune forme, aucune réalité, rien qu'une vision d'un ruissellement d'argent et de violet planant au-dessus de la terre.
Ce jour sans fin avec son activité continuelle me fatigue. La vie est un tracas perpétuel. Les jours succèdent aux jours, les semaines aux semaines, jamais ni les labeurs ni les pensées ne s'arrêtent… Souvent nous ne quittons notre travail qu'à minuit passé… Et toujours cette obsédante attente et cette sensation pénible de vide.
Les saints, assure-t-on, trouvent dans le désert la paix de la vie. Ici, c'est bien un désert, mais la paix je ne la trouve pas. La sainteté me manque sans doute.

Chapitre 3 : Le printemps et l'été au milieu de la banquise.
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Une nuit magnifique termine l'année. Au-dessus de la grande étendue blanche, le ciel d'une incomparable pureté n'est qu'un scintillement d'étoiles, illuminé par le flamboiement silencieux de l'aurore boréale, et sur ce fond de paillettes brillantes, le Fram détache en vigueur sa masse noire argentée de givre.

Chapitre 2 : Le premier hivernage.
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Cette banquise de glace vive est comme une vie sans amour ; rien ne l'adoucit. L'amour, c'est la neige de la vie. Il ferme les blessures reçues dans le combat de l'existence et resplendit plus pure que la neige. Qu'est-ce qu'une vie sans amour ? Elle est pareille à ce champ de glace, une chose froide et rugueuse errant à la dérive des vents, sans rien pour couvrir les gouffres qui la déchirent, pour amortir le choc des collisions et pour arrondir les angles saillants de ses blocs brisés. Oui, une telle vie est semblable à cette glace flottante nue et pleine d'aspérités.

À plusieurs reprises, les blocs empilés sur bâbord menacent de culbuter sur le pont par-dessus le bastingage. Cette glace, peu épaisse, ne peut causer grand dommage, mais sa force d'impulsion est énorme. Sans une minute d'arrêt, elle arrive en vagues qui, de prime abord, apparaissent irrésistibles, puis lentement, mais sûrement, elle vient mourrir contre la solide coque du Fram.
[…] Entre quatre et cinq heures du matin, une violente pression a soulevé légèrement le Fram. L'assaut des glaces semble devoir se renouveler. Demain, en effet, nous aurons une marée de pleine lune. Dans la matinée, la banquise s'ouvre tout contre le navire, puis se referme. Vers onze heures du matin, une attaque assez forte se produit ; après cela un temps d'arrêt, puis, nouvelles pressions dans l'après-midi, particulièrement violentes entre quatre heures et quatre heures et demie.
25 octobre. — La nuit dernière, la banquise a éprouvé une convulsion. Réveillé en sursaut, j'ai senti le Fram soulevé, secoué et remué en tous sens ; en même temps, j'ai entendu la glace s'écraser contre la coque. Après avoir écouté un instant, je me suis rendormi, en pensant qu'il faisait bon être à bord du Fram. Ce serait véritablement terrible d'être à bord du Fram. Ce serait véritablement terrible d'être obligé de fuir avec tous nos bagages sur le dos.

Chapitre 2 : Le premier hivernage.
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Nous abandonnons notre vieux floe, maintenant tout disloqué, pour aller ancrer un peu plus en arrière. Le soir, un assaut très violent s'étant produit autour des débris de ce glaçon, nous nous félicitons d'avoir quitté son voisinage.
Les pressions, affectant une étendue importante de la banquise, sont dans une étroite relation avec le phénomène des marées. Deux fois par jour la banquise subit une détente, puis une compression. La compression se produit de quatre à six heures du matin, et à pareille heure le soir ; dans l'intervalle la détente donne naissance à des plaques d'eau libre. L'attaque terrible qui vient de se produire a été probablement déterminée par la marée de syzygie. La lune a commencé le 9 et précisément ce jour-là, vers midi, a eu lieu la première convulsion. Depuis, chaque jour, l'agitation de la glace commence à une heure de plus en plus tardive ; aujourd'hui elle survient à huit heures.
Les pressions se produisent particulièrement aux époques de syzygie et se montrent plus violentes à la nouvelle lune qu'à la pleine lune. Durant les périodes intermédiaires, elles sont faibles ou nulles. Ce phénomène ne se manifesta pas pendant toute la durée de notre dérive ; il fut particulièrement terrible le premier automne, dans le voisinage de la nappe libre, située au nord de la côté sibérienne, et la dernière année aux approches de l'Atlantique. Pendant notre traversée du bassin polaire, il fut moins fréquent et plus irrégulier. Dans cette région, les pressions sont principalement dues à l'action du vent sur les banquises. Lorsque les énormes masses de glace de cette zone, entraînées par la dérive, rencontrent d'autres champs chassés par une brise ayant une direction différente de celle qui pousse les premières, les collisions, comme on le comprend, doivent être terribles.
Cette lutte des glaces les unes contre les autres est à coup sûr un spectacle extraordinaire. On se sent en présence de forces titanesques. Au début d'une grande pression, il semble que tout le globe doive être ébranlé par ces chocs. C'est d'abord comme un roulement de tremblement de terre très lointain, puis le bruit se rapproche et éclate en même temps sur différents points.
Les échos du grand désert neigeux, jusque-là silencieux, répètent ce mugissement en fracas de tonnerre… ; les géants de la nature se préparent au combat. Partout la glace craque, se brise et s'empile en toross, et soudain vous vous trouvez au milieu de cette lutte effroyable. Tout grince et mugit, la glace frémit sous vos pas…, de tous côtés d'effroyables convulsions.
À travers une demi-obscurité, vous voyez les blocs monter en hautes crêtes et approcher en vagues menaçantes. Dans les collisions, des quartiers épais de 4 à 5 mètres sont projetés en l'air, montent les uns au-dessus des autres ou tombent pulvérisés… Maintenant, de tous côtés vous êtes enveloppé par des masses de glace mouvante prêtes à débouler sur vous. Pour échapper à leur étreinte mortelle, vous vous disposez à fuir, mais juste devant vous le glace cède ; un trou noir s'ouvre béant et l'eau affluant par l'ouverture s'épanche à flots. Voulez-vous vous sauver dans une autre direction ? À travers l'obscurité, vous distinguez une nouvelles crête de blocs en marche sur vous. Vous cherchez un autre passage, toute issue est fermée. Un fracas de tonnerre roule sans discontinuer, pareil au grondement de quelque puissante cascade traversée par le fracas d'une canonnade. Ce mugissement formidable approche de plus en plus ; le floe sur lequel vous vous êtes réfugié, serré et heurté comme à coups de bélier, s'effrite, l'eau afflue de tous côtés. Pour vous sauver vous n'avez d'autres ressources que d'escalader une de ces arêtes de glaces mouvantes afin d'atteindre une autre région de la banquise… Maintenant, peu à peu, le calme se fait, le bruit diminue et lentement s'éteint dans un grand silence de mort.
Les mois succèdent aux mois, les années aux années, jamais cette lutte effroyable ne prend fin. Partout la banquise est découpée de crevasses et hérissée d'arêtes produites par ces bouleversements. Si, d'un seul coup d'œil, on pouvait embrasser l'immensité de ce désert blanc, il apparaîtrait quadrillé par un réseau de crêtes (toross). […] À première vue, ces crêtes semblaient affecter le plus complet désordre, un examen plus attentif de la banquise montrait cependant leur tendance à prendre certaines directions, notamment une orientation perpendiculaire à la ligne des pressions qui leur avaient donné naissance. Les explorateurs ont souvent évalué à 18 mètres la hauteur des toross et des hummocks. Ces chiffres sont exagérés. Pendant notre dérive et notre voyage à travers la banquise de l'extrême nord, l'hummock le plus élevé que j'aie vu ne dépassait pas, à vue d'œil, 10 mètres. — Je n'avais malheureusement pas les moyens de le mesurer. Les hummocks les plus saillants dont j'ai déterminé les dimensions atteignaient une hauteur de 6 m à 7,50 m ; ceux-là étaient nombreux. Les entassements de glace de mer ayant une hauteur de 8,50 m sont très rares.

Chapitre 2 : Le premier hivernage.
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Nous voici exposés en plein à ces terribles pressions auxquelles les prophètes de mauvais augure ont prédit que nous succomberions. Autour du navire la glace se presse, s'entasse et s'amoncelle en monticules menaçants. De hautes murailles de blocs se dressent jusqu'au-dessus des bastingages, enserrant le Fram comme pour l'embrasser dans une suprême étreinte. […]
La nuit dernière, le floe sur lequel les chiens sont installés a reçu un violent assaut. Les glaçons, après avoir été soulevés, ont ensuite dégringolé sur sa surface, […]. Finalement, attaqué et pressé de tous côtés, le floe s'est fendu en deux. Ce matin, éclairée par un soleil brillant, cette scène de destruction laisse une impression de navrante tristesse. Le Fram se trouvait à la limite de l'effort de glace.

Chapitre 2 : Le premier hivernage.
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Aujourd'hui encore de nouvelles pressions. Cela commence par un léger craquement et par un gémissement sur les flancs du navire. Le bruit augmente ensuite graduellement en passant par toute la gamme ; successivement c'est une plainte d'un ton très élevé, puis un grognement suivi d'un grondement. Le tapage redouble ; on dirait le fracas produit par le jeu simultané des tous les tuyaux d'un orgue. Le navire tremble et tressaute, soulevé tantôt doucement, tantôt par saccades. Certains de la résistance du Fram, nous éprouvons une sensation agréable à regarder cette scène terrible. Tout autre bâtiment aurait été broyé depuis longtemps. Contre les murailles du navire les glaçons s'écrasent, puis s'enfoncent pour s'entasser sous sa coque invulnérable en un lit cristallin. Aussitôt que la rumeur des glaces en travail s'affaiblit, le Fram reprend sa position première… Maintenant l'assaut est terminé, la plaine blanche redevient silencieuse, hérissée de quelques nouveaux amoncellements de glaçons, seuls vestiges de la lutte. Vers le soir, la banquise se détend et le Fram se trouve de nouveau dans un large bassin d'eau libre.

Chapitre 2 : Le premier hivernage.
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Mais, bon Dieu, quelle brume ! Une ouate impénétrable. Les fameux brouillards de Londres ne sont rien en comparaison de ceux de l'Arctique. De l'arrière du navire, on ne distingue pas l'avant. […] Toujours la même brume épaisse, gluante et froide. À la barre, je suis littéralement transi.

Roald Amundsen, DE L'ATLANTIQUE AU PACIFIQUE : chapitre 1.
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Combien exagérées sont les craintes qu'inspirent les basses températures arctiques ! Certainement il ne fait pas chaud par - 40°C et - 42°C ; mais un tel froid ne cause aucune souffrance. Hier, dans une promenade à ski, j'étais vêtu d'une chemise ordinaire et de deux blouses en peau ; aux jambes, caleçon, pantalon, jambières en drap, et je suais à grosses gouttes.
Aujourd'hui, pour la promenade en traîneau, je porte une chemise en flanelle, un gilet, un jersey en laine, une veste en vadmel et une blouse en peau de phoque. Avec cet accoutrement, la température me semble très agréable ; comme hier, je transpire à plusieurs reprises. Sur la figure, je porte un masque de flanelle, mais cet appareil me tient beaucoup trop chaud ; je ne le mets que lorsqu'une brise très fraîche me souffle dans le nez. […]
À midi, grand émoi ! Après une absence de cent douze jours, le soleil, ou du moins son image réfractée, apparaît à l'horizon. Un long trait de feu brille d'abord, puis deux autres superposés et séparés par un intervalle sombre. Du haut de la mâture j'aperçois quatre, puis cinq raies horizontales, toutes d'égale longueur. L'ensemble forme un soleil rectangulaire, d'un rouge pâle, traversé de bandes horizontales sombres. À midi, d'après une observation, l'astre se trouvait encore à 2° 22' au-dessous de l'horizon. Le 20 février seulement, le soleil devait se trouver au-dessus de l'horizon. Cet événement fut, bien entendu, l'occasion d'une fête.

Chapitre 2 : Le premier hivernage.
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À différentes reprises, les rayons de l'aurore boréale me semblent prendre une orientation parallèle à la direction du vent. Dans la matinée du 23 [novembre], ce phénomène se montrant dans le sud-est, j'annonce à mes compagnons que la brise qui, en ce moment, souffle du nord-est, descendra au sud-est ; quelques heures plus tard cette prédiction se réalise. […]
Dans l'après-midi, magnifique aurore boréale ; de l'est à l'ouest, le ciel est illuminé par une arcade flamboyante. Un peu plus tard, le temps devient couvert ; une seule étoile est visible, l'étoile du foyer. Comme je l'aime, ce petit point lumineux ! Chaque fois que je monte sur le pont, je la cherche, cette étoile, et toujours elle est là, brillante dans son impassibilité radieuse. Elle me semble notre protectrice.
8 décembre. — De 7 à 8 heures du matin, encore une pression. L'après-midi je dessinais dans le carré, lorsque subitement un choc violent, suivi d'un craquement formidable, se fait entendre juste au-dessus de ma tête, comme si de gros blocs de glace tombaient de la mâture sur le pont. En un clin d'œil, tous les hommes sont debout ; les paresseux qui faisaient la sieste à ce moment passent en hâte un vêtement et accourent dans le carré. Kvik, effrayé par la violence de la détonation, a même quitté ses quartiers d'hiver. Qu'est-ce qui a pu se passer ? Impossible de découvrir la cause de ce fracas épouvantable. La glace est en mouvement et paraît en train de s'écarter du navire. Ce bruit a été probablement causé par une pression inopinée qui a déterminé le décollement de la glace sur toute la longueur du bâtiment. On n'entend aucun craquement dans les œuvres du navire ; le Fram n'a donc pas éprouvé d'avarie. Dehors, il fait très froid, le mieux est de rentrer.
À six heures du soir, nouvelle pression d'une durée de vingt minutes. La banquise grince et détone à l'arrière ; dans le carré, le bruit est tel que toute conversation devient impossible à moins de hurler à tue-tête.

Chapitre 2 : Le premier hivernage.
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À perte de vue s'étendait la toundra. Combien différent était l'aspect de ce désert de l'idée que l'on s'en fait généralement. Loin de présenter l'image d'une affreuse désolation, la vaste plaine était partout couverte d'une nappe de verdure foncée, parsemée de fleurs d'une rare beauté. Pendant tout le long hiver de Sibérie, ces immenses solitudes dorment enfouies sous une épaisse couche de neige ; mais, dès que le soleil brille, la nappe blanche disparaît, découvrant de merveilleux tapis de frêles et délicates fleurs. En face de cette verdure, lorsqu'un beau ciel bleu et transparent rayonne au-dessus de vous, on en vient presque à douter de la position septentrionale du pays. Les toundras sont les séjours des Samoyèdes. Au milieu de ces déserts sans fin ils mènent une libre vie errante, dressant leur tente où il leur plaît, puis repartant plus loin quand bon leur semble. Point de soucis, point de tracas ; dans ces solitudes, l'existence s'écoule douce et facile, toujours pareille, et j'en viens presque à envier la vie de ces simples.

Chapitre 1.
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À plusieurs reprises, les blocs empilés sur bâbord menacent de culbuter sur le pont par-dessus le bastingage. Cette glace, peu épaisse, ne peut causer grand dommage, mais sa force d'impulsion est énorme. Sans une minute d'arrêt, elle arrive en vagues qui, de prime abord, apparaissent irrésistibles, puis lentement, mais sûrement, elle vient mourrir contre la solide coque du Fram.
[…] Entre quatre et cinq heures du matin, une violente pression a soulevé légèrement le Fram. L'assaut des glaces semble devoir se renouveler. Demain, en effet, nous aurons une marée de pleine lune. Dans la matinée, la banquise s'ouvre tout contre le navire, puis se referme. Vers onze heures du matin, une attaque assez forte se produit ; après cela un temps d'arrêt, puis, nouvelles pressions dans l'après-midi, particulièrement violentes entre quatre heures et quatre heures et demie.
25 octobre. — La nuit dernière, la banquise a éprouvé une convulsion. Réveillé en sursaut, j'ai senti le Fram soulevé, secoué et remué en tous sens ; en même temps, j'ai entendu la glace s'écraser contre la coque. Après avoir écouté un instant, je me suis rendormi, en pensant qu'il faisait bon être à bord du Fram. Ce serait véritablement terrible d'être à bord du Fram. Ce serait véritablement terrible d'être obligé de fuir avec tous nos bagages sur le dos.

Chapitre 2 : Le premier hivernage.
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