« La guerre vient ! Elle est à nos portes ! » C'est par ce cri que Gaston Fessard introduit en 1936 son premier livre : « Pax Nostra ». Examen de conscience international. À tous ceux qui pressentaient le conflit et qui éprouvaient en eux-mêmes la lutte entre nationalisme et pacifisme, Fessard proposait une méthode de discernement de l'actualité historique. Éclairée par une lecture de l'histoire à la lumière du mystère du Christ, « notre paix », cette méthode fournit sept étapes de réflexion pour passer de la division à la paix. le philosophe Gabriel Marcel put, en ce sens, écrire : « C'est un livre qui changerait quelque chose dans le monde si on le comprenait. »
Quatre-vingt-six ans après, l'ouvrage n'a pas pris une ride. L'humanité se trouve de nouveau déchirée par des inimitiés qui menacent la totalité des personnes et des peuples. La division de l'ordre international s'accompagne encore d'une scission des consciences et des communautés. Longtemps reportée, la réédition de « Pax Nostra » éclaire nos épreuves de force. Elle relève d'un témoignage rendu à l'espérance et proposé aux hommes de bonne volonté.
Le père Gaston Fessard (1897-1978), jésuite, est un des plus grands philosophes et théologiens du XXe siècle. Adversaire du nazisme, il ne témoigna pas moins de lucidité et de courage vis-à-vis des menaces totalitaires du communisme. Il est l'auteur d'ouvrages fondamentaux comme Autorité et Bien commun (1944), La Dialectique des Exercices spirituels de saint Ignace (1956, 1966, 1984), le Mystère de la Société (1946-1948, 1960, 1996). Par des écrits de circonstance comme La main tendue, le dialogue catholique-communiste est-il possible ? (1937) et France, prends garde de perdre ton âme (1941), il a été en un sens le « directeur de conscience » des Français.
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On est toujours libre de ne rien comprendre à rien.
Une nuit à Lyon, il y a bien des années, à un moment très douloureux de ma vie, une pensée s'est imposée à moi brusquement:
"S'abstenir de prier, c'est refuser de se laisser aimer"
Cette pensée m'a pris par surprise, moi à qui la prière a toujours été particulièrement difficile. Tout s'est passé comme si elle venait d'ailleurs, d'en haut, comme si j'avais à en scruter le sens.
Il est clair que cette pensée serait sans signification si, comme on le croit trop souvent, la prière était avant tout une demande. Mais comment peut-on nier qu'elle peut être aussi et plus essentiellement action de grâce, c'est à dire élan vers ; et ne peut-on pas comprendre que c'est à travers cet élan, à la faveur de cet élan, que Dieu peut nous devenir présent et que, si nous restons enfermés en nous-mêmes, si nous nous abandonnons au sentiment d'une solitude irrémédiable, c'est comme si nous ne permettions pas à Dieu de se donner à nous dans l'acte même par lequel nous nous élevons vers lui.
Le courage est la vertu sans laquelle la personne se nie elle-même.
Il consiste avant tout à regarder la vérité en face, il s'oppose à la tricherie sous toutes ses formes.
on ne peut rien les uns pour les autres. On est seul.
Le don est un appel auquel il s'agit de répondre ; c'est comme s'il faisait lever en nous une moisson de possibles, parmi lesquels nous aurions à choisir ceux qui s'accordent le mieux avec la sollicitation qui nous a été adressée du dedans, et qui n'est au fond qu'une médiation entre nous-même et nous-même.
La fidélité est le contraire d'un conformisme inerte ; elle est la reconnaissance active d'une certaine présence, ou encore de quelque chose qui peut et doit être maintenu en nous et devant nous comme une présence, mais qui, ipso facto, peut aussi bien être méconnu, oublié, oblitéré ; et nous voyons ici apparaître cette ombre de la trahison, qui, selon moi, enveloppe tout notre monde humain comme une nuée sinistre.
Il est tout à fait certain que le propre de l'admiration est de nous arracher d'abord à nous-mêmes, à la pensée de nous-mêmes ; elle est l'active négation d'une certaine inertie intérieure ; [...] les idées d'admiration et de révélation sont, en réalité, corrélatives.
L’avoir existe déjà au sens le plus profond dans le désir ou dans la convoitise. Désirer c’est en quelque manière avoir en n’ayant pas ; cet par là s’explique l’espèce de souffrance brûlure essentielle au désir, et qu est au fond l’expression d’une sorte de contradiction, de frottement à l’intérieur d’une situation intenable. La symétrie est d’ailleurs absolue entre la convoitise et l’angoisse que j’ »prouve à l’idée que je vais perdre ce que j’ai, ce que je croyais avoir, ce que déjà je n’ai plus. Mais ‘il en est ainsi, il semble bien,… que l’avoir soit en quelque façon fonction du temps.
Je serais enclin à dénier la qualité proprement philosophique de toute oeuvre où ne se laisse pas discerner ce que j'appellerais la morsure du réel.
Toute confusion entre le mystère et l’inconnaissable doit être soigneusement évitée : l’inconnaissable n’est qu’une limite du problématique qui ne peut actualisée sans contradiction. La reconnaissance du mystère est au contraire un acte essentiellement positif de l’esprit, l’acte positif par excellence.