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Citation de enkidu_


Ce qu’Alain Daniélou ne pardonne pas à la tradition vétérotestamentaire, c’est précisément son arrogant anthropocentrisme. Combien de fois ses amis l’ont-ils entendu railler cette prétention de l’Ancien Testament à faire de l’homme le centre de la création, à octroyer à l’homme le droit de régenter la Terre, d’assujettir les animaux, de conquérir le cosmos. Cet anthropomorphisme-là, agressif, totalitaire, irrespectueux de la nature et des dieux, n’a rien à voir, c’est l’évidence, avec le culte du phallus, allégorie vivifiante de la félicité.

Les panthéons hindou et gréco-romain sont de vastes temples où cohabitent des divinités diaprées, contradictoires ; ce sont ces fécondes, chatoyantes contrariétés (au sens que les écrivains du dix-septième siècle français donnent à ce mot) qui font de ces religions dites païennes des lieux de liberté et d’amour, voire, pourquoi pas, d’humour, de « fantaisie », pour reprendre l’expression même de Daniélou.

C’était, dans nos tête-à-tête, un de nos sujets de prédilection : Alain gardant un très mauvais souvenir du catholicisme romain de son enfance et parlant toujours du monothéisme avec une extrême sévérité, moi, fils turbulent, « sulfureux », mais affectionné, de l’Église orthodoxe, plaidant (à tort ou à raison) pour une certaine vision polythéiste du christianisme. À mes yeux, en effet, le mystère trinitaire où, selon l’expression de Jean Chrysostome, le Père, le Fils et le Saint-Esprit forment « un tourbillon d’amour », le culte de la Vierge aux multiples visages, celui des innombrables saints d’Orient et d’Occident, confèrent à la religion du Christ ressuscité une agréable pluralité où des sensibilités fort diverses peuvent puiser leur nourriture ; une religion du Christ qui, dès sa création, a multiplié les emprunts au paganisme. Je n’insisterai pas sur ces emprunts, connus de tous, je me bornerai à rappeler que nous fêtons Noël le jour du Natalis Invicti, que la saison de Pâques est celle des rites printaniers de la Magna Mater, et que lorsque les fidèles de l’Église orthodoxe, après avoir communié au corps et au sang du Christ, chantent : « Nous avons vu la vraie lumière, nous avons reçu l’Esprit céleste »,ils sont les héritiers directs des païens qui, après les agapes de la liturgie phrygienne, chantaient : « J’ai mangé dans le tambourin, j’ai bu dans la cymbale, je suis devenu myste d’Attis. »
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