Gabriella Coleman

La quête de la célébrité est omniprésente dans l’Amérique d’aujourd’hui, des médias de masse qui confient leurs bulletins de nouvelles à des stars d’Hollywood aux micromédias en ligne, propices à un déferlement de narcissisme et d’autoglorification, en passant des universités, où des professeurs vedettes réclament des salaires considérables, aux stades, où les sportifs touchent des revenus obscènes.

Chez les Autochtones d’Amérique du Nord, le Corbeau provoque le changement par sa propre volonté ou par accident, et le Coyote est une bête égoïste prête à duper tout être humain ou animal pour satisfaire ses appétits.

Quiconque a déjà partagé une blague par courriel connaît bien la signification de lol ou de mdr. Le lulz, lui, est plus sombre: il se manifeste le plus souvent aux dépens d’autrui, tend à donner des résultats imprévus et frise parfois les propos offensants ou haineux (voire franchit carrément les limites de la décence, comme en font foi, bien sûr, les blagues sur le viol). Indéniablement sulfureux, le lulz traduit avant tout l’euphorie de la transgression.

Aucun groupe ou individu ne dispose d’un droit de propriété sur le nom «Anonymous», et encore moins sur son iconographie. Naturellement, cela a aidé Anonymous à se répandre aux quatre coins du globe. Ce nom est devenu la marque antimarque par excellence. Se manifestant sous diverses formes, prenant différentes significations, il est aussi devenu le visage populaire de l’agitation en maints endroits du monde. «Anonymous» peut donc être utilisé librement par quiconque.

Au fil du temps, j’ai pu constater qu’Anonymous n’a rien d’un labyrinthe dont on pourrait saisir la configuration et la sortie en le regardant d’en haut. La réalité est beaucoup plus complexe. Ce labyrinthe n’a rien de celui, statique, que Dédale avait créé pour enfermer le Minotaure. Il s’agit plutôt d’une machine infinie qui actionne une boucle récursive serrée, où des labyrinthes engendrent des labyrinthes eux-mêmes générateurs de labyrinthes.

Quand un homme bochiman revient de la chasse, il ne doit pas rentrer chez lui en faisant le fanfaron: «J’en ai tué un gros dans le bois!» Il doit d’abord s’asseoir en silence jusqu’à ce que quelqu’un s’approche de son feu et lui demande: «Qu’as-tu vu aujourd’hui?» Il répond calmement: «Ah, je ne suis pas doué pour la chasse. Je n’ai rien vu du tout... Juste une toute petite bête.»

Nous sommes Anonymous.
Nous sommes l’incarnation de la liberté d’expression en colère.
Nous sommes le système immunitaire de la démocratie.
Nous ne pardonnons pas la censure.
Nous ne laissons pas tomber la liberté d’expression.
Attendez-vous à notre présence, toujours.

Le temps de la vérité est venu. Un temps où le peuple s’exprime librement et peut être entendu partout dans le monde. Le gouvernement tunisien veut contrôler le présent à l’aide de mensonges et de désinformation, son but est d’imposer l’avenir en dissimulant la vérité à ses citoyens. Nous ne resterons pas silencieux devant cette situation. Anonymous a entendu le cri de liberté des Tunisiens. Anonymous souhaite les aider dans leur combat contre l’oppression. Ce sera fait.

Enquêter sur Anonymous, c’était tenter de ne pas perdre le fil au travers d’un sentier sombre et tortueux, jonché de rumeurs, de mensonges et de secrets, sans oublier la sinistre présence d’espions et d’informateurs. Mon parcours n’a pas manqué d’émotions fortes et de culs-de-sac enrageants.

Au-delà de son combat fondateur pour le maintien de l’anonymat et la libre circulation de l’information, Anonymous ne défend ni philosophie ni programme politique cohérents. Bien que le collectif soit reconnu pour sa contestation dans l’univers numérique et ses actions directes, il n’a jamais affiché d’orientation claire. Parce qu’Anonymous trouve son origine dans l’univers parfois humoristique, souvent irrévérencieux et par moments très envahissant des trolls du web (dont la logique semble de prime abord peu propice au développement d’une culture militante et politique), il est frappant de constater que des activistes en viennent à s’en réclamer.