- Ce serait donc vrai, que vous vous êtes échappée de votre cage et avez pris votre envol?
- Oui, avoua-t-elle, gênée.
- Je me suis toujours demandé comment certaines femmes pouvaient vivre des années en prison ? Elles ne peuvent qu’y mourir.
- Il faut croire que j’avais envie de vivre, murmura-t-elle.
- Qu’avez-vous fait de votre première journée de liberté ?
- J’ai lu. J’ai lu, sans pouvoir m’arrêter !
(Page 110)
- Je crois… je crois que jusqu’à présent, on ne m’a rien appris, mais qu’au contraire, on a tout fait pour m’empêcher d’apprendre. Il est facile pour vous, Monsieur, de parler comme vous le faites. Vous avez appris tout ce que vous avez voulu, lu tout ce qui vous a tenté. Vous êtes sorti voir le monde sans que vos parents ne vous en empêchent. Mieux, on pousse les jeunes-hommes dehors. Vous ne devriez pas vous permettre de juger une personne qui, par le seul fait de son sexe, a été intellectuellement enfermée depuis sa naissance. (Page 24)
Quand j'ai su déchiffrer les mots pour la première fois, je me suis sentie rassasiée. J'aime l'odeur et le toucher du papier, j'aime l'odeur de l'encre et le son de la plume qui gratte une feuille. Vous voyez, quand on écrit, ce n'est que de l'encre sur du papier et pourtant, c'est bien plus que cela.Vous tracez des lignes et des courbes, et le fil noir que vous avez laissé sur la feuille est un monde nouveau qui prend vie. Tout devient possible.
- Ne jamais remettre au lendemain les erreurs que l’on peut commettre le jour-même !
- Ce n’est pas ce que m’ont enseigné les livres.
- Tu n’as pas les bons !
(Page 102)
Violette aurait aimé dire à Mme Doreloze qu’il lui semblait envisageable de pleurer en lisant un roman quand après, on revenait dans une réalité douce, baignée de lumière, de conversations charmantes et d’attentions. Quand on pouvait lever les yeux de son livre pour reposer son regard sur un jardin d’agrément, et non sur un utile potager. Violette ne tenait pas à ennuyer Mme Doreloze avec son idée qu’il est des personnes qui se doivent de garder un corps et un cœur solides pour résister et supporter bravement les devoirs et les conditions de leurs vies ; qui ne peuvent se permettre de verser des larmes de roman, au risque d’y épuiser leurs forces.
Recommandé aux lecteurs
Décembre 1899. Dans un mois, Louise va fêter ses quarante ans. Nous l’avions quittée alors qu’elle n’en avait que vingt. Que lui est-il advenu depuis toutes ces années ? Pourquoi reprendre le cours de sa vie en cette année 1900 ?
Louise s’était créé une famille, mais les liens forts qu’elle avait tissés ont-ils résisté au temps qui passe ? Un évènement terrible va la plonger de nouveau dans des aventures trépidantes autour du monde. Louise devra s’éloigner du domaine de Silverdale pour Paris et Londres. Saura-t-elle retrouver le chemin du bonheur dans ce vingtième siècle qui la prendra au dépourvu ?
Edward, Liam et Chevalier resteront-ils les seuls hommes de sa vie ? Erlina, Prudence et Jane sauront-elles les seules à pouvoir la soutenir dans les aventures qui l’attendent dans ce deuxième livre ?
Du passé ressurgiront les amis... et les fantômes. Mais l’avenir peut encore vous réserver des surprises, alors que vous avez déjà toute une vie derrière vous ? Louise saura-t-elle préserver son amour et son bonheur dans ce début de vingtième siècle ?
Toutes les réponses à ces questions sont dans le livre 2, L’usine, où l’on retrouve la poésie du XIXème siècle et la modernité du XXème.
J’aime l’odeur et le toucher du papier, j’aime l’odeur de l’encre et et le son de la plume qui gratte une feuille. Vous voyez, quand on écrit, ce n’est que de l’encre sur du papier et pourtant, c’est bien plus que cela.
Puis Elfie se pencha et regarda dans la lanterne, par la lentille de verre. La scène était bucolique ; une mignonne bergère du siècle précédent, en jupons courts, gambadait dans une prairie, entourée de deux ou trois moutons blancs et frisés. Arrivait un marquis emperruqué et poudré à l’ancienne, qui caressait la joue de la belle, lui troussait sa jupe puis, découvrant ses bijoux personnels, allait et venait en mouvements saccadés au rythme des images. Elfie sursauta et se recula vivement, les joues et les tempes écarlates. Autour, les hommes riaient sans pouvoir s’arrêter. Le sang d’Elfie lui remonta de nouveau aux tempes quand elle repensa à la phrase qu’elle avait prononcée avant de regarder dans la lanterne :
- Mais je croyais qu’on ne montrait que des petites morales pour les enfants, dans une lanterne magique ! s’expliqua-t-elle.
- C’est une morale, assura l’un des invités. Mais une morale pour adultes. Personnellement, je m’y emploie chaque jour !
- Comme toujours, dit le montreur de lanterne, en déclenchant de nouveaux rires, ce sont ceux qui en font le moins, qui en parlent le plus !
Angus posa son bras sur le bras nu d’Elfie :
- Au contraire, mademoiselle en parle peu, elle.
- Oui, j’en parle vraiment très peu, s’exclama-t-elle, confuse, se rendant compte de ce qu’elle sous-entendait en disant cela, mais trop tard.
- Quelle chance vous avez, King ! s’exclama le montreur de lanterne.
Balzac produisait beaucoup, grâce à sa volonté surhumaine servie par un tempérament d’athlète et une réclusion de moine. Pendant deux ou trois mois de suite, lorsqu’il avait quelque œuvre importante en train, il travaillait seize ou dix-huit heures sur vingt-quatre (…). Il disparaissait alors complètement, ses amis perdaient sa trace. (…)
Quelquefois, le matin, il nous arrivait haletant, épuisé, étourdi par l’air frais, comme Vulcain s’échappant de sa forge, et il tombait sur un divan ; sa longue veille l’avait affamé et il pilait des sardines avec du beurre en faisant une espèce de pommade qui lui rappelait les rillettes de Tours, et qu’il étendait sur du pain. C’était son mets favori ; il n’avait pas plutôt mangé qu’il s’endormait, en nous priant de le réveiller au bout d’une heure. Sans tenir compte de la consigne, nous respections ce sommeil si bien gagné, et nous faisions taire toutes les rumeurs du logis. Quand Balzac s’éveillait de lui-même, et qu’il voyait le crépuscule du soir répandre ses teintes grises dans le ciel, il bondissait et nous accablait d’injures, nous appelant traître, voleur, assassin : nous lui faisions perdre dix mille francs, car étant éveillé il aurait pu avoir l’idée d’un roman qui lui aurait rapporté cette somme. (…) Mais nous nous consolions aisément en voyant ses belles couleurs tourangelles reparues sur ses joues reposées.
Toute cette conversation pour rien. Ses espoirs s’envolaient. Où trouver Georges ? Les questions se bousculaient à toute vitesse.
- Je dois partir, annonça-t-elle, vivement.
M. Meyer s’était levé aussi. Sans demander la permission à Louise, il prit ses mains dans les siennes, les caressa et lui dit doucement à l’oreille, sa voix sonnant comme une petite musique :
- Louise, jolie Louise, dites-moi ce qui se passe. Je ne vous laisserai pas partir dans cet état-là.
La jeune fille sentit sa poitrine mollement écrasée sur le torse de M. Meyer. Il l’entourait fermement de ses bras, plus fermement que ne l’autorisait l’étiquette, pensait-elle, bien qu’elle n’eût qu’une très vague idée de ce que pouvait être l’étiquette. Il reprit :
- Là, là. Nous allons nous rasseoir. Je vous ai raconté tout ce que je sais, maintenant c’est votre tour, je vous écoute.
Louise se rassit, docilement. Qu’il était facile de se laisser guider, pour une fois. Karl Meyer insista de sa voix musicale :
- N’avez-vous donc plus de nouvelles de votre frère, mademoiselle ? Depuis quand ?
- Depuis toujours en fait. Georges n’a jamais voulu de moi pour sœur.
Louise mit promptement sa main devant sa bouche, mais il était trop tard, elle s’était confiée à cet homme qu’elle venait juste de rencontrer, un étranger.