À l'occasion de la 33ème édition du festival "Étonnants Voyageurs" à Saint-Malo, Gabrielle Filteau-Chiba vous présente son ouvrage "Bivouac" aux éditions Stock.
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Note de musique : © mollat
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Le grand-duc m'accompagne de son houhou feutré. Je lève la tête et le cherche du regard. Il est là, perché dans le tremble mort au bord de l'eau. Au bord de la glace, plutôt. La nuit ne tarde pas à plonger la forêt dans le noir ébène. La flamme d'une chandelle oubliée se noie dans la cire sur la table de chevet. Je fais l'ange dans une couette de neige si douillette que je pourrais m'y endormir. Une belle mort dans la grande noirceur.
J'ai entendu le récit d'un journaliste qui décrivait l'adaptation du comportement des animaux en prenant l'exemple des éléphants. En République démocratique du Congo, ils auraient appris à éviter les chasseurs d'ivoire et à se rapprocher des gardes forestiers. Et dans la réserve nationale de Shaba, au Kenya, des pachydermes ont gagné la zone protégée et n'en franchissent plus les lignes, malgré l'absence de clôtures. Pourtant, rien ne marque visuellement la frontière de la réserve- les éléphants sentent que là, ils sont saufs, qu'on ne leur tirera pas dessus.Ils ont l'intelligence et la sensibilité nécessaires pour différencier les intentions des hommes, départager alliés et ennemis, et gagner d'instinct les espaces prévus pour leur survie.
( p.160)
Tu sais que tu souffres de solitude quand tu souhaites bonne nuit à un chien qui dort déjà et que tu souris à ta poêle en fonte.
Anouk avale les paysages, s'approprie à pleins poumons l'air mélèźé, tend l'oreille aux oiseaux, les yeux fermés. Sa communion avec le bois est sensorielle, sensuelle.J'aime la regarder être. J'aime l'idée qu'elle aiguisera mes sens par sa seule présence. Autant sa révolte dans son journal intime était contagieuse, autant elle m'insuffle la paix en m'accompagnant, émerveillée, comme elle l'est.
( p.218)
Une couverture de laine t'attend, bien pliée, au pied de mon matelas.Je te promets une chose : jamais tu ne connaîtras les chaînes. Et je te traînerai partout, te montrerai tout ce que je sais du bois. (...)
Elle se faufile jusqu'à mes genoux, ma petite chienne trop fluette pour tirer des traîneaux. (...)
Dire que les mushers du chenil allaient t'abattre...
Dire que tu ne verras plus jamais ta mère. Comment te faire comprendre, mon orpheline, que nous serons l'une pour l'autre des bouées, qu'accrochées l'une à l'autre nous pourrons mieux affronter les armoires à glace qui ne chassent que pour le plaisir de dominer, de détruire ?
Ils ont salué le saint-père, mais rien dit en
mémoire de grand-maman. Je bouillais en dedans.
— Si dieu existe, c’est une femme émancipée, libre et fertile,
croyez-moi.
Mes frères et soeurs m’ont regardée comme si j’étais une sorcière,
le blasphème incarné. Et en silence, picossant dans mon assiette, je
m’imaginais à quoi pouvait bien ressembler dame Nature.
Probablement à Artémis, la déesse grecque de la chasse, ou à la
sumérienne Inanna. Ailées, munies de serres, elles domptent les
fauves et protègent les cerfs, la veuve et l’orphelin.
Venger les coyotes, les lynx, les ours, les martres, les ratons, les visons, les renards, les rats musqués, les pécans; venger les femmes battues ou violées qui ont trop peur pour sortir au grand jour. Moi, je ne veux pas vivre dans la peur. Et ça ne peut plus durer, ce manège, l’intimidation des victimes. Marco Grondin, c’est comme un prédateur détraqué qui tue pour le plaisir. Ça ne se guérit pas, ça. On n'aura pas la paix tant qu'il sévit, ni nous ni les animaux.
— Deux torts ne font pas un droit, murmure Anouk, qui triture l’ourlet de son chandail en hochant la tête.
— Vrai. Mais c’est ça pareil — y a un prédateur fou dans notre forêt. Alors on fait quoi? p. 243
Par centaines, les glaçons qui pendent au-delà des fenêtres sont autant de barreaux à ma cellule,mais j'ai choisi la vie du temps jadis,la simplicité volontaire. (..)
Maman, J'ai brûlé mon soutien-gorge et ses cerceaux de torture. Jamais je ne me suis sentie aussi libre.Je sais qu'avec mon baccalauréat de féministe et tous mes voyages, ce n'est pas là que t'espérais que j'atterrisse.(p.15 / Le Mot et le reste,2021)
P 358 : J'ai été élevée pour être productive, pour servir le système, pour consommer ce qui fait tourner la grande roue capitaliste.
P 377 : Nous somme pauvres, mais nous sommes riches, parce que la forêt se renouvelle , est généreuse, nous tend ses fruits.
Je me détends, rêvasse quelques instants à un pays utopique, un Québec libre où l'on pourrait faire les choses autrement- la fourrure resterait sur le dos des animaux.Sur les neiges miroiteraient le roux du renard, le noir du vison, l'indescriptible gris- rouille du coyote.J'espère au plus creux de moi-même qu'un jour, l'humain n'ait plus besoin de détruire la vie pour assurer la sienne, ni de se procurer la peau des autres pour se remplir les poches, ni de dominer quiconque pour se sentir fort. Et ce souhait s'applique aussi à moi.
( p.271)