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Critiques de Gabrielle Wittkop-Ménardeau (67)
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Le Nécrophile

Je trouve l'oeuvre absolument subversive

Les mots sont orchestrés avec maestria,

Mais relatent des scènes nauséabondes

Où les descriptions sordides abondent

Et rendent le sujet hautement abject.

Sa lecture me rend presque suspecte.



Une certaine forme de poésie tutoie les ténèbres

Mais c'est une grave pathologie qu'elle célèbre.



Je m'interroge : la motivation de l'auteure ?

Conter ces noces d'outre-tombe, d'horreur,

Comme un hommage rendu, avec douceur.

Sa plume reste légère pour tracer le crime,

Ces femmes, ces enfants même, qu'il abime,

L'homme qui viole, et la mémoire, et la mort,

Se délecte de l'outrage sans aucun remords.



Éros et Thanatos l'ont envouté, et son journal

Mot après mot, sans aucune notion de morale,

Retrace tous les actes de ses cérémonies putrides,

Où la jouissance ne lui semble même pas turpide.



Drôle de littérature, mais de nos jours, dans quel ordre les tueurs en série violeurs commettent-ils leurs crimes ?



Tout ce que ce livre m'inspire est de rester vivante le plus longtemps possible !

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Grand Guignol

Tout le monde je pense-j 'espère- connait le terme : "Grandguignolesque".

Cet adjectif un peu péjoratif, désigne une oeuvre à la violence sanguinolente, démonstrative et un peu ridicule.



Mais que savons nous du Grand Guignol qui a inspiré ce mot ?

François Rivière voulait en savoir plus et comme il ne trouvait pas d'ouvrage sur ce thème, il en a écrit un..



Le Grand Guignol (ou "Théâtre du Grand Guignol"), était une petite salle située rue Chaptal dans le 9 ème arrondissement de Paris, il fut ouvert de 1897 à 1963.



Sa spécificité fut qu'on y présentait des pièces criminelles et d'épouvante, on y joua Poe, Maupassant, Mirbeau, et des auteurs écrivant spécialement pour y faire jouer des pièces, comme Jean Lorrain et surtout André de Lorde.



L'âge d'or du Grand Guignol fut le début du siècle dernier, c'est alors qu'il gagna sa réputation. Après la seconde guerre mondiale et l'occupation, des enthousiastes, dont Robert Hossein et Frédéric Dard, tentèrent de ranimer la flamme avec des pièces policières, mais la belle époque était bien terminée et le cinéma avait détrôné le théâtre d'épouvante.



Ce livre, comporte dix chapitres, dont quatre écrits par Gabrielle Wittkop, la sulfureuse auteure du "Nécrophile" et de "La marchande d'enfants".



Les textes sont d'une grande qualité et vont au-delà de la simple histoire d'un lieu ou d'un genre avec des analyses poussées des motivations des auteurs et du public pour ces genres particuliers de spectacles.



Une bonne iconographie en N&B complète le livre.
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La Mort de C.

La mort de C.

A Bombay, au St George Hospital, C. un anglais meurt des suites d'une blessure reçue lors d'une agression…



Le puritain passionné.

Denis, élevé dans la rigueur puritaine, une fois adulte se prend de passion pour les tigres, tout en gardant un souvenir trouble de sa cousine Blanche…



Il m'est difficile de résumer plus en détail, les deux longues nouvelles (ou disons plutôt une longue nouvelle et un court roman) réunis dans ce volume.

Il faut dire que l'écriture de Gabrielle Wittkop (née Ménardeau) est très particulière.



Héritière revendiquée de Poe, Bataille et De Sade, elle maniait superbement une prose aussi riche que trouble et vénéneuse. Auteure de l'interdit, du blasphème et de la sensualité-au sens le plus large du terme, c'est à dire de tout ce qui peut être du domaine des cinq sens- Wittkop a laissé des oeuvres exigeantes dont les thématiques souvent dérangeantes et transgressives sont servies par une plume élégante qui parvient à magnifier le putride.
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Litanies pour une amante funèbre

"Aux chauves-souris". Obscure dédicace à cet animal insolite qui relève de ce que Roger Caillois appelait le "fantastique naturel".

Difficile  de présenter une poésie des profondeurs et son ravissement morbide.

Ces" litanies macabres, ironiques et scandaleuses, dérangeantes aussi, sont "Dans le jet noir que vomissent les fontaines de la nuit", un hymne macabre à une Aphrodite de l'ombre.

 Elles échappent  à peu près à toute critique, toute formule bien pensante. Elles fleurissent sous terre mais dérobent le feu du ciel.

Délire, désir, hystérie surnaturels, l'aventure, est ici naturellement intérieure, une entreprise cérébrale, amoureuse et plastique, la mise en abîme de beautés exténuées, enfouies, comme "Celles dont l'œil refuse de se clore."



Les éléments sentimentaux qui donnent à ces poèmes presque cruels une lumière très particulière, sont d'origine parfaitement, merveilleusement humaine.

Toutes ces images au ravissement fantastique, sont  comme l'amour quand il n'échappe pas à la mélancolie, à cette floraison funèbre, presque insoutenable qui donne à ces poèmes pétris de délicatesse, de délicieux clairs-obscurs, un humour érotique sadien, une sensuelle mélancolie baudelairienne, un mystère insondable dont l'impureté serait l'obsession.

Chaque litanie est un comme un mantra, un cortège de morts imaginaires, évadé d'une poitrine inutile, d'un corps ravi à l'enchantement de la pourriture.

Un coeur ferme et mobile.

Un coeur cependant bien vivant avec sa machinerie compliquée et hors du temps.

Une  musique aux intonations décadentes, une mélodie dont la phrase s'écoule jusqu'au grave d'un violon, un cantilène aux accords lugubres et hypnotiques qui ravissent jusqu'au frémissement d'une chair glacée.



 "Morte guettée, ma future aux cheveux d'algues

Et ta chair enfin sera douce à mes doigts"



Un étrange procession d'ensanglantés serpentent, en silence, derrière la faucheuse du désespoir, agitant "dans les ténèbres de l'âme, sur l'infini clouté", son mouchoir de dentelle noire.



Vous ouvrez le recueil au crépuscule, et à l'aube il se referme, se fane, il ne vous  reste plus qu'une grève sans décor, plus nue qu'une chimère, qu'un cadavre baroque poli dans une statue de marbre, passion morbide vouée à la mort et pourtant si vibrante, un coeur évadé dans une poitrine inutile..



"Et la terre et la nuit

Et ta cendre et ma cendre

Dans le vent dispersées"

Abysses infinies, belles à en mourir, ces "Litanies pour une amante funèbre" s'écoutent avec un vent de liberté bruissant dans vos oreilles, soufflant son insolence contre vos tempes.

Gabrielle Wittkop nous offre sa poupée végétale "pour la tatouer de pourpre,

pour onduler ses cheveux, pour déflorer ses roses".

Un ailleurs trouble s'offre aux couleurs du néant.

"L'oeil s'effiloche, escalier tournant

Et dans le grondement des étoiles roulantes,

La tricéphale aboie aux abîmes du temps".



Merci au Vampire actif, pour ce bijou d'errance dédié à ces petits avatars littéraires condamnés à l'obscurité.



Anne Bolenne
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La marchande d'enfants

Entre 1790 et 1793, Marguerite échange des lettres avec son amie Louise.

Le sujet de ces échanges est des plus particuliers, car Marguerite est une mère maquerelle d'un genre spécial ; elle fournit à de riches amateurs des enfants, du nourrisson à l'adolescent.



Comme le titre l'indique, le roman épistolaire de Gabrielle Wittkop parle de la traite des enfants à l'époque de la révolution française, sujet plus que délicat, abordé frontalement par l'auteure qui ne cache rien et par conséquent ne nous épargne rien.



Comme vous l'aurez compris, ce livre ne s'adresse pas à tout le monde, il peut choquer et révulser le lecteur ou la lectrice.

Extrait :

Paris, janvier 1790



Je voulais vous écrire hier mais Monsieur et Madame Montiel m'ayant demandé des bébés pour jouer au chirurgien, j'ai dû aller en quérir autour de Saint Jean où ils ne manquent guère. J'en ai récolté trois, deux filles et un garçon, frais pondus, roses, prêts à être mis sur table. Satan seul sait ce qu'il leur arrivera En général on commence par les yeux.



Tout le livre n'est pas aussi atroce (heureusement) mais cet extrait vous donne une idée précise de ce qui vous risquez de lire...



Lecture courte (ouf !) "La marchande d'enfants", ouvre une porte infernale sur la dépravation dont est capable l'humain, et si la clientèle de Marguerite est fortunée, la plèbe n'est guère de meilleure composition qui va profiter du spectacle des exécutions pour forniquer au pied de l'échafaud ou contempler les cadavres à la morgue !



Peut-on conseiller la lecture de ce livre ô combien dérangeant ?

Et bien oui, car c'est un très bon roman épistolaire très bien écrit, mais vous êtes averti(e) ce livre est une fleur empoisonnée, une rose noire pleine d'épines qui vous griffent...
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Les héritages

Gabrielle Wittkop, née Ménardeau (1920/2002) fut une auteure parfois sulfureuse ; voir "Le nécrophile", "La marchande d'enfants", influencée par des écrivains tels que Sade, Lautréamont ou Edgar Poe.



A l'occasion du centenaire de sa naissance, les éditions Bourgois ont la bonne idée de publier en manière d'hommage ce roman inédit : "Les héritages".



Les héritages dont il est ici question sont ceux d'une villa : "Séléné", bâtie à la fin du dix-neuvième siècle, elle verra défiler après le suicide par pendaison de son premier propriétaire, une suite de locataires aux destinées tragicomiques, alors que le fantôme du pendu se manifestera de loin en loin, d'une manière inattendue que je ne vous révèle pas !



L'écriture de Gabrielle Wittkop est un vrai bonheur ! Soignée et élégante, fluide cependant,et quand le macabre ou le scabreux émergent cela n'est jamais gratuit ni vulgaire.



De la Littérature francophone comme je l'aime, je me suis d'ailleurs régalé en dévorant ce roman !



Livre reçu dans le cadre de Masse critique ; merci à Babelio et aux éditions Christian Bourgois.
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Le Nécrophile

Le nécrophile... déjà le titre indique l'univers macabre dans lequel on va être immergé.

La lecture de ce court roman m'a été assez dérangeante je dois l'avouer. En effet, l'auteur nous décrit les perversions sexuelles du narrateur, en allant parfois jusqu'à des détails écœurants sur des odeurs, des bruits ou sur ce que perçoit le personnage pendant ses actes.

Les premières pages nous livrent déjà un aperçu sur ce que sera la suite. Sauf que l'auteur décrit toujours des situations de plus en plus morbides...



Certains passages du livre sont marquants. Mais l'auteur ne décrit pas simplement des scènes macabres. Même si l'on découvre peu de choses sur le narrateur au fil de l'histoire, on parvient à saisir, à un certain degré, ce que recherche le narrateur à travers la nécrophilie.



C'est un personnage fasciné par la mort, habité par une immense tristesse de se livrer à des amours éphémères.



Je conseille la lecture de ce livre puisque je pense que l'on en garde forcément des souvenirs quel que soit le degré d'appréciation.



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Le Nécrophile

Il en prend soin de ses conquêtes d'un soir, souvent plusieurs, il les caresse, il a l'air plutôt tendre, et tente de les retenir longtemps s'il peut. Comme des trésors, c'est chaque fois des efforts et des risques pour passer du bon temps avec ses partenaires sexuel(le)s, hommes ou femmes, (très) jeunes ou plus âgés. Il aime les surprises aussi. A lire ces phrases, rien de bien original, si ce n'était que lesdites partenaires sont... mortes (!) et que notre héros va les déterrer. Un necrophile quoi ! Et ce roman c'est son journal intime. Le sujet est très (très) spécial - a ne pas mettre entre toutes les mains (il a fait scandale a sa sortie bien-sûr en 1972) - mais l'écriture délicate rend la lecture finalement, comment dire, doucereuse. L'autrice usant de son talent pour écrire avec des mots choisis des situations franchement immorales voire abjectes. C'est tabou sur tabou sur tabou. Découverte assez déconcertante mais pas choquante (sauf si vous avez l'âme sensible). Ca reste osé et pour le coup hors norme. Deux idées me viennent à la fin de cette lecture, aussi subversive que le texte : il doit être triste notre héros avec toutes ces incinérations, et, on ne pense pas à cette outrageuse pratique, je pense, lorsqu'on dit qu'on a une vie (sexuelle) après la mort... (Ok, je sors !).
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Le Nécrophile

Lucien est antiquaire à Paris, mais sa grande passion, ce n'est pas les vieux meubles, mais leurs anciens propriétaire. Car Lucien est nécrophile : à l'annonce d'un enterrement récent, il se rend dans le cimetière la nuit, déterre le corps pour l'amener chez lui, et passe ses nuits à ses côtés aussi longtemps que la nature le lui permet.



Dans le journal intime qu'il tient consciencieusement, il raconte la naissance de ses macabres penchants, la vie partagée avec ses « conquêtes », les rares rencontres avec ses pairs, et la certitude d'être tôt ou tard attrapé par les autorités.



Le nécrophile n'est pas un simple roman gore, qui se contenterait d'accumuler des horreurs jusqu'à saturation, et c'est justement ce qui le rend encore plus perturbant. Car Lucien n'est pas présenté comme un monstre immoral, mais comme un homme qui ne fait finalement de mal à personne et qui est victime de l'incompréhension du monde qui l'entoure. Il aime et respecte, à sa manière, les morts qu'il amène chez lui et pleure de chagrin quand il doit s'en séparer.



Au final, il provoque en nous à la fois de la répulsion et un profond dégoût, mais aussi de la sympathie et l'envie de le prendre par les épaules pour le consoler. Bel exploit de la part de l'auteure d'avoir réussi à mettre de la sensibilité dans l'horreur. Ce curieux mélange de sentiments contradictoires nous pousse à reprendre la lecture de ce livre, qui nous avait pourtant mené au bord de la nausée quelques minutes plus tôt.



À mettre uniquement dans les mains des amateurs de sensations fortes. Quel que soit le sentiment qui prédomine à la fin du récit, on ne pourra contester que l’œuvre est magistralement exécutée.
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Le Nécrophile

Née en 1920 à Nantes, Gabrielle Wittkop-Ménardeau s'est suicidée en 2002, choisissant, dit-elle, "de mourir comme j'ai vécu : en homme libre."



"Le Nécrophile", texte au demeurant fort bref, est la première de ses oeuvres que je lis. Ecrire qu'il s'agit là d'un texte dérangeant est faible, très, très faible. En gros, cela raconte, sous forme d'un journal, les "amours" d'un antiquaire nécrophile avec les cadavres qu'il va enlever aux cimetières. Tout lui est bon : hommes, femmes et même enfants. Le passage où il dépeint sa "rencontre" avec un nourrisson mort-né enseveli avec sa mère est indescriptible. Car, à la nécrophilie, s'ajoutent insidieusement la bisexualité (ce qui n'est pas un crime) et la pédophilie (qui l'est bel et bien). A ceci près que Lucien, le Nécrophile, est évidemment incapable de passer à l'acte avec un être vivant.



Attention : il n'y a ici nulle complaisance. C'est étonnant, même difficilement concevable et pourtant c'est ainsi. Lucien porte en lui très peu du personnage sadien (même si l'on songe bien entendu au "Divin Marquis" lorsqu'on lit ce roman) en ce sens que la violence lui est étrangère. Pas question pour lui d'agir comme le faisait le sergent Bertrand : il n'est que douceur et délicatesse et, lorsque les nécessités de la nature le contraignent à rendre ses amants et ses maîtresses à la Seine, il lui arrive de pleurer devant ce traitement, pour lui barbare, qu'il est bien obligé de leur infliger.



Nulle grossièreté, nulle vulgarité non plus dans le style, qui glisse et coule comme celui d'un Villiers de l'Isle-Adam ou d'un Edgar Poe. Simplement, comme elle est appartient au XXème siècle, Wittkop peut se permettre d'être plus explicite qu'ils ne l'étaient. Tout en effet est dépeint dans ses moindres détails. En dépit de ce tout et bien qu'il soit obligé de s'"accrocher" trois ou quatre fois, pris d'un début de nausée, le lecteur, fasciné et cherchant à comprendre, poursuit jusqu'au bout son étonnant chemin de misère où la notion de morale n'est pas même remplacée par celle de l'immoralité.



Pareille lecture n'est pas à recommander à n'importe qui. (A la fin du texte, si vous y parvenez, vous penserez peut-être ce que j'ai pensé - non sans soulagement : "Dieu merci ! maintenant, on incinère !" ...) Alors que, dans Sade, on se rend très vite compte que certaines choses sont impossibles, tout ici - sauf peut-être l'incroyable chance qui accompagne le nécrophile dans les cimetières parisiens - peut s'accomplir en toute logique. Avec cela, Wittkop ne juge pas : elle constate et tout laisse à penser - y compris la dédicace - qu'elle a connu une personne ressemblant comme un frère à son héros.



A noter que, dans l'édition Régine Desforges, le texte est suivi de "Nécropolis", un court essai sur la nécrophilie et ses "dérivés" comme le nécrosadisme, la nécrophagie, etc ... Tout cela très sobre et, je le répète, sans complaisance.

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Sérénissime assassinat

Challenge ABC 2013/2014

1/26



Les romans de Gabrielle Wittkop sont assez difficiles à se procurer et cela fait quelques temps déjà que je cherchais à mettre la main sur celui-ci. Je n'ai pas été déçue.



Venise au XVIIIème siècle.

Dès l'incipit, le ton est donné. Faisant de ses personnages des marionnettes dont elle agite elle-même les ficelles, Gabrielle Wittkop montre qu'elle mène la danse et fait de Venise la scène de son théâtre. La pièce qui s'y joue est sombre, funèbre puisqu'il s'agit de la mort successive par empoisonnement - mais en est-on certain ? - des quatre épouses d'Alvise Lanzi. Néanmoins, l'écriture est flamboyante, incroyablement colorée et suggestive. Baroque.

Par sa plume, l'auteure fait surgir une Venise décadente, grimaçante, déjà vérolée sous ses belles façades. Elle ne nous épargne aucune description macabre et c'est avec un humour tout autant glacé que jouissif qu'elle nous relate les empoisonnement successifs, la putréfaction en marche des corps.

L'intrigue "policière" passe finalement au second plan, supplantée par la peinture d'une Venise à l'ambiance carnavalesque et morbide, avec ses canaux pleins de brume, ces ombres fuyant dans la nuit (et qui correspond entièrement à l'image que je me faisais de la cité lorsque je jouais à "Intrigues à Venise").

Un vrai régal.
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Le Nécrophile

Un premier roman en édition française, celui de Gabrielle Wittkop, française d’origine et vivant avec son mari en Allemagne, qui, après avoir collaboré à différents journaux, arrêtera,entre autres, ses activités de traductrice pour se mettre à l’écriture.

Une éditrice, intéressée par de nouvelles plumes féminines dans le genre…érotique, et ouverte à l’exploration de TOUS les tabous de la sexualité humaine.

Ce roman les pulvérise dans un registre… spécial, en racontant, sous la forme d’un journal intime, les amours d’un jeune antiquaire pour… les cadavres, hommes, enfants compris. Pour lui :

« Fête des morts. Jour faste. Le cimetière Montparnasse était ce matin une admirable grisaille. L'immense foule endeuillée se pressait dans les allées, parmi des gloires de chrysanthèmes et l'air avait la saveur amère, enivrante de l'amour. Éros et Thanatos. »

Le texte dérange, déconcerte avec la description précise des actes.

Comment qualifier ce texte en un mot ?

Osé.

Un style ? Un Edgar Poe contemporain avec la liberté de ton de notre époque. Je n’ai pas d’autres références possibles en tête.

Le personnage cache, avec éloquence, une profonde tristesse dans la réalisation de ses…actes, dans cette descente aux enfers.

Un personnage imaginaire ? Il semblerait que le personnage soit inspiré d’une personne réelle que l’auteure connaissait.

A ne pas mettre dans toutes les mains.



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Les héritages

Relativement déçue par ce roman. J'aime beaucoup la ligne éditoriale des éditions Christian Bourgois, qui publient Lobo Antunes, Peter Stamm, Brautigan et tant d'autres.



Je ne connaissais par cet auteur. Certes, elle écrit bien, correctement, l'on va dire, mais cette histoire de maison qui, parce qu'un premier propriétaire, dépassé par le coût des travaux d'aménagement finit par se suicider, serait hantée, m'a laissée de marbre. C'est évidemment un truc d'écriture permettant à l'auteur de juxtaposer une foultitudes d'histoires différentes concernant les gens aussi divers que variés qui vont se succéder comme habitants de cette maison. Ah mais voilà peut-être un motif pour mon manque d'enthousiasme : je n'aime pas le genre de la nouvelle et ce "roman", s'apparente justement davantage à un recueil de nouvelles même s'il y a le fil conducteur de la maison.



Bref. Ceci ne doit pas vous décourager, ni surtout le côté "hanté" qui ne fait absolument pas peur. L'auteur s'est bien gardé de mettre le moindre élément d'épouvante. Aucun stress à avoir.



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Hemlock

Hemlock fait partie de ces livres dont on s'arrache avec difficulté, que l'on ne sait pas vraiment terminer tant son atmosphère, ses personnages vous imprègnent, vous accompagnent longtemps et vous subjuguent. Je n'en avais jamais entendu parler, ni de Gabrielle Wittkop, grave lacune. Une fois le roman dévoré (mais pas encore tout à fait digéré), je me suis plongée dans le long article que consacrait Liberation à son auteure qui aurait eu cent ans cette année, ce qui explique les rééditions de certaines de ses œuvres dont Hemlock qui n'étaient plus disponibles depuis trente ans. Quelle brillante idée ! Gabrielle Wittkop est aussi fascinante que ce roman, et le fil de sa vie irrémédiablement lié, entremêlé à sa production littéraire.



Hemlock est l'héroïne centrale de ce roman, dont les réflexions et les moments de vie s'insèrent entre les chapitres d'une histoire construite avec des récits gigognes qui se répondent, se complètent et reviennent tous à la question centrale qui préoccupe (devrais-je dire obsède ?) Hemlock : la mort. D'ailleurs, en anglais Hemlock signifie "cigüe". Le mari d'Hemlock, H. est atteint d'une maladie neurodégénérative, situation qu'elle supporte difficilement autant par l'amour qu'elle porte à H. que pour la façon dont cela entrave sa propre liberté. Elle voudrait qu'il meure et elle n'en supporte pas l'idée. Hemlock s'échappe parfois, voyage dans le monde entier et croise ainsi par-delà les siècles, à travers les endroits où elle séjourne, les destins d'autres femmes étroitement liés à la mort. Des empoisonneuses célèbres : Béatrice Cenci au 16ème siècle à Rome, la marquise de Brinvilliers au 17ème siècle à Paris et à Londres et Augusta Fulham à la fin du 19ème siècle et début du 20ème à Londres puis en Inde. Elles ont tué pour se libérer du joug paternel ou conjugal, elles ont empoisonné à petit feu, elles ont été condamnées et exécutées. Ce sont ces trois histoires qui s'enchaînent et s'emboîtent dans ce roman, ponctuées par les réflexions d'Hemlock ou ses échanges avec H., autour des destinées, de l'amour, de la liberté et de la mort.



"Je suis née dans une maison hantée, je suis moi-même pleine de fantômes".



Dans ce roman, Gabrielle Wittkop développe une monstrueuse puissance littéraire, autant par son univers que par la qualité de son écriture et l'intelligence de sa trame narrative. Trois lieux, trois époques et à chaque fois, le lecteur est totalement immergé dans un décor qui se referme sur lui par tous les sens ; les descriptions sont à couper le souffle, qu'il s'agisse des rues de Paris, des bords de la Tamise, des scènes de torture, des avortements, des accouchements ou des exécutions capitales.



"La ville sentait le gruau, la cendre, la marée et le suif des chandelles. C'était une odeur froide et lourde qui collait sur les choses, avec aussi des fadeurs de sang et la noire suavité des pourritures, une haleine transportée par la fumée du charbon et le gros brouillard jaune qui par la Tamise montait des marécages. Entre les carrosses, les chaises, les troupeaux, les charrois, la foule déversait son fleuve tumultueux dans le chenal des rues".



Le lecteur est embarqué, spectateur fasciné par les drames qui se déroulent sous ses yeux, par la chaîne du mal qui se tisse au fil des siècles, les destins qui semblent se répondre, s'entremêler, les passerelles sans cesse tendues par l'auteure par le truchement d'un tableau, d'un livre, d'un bijou ou d'une chambre. Et toujours, ce lancinant débat dans l'esprit d'Hemlock face à son amour désormais indissociable de la mort, de l’ambiguïté de ses sentiments, de la mémoire qui se délite en engloutissant les millions d'instants qui composent une vie commune. C'est fort, c'est puissant, c'est impressionnant.



Pour moi, Hemlock est un chef d’œuvre et je me sens bien chanceuse de l'avoir désormais dans ma bibliothèque.
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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Carnets d'Asie

«Mes carnets d’Asie ne sont rien que des notes personnelles, impressions griffonnées sur mes genoux, au bord d’une rizière ou dans un bus de fer-blanc, couvrant des pages et des pages barbouillées de sueur ou étoilées de pourpre par un moustique gorgé mais vaincu.»

Je ne suis pas d’accord avec ce que dit de ses carnets Gabrielle Wittkop.
Ces carnets sont bien éloignés du simple récit d’un écrivain voyageur reprenant quelques notes. Ils sont fourmillants d’anecdotes épinglées par un oeil auquel rien n’échappe, que ce soit le poétique aussi bien que le sordide, émaillés de retours historiques passionnants.


Gabrielle Wittkop ne peut pas non plus être prise en défaut sur la qualité de l’écriture. Elle a une plume acérée, élégante aussi et raffinée jusque dans la boue et la cruauté sans oublier son ironie mordante.



Pas une minute d’ennui dans cette lecture foisonnante.



Bangkok : «C’est une ville construite par des termites et des anges aveugles, un conglomérat d’or, de merde et de lotus, de béton et de plâtre, de brique et de fongus, une forêt d’aiguilles à l’assaut d’un ciel ventru, couleur de souris.»



«Dans l’atmosphère d’un cabinet de curiosité néerlandais, clair-obscur d’ambre et de madère, des racines semblables à la mandragore, des serpents blêmes comme le ténia, des chauve-souris desséchées pareilles à de vieux gants regorgent d’une puissance thérapeutique occultement larvée. Ecorces couleur de cuir, insectes couleur d’écorce, racines qui font des signes, hippocampes et cornes de rhinocéros simulant encore la morte vie des momies porteuses d’éternité.»
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Le Nécrophile

Il était une fois deux rencontres.

La première avec la librairie "le bal des ardents" à Lyon.

Il se dit qu'on y trouve des pépites.

La seconde avec sa libraire.

Je lui dis: "j'ai envie d'être dérangée, d'être bousculée dans mes lectures, vous avez carte blanche."

4 mots pour un challenge.

"J'ai ce qu'il vous faut".

Sentiment d'exaltation.

Observation du livre conseillé.

Songe.

Doute.

"Ah oui... le nécrophile de Gabrielle Wittkop. Vous n'y allez pas de main morte."

"Ahahahahah." (J'exagère franchement la réaction de mon interlocutrice.)

Envie de rassurer la libraire.

"On est très très très loin de ce que j'ai l'habitude de pratiquer au quotidien"

Partage d'un sourire entendu.

J'accorde ma confiance.

Passage en caisse.

Le livre en poche, je me demande à mon retour ce qui a bien pu conduire Gabrielle Wittkop a écrire sur ce sujet.

Plusieurs jours durant, je regarde ce livre.

J'ai peur de ce que je vais trouver dedans.

Y va? N'y va pas?

Il est court et les collages présents ça et là dans le livre pourront être mes bouffées d'air frais à mesure que j'avance.

Je le lis.

Et là revirement de situation.

Je ne suis pas face à un livre mais face à une oeuvre subversive à souhait, originale au possible.

Je ne découvre pas une pratique sexuelle transgressive, je prends connaissance des tribulations d'un amoureux.

Tout simplement.

J'avais peur d'être incapable de lire les écrits de Lucien N. - personnage principal du roman - présentés sous la forme d'un journal.

J'ai bien peur d'avoir foncièrement aimé les mots de Gabrielle Wittkop.

Ne vous méprenez pas.

Certaines scènes sont glaçantes.

Cependant, au fur et à mesure de ma progression dans le journal, j'ai vu s'évaporer une question qui revenait en boucle à son commencement: "comment peut-on en arriver là?".

Gabrielle Wittkop m'a eue!

J'ai été dérangée. J'ai été bousculée. j'ai aimée.

Et si vous vous laissiez tenter?







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Sérénissime assassinat

Venise au XVIII, une plongée dans ses eaux grises où parfois remontent à la surface les vestiges des débauches et des crimes.

Dans ce carnavalesque défilé de notables et nobles décadents et parfois décatis, le dénommé Alvise partage sa vie avec sa mère, et ne sort de sa bibliothèque que pour convoler en courtes noces, ses multiples épouses s'éteignant rapidement dans de suspectes convulsions...

G. Wittkop nous soumet son écriture singulière, ampoulée et trash à la fois, à la lecture parfois ardue. Parfait pour enrichir son vocabulaire !
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Litanies pour une amante funèbre

Un lancinant chef d’œuvre poétique et joyeusement mortifère



Sur mon blog : https://charybde2.wordpress.com/2017/07/14/note-de-lecture-litanies-pour-une-amante-funebre-gabrielle-wittkop/


Lien : https://charybde2.wordpress...
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Litanies pour une amante funèbre

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Le Nécrophile

Dire que j'ai aimé ce bref roman est un euphémisme.

Il faut saluer l'art de Gabrielle Wittkop, qui s'est effacée derrière son protagoniste, l'antiquaire nécrophile. C'est lui qui rédige chacune des entrées du journal qui constituent le roman. Nous ne percevons le monde qu'à travers ses mots, nous ne savons de lui que ce qui émane des souvenirs amoureux qu'il consigne. De même, nous voyons la nécrophilie avec ses yeux ; l'auteure évite ainsi l'écueil du jugement extérieur, et oblige le lecteur à considérer la position mentale de son héros. Qui, au sens strict, aime les morts et la mort, avec tendresse, passion, et mélancolie.

L'écriture limpide et ciselée, d'une préciosité désuète et raffinée comme les antiquités que vend le narrateur, est une merveille. Elle dit la nature paradoxale du nécrophile, amoureux sensible de ce qu'il y a de plus répugnant pour l'humanité "normale". Il voit la beauté jusque dans l'abject, et la personne dans la dépouille, voire la charogne.

C'est un roman de la déviance, de la perversion, oui, si vous voulez. Mais c'est surtout un formidable exercice de style et une oeuvre d'une poésie hallucinante.

Il faut simplement se souvenir que parfois, le beau est bizarre. Horrible. Autre.



(Ah, et pour couronner le tout, cette édition présentant six collages de l'auteure en regard du texte est magnifique !)

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