- Je n’ai pas de maillot de bain.
– Ho non, encore pire que la plage, le shopping.
– Donne moi juste de l’argent, je vais me l’acheter toute seule, j’ai pas besoin de toi.
– Ho que si tu as besoin de moi. Sinon tu vas encore ressortir du magasin avec une ficelle dans le cul.
Tu tousses ? Bois une tisane de thym. Tu as mal à la gorge ? Suce une pastille au thym. Tu es fatiguée ? Prends un bain de thym. Tu as la peau grasse ? Applique de la lotion au thym. Tu as des insomnies ? Glisse du thym sous ton oreiller. Tu t’es fait piquer par un insecte ? Huile essentielle de thym. Ta vie n’a aucune saveur ? Transforme-toi en grosse branche de thym !!!
Là-bas, le thym c’est la vie. Je suis même certaine qu’on doit en trouver dans le sang des autochtones et que les contrôles d’alcoolémie en bord de route sont en réalité des contrôles de thymlémie pour vérifier s’ils n’abusent pas trop de leur potion magique.
Ces magnifiques yeux champagne plongèrent dans les miens avec curiosité alors que je le dévorais littéralement du regard. Il avait une bouche charnue et tentante à souhait qui ne demandait qu’à être embrassée. Je m’humectais les lèvres et mimai même une embarrassante moue à cette idée. Mes hormones prenaient le dessus sur mon cerveau et me faisaient faire n’importe quoi. Il dut comprendre mes intentions secrètes car il dessina un large sourire creusant deux petites fossettes sous son épaisse barbe…
Cette phrase résonna dans ma tête comme un tambour. Où était le mal ? Des tas d’hommes avaient eu envie de moi et ils n’en étaient pas morts pour autant !
J’avais l’impression d’être dans un de mes livres de science-fiction. Du statut d’ex-secrétaire au chômage, je passais à bourreau sanguinaire, pas mal en une seule journée.
Une fois, lorsque j'étais petite, ma cheville avait subi le même sort lors d'une compétition d'athlétisme (je n'ai jamais été une grande sportive...) et le médecin scolaire m'avait conseillé de suivre le protocole GREC : Glace, Repos, Élévation et Compression.
Sauf qu'ici, et dans de telles circonstances, Repos, Élévation et Compression n'étaient pas d'actualité si je comptais échapper à Prison, Torture et Décapitation en place publique.
Le Créateur se pencha vers moi, étonné par une telle révélation.
— Est-ce vous ?
J’avalai péniblement ma salive avant d’essayer d’articuler une phrase potable.
— Ça ne s’est pas passé tout à fait comme ça.
— Oui ou non ?
— Beuh… euh… je crois que oui.
— Mais vous faites toujours autant d’idioties ?
Mon tendre Judas ne put s’empêcher d’en rajouter.
— Vous n’imaginez même pas !
J’entrouvris le même œil qui m’avait servi à lire l’heure (afin de ne pas user l’autre pour rien) et découvris un corps accroupi à côté de mon lit. Grâce à la faible lueur ambrée du réveil, je distinguai un type avec une paire de lunettes de soleil, affublé d’une grande cape en cuir noir qui se soulevait au rythme de sa respiration.
– Batman ? marmonnai-je en baissant ma couette acoustique.
– Non, ce n’est pas Batman. C’est moi.
– Moua ?
Je cherchais difficilement quel super héros avait pris le surnom ridicule de « Moua ». J’ouvris mon deuxième œil et luttai contre les vertiges qui me saisissaient.
J’étais loin d’avoir eu mon quota de sommeil et mes somnifères réclamaient leur dû.
– « Moua », laisse-moi tranquille, râlai-je de mauvaise humeur. Il faut que je dorme.
– Elle est complètement shootée, sonna une deuxième voix masculine dans son dos.
– Elle a le sommeil lourd, c’est tout.
– Tu parles, elle doit marcher à l’héroïne, un truc comme ça. Tu sais, c’est courant dans le milieu journalistique.
L’idée de découvrir cet autre monde me mettait dans un état d’excitation incroyable. J’avais soif de nouveauté et de savoir. Comment ces hommes aussi cruels pouvaient-ils bien avoir acquis une telle connaissance ? La méchanceté entraînerait-elle l’intelligence et la présence d’esprit ? Il me tardait de rencontrer ce peuple si doué tout en redoutant qu’il ne s’en prenne à moi.
Fais gaffe, Belly, je crois que ton cerveau est resté dans l’eau entre la savonnette et le gant de toilette.