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Citations de Gaëlle Josse (1847)


Car toujours les mères courent, courent et s'inquiètent, de tout, d'un front chaud, d'un toussotement, d'une pâleur, d'une chute, d'un sommeil agité, d'une fatigue, d'un pleur, d'une plainte, d'un chagrin. Elles s'inquiètent dans leur coeur pendant qu'elles accomplissent tout ce que le quotidien réclame, exige, et ne cède jamais. Elles se hâtent et se démultiplient, présentes à tout, à tous, tandis qu'une voix intérieure qu'elles tentent de tenir à distance, de museler, leur souffle que jamais elles ne cesseront de se tourmenter pour l'enfant un jour sorti de leur flanc.
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Après mon échec, mon désastre, je suis devenue silencieuse. Parler, pour quoi faire ? Pour quoi dire ? Les faits avaient parlé d'eux-mêmes. Seule la page blanche écoute, caresse, console. Aujourd'hui encore, je cherche les mots comme les coquillages,. Le nombre d'or. L'accord parfait. L'imperceptible et nécessaire dissonance. Page blanche. J'ai cinq ans pour toujours. Tes Docksides bleues, fatiguées, s'immobilisent à quelques centimètres de mes doigts. Tu écrases mon trésor. Ta voix, soudain, avec une impatience, une imperceptible dureté que je ne lui connaissais pas et qui me fait sursauter. " Mais qu'est-ce que tu fabriques ? Il y a vingt minutes que je t'attends ! " Impatience. " Tu sais que tu es bizarre par moments ? " " Désolée, j'arrive. " Je me suis rarement sentie si seule. En une fraction de seconde. J'ai réalisé que tu resterais à l'extérieur de mon monde. Je n'ai pas voulu le savoir.
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Je m'invente des ancres pour rester amarrée à la vie, pour ne pas être emportée par le vent mauvais, je m'invente des poids pour tenir au sol et ne pas m'envoler, pour ne pas fondre, me dissoudre, me perdre.
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Alléger. S'alléger. Le plein nait du vide. Simplifier. Densifier. Nous n'emporterons rien avec nous dans notre ultime voyage.
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Pendant quarante-cinq années - j'ai eu le temps de les compter -, j'ai vu passer ces hommes, ces femmes, ces enfants, dignes et égarés dans leurs vêtements les plus convenables, dans leur sueur, leur fatigue, leurs regards perdus, essayant de comprendre une langue dont ils ne savaient pas un mot, avec leurs rêves posés là au milieu de leurs bagages. Des malles, des cantines, des paniers, des valises, des sacs, des tapis, des couvertures, et à l'intérieur tout ce qui reste d'une vie d'avant, celle qu'ils ont quitté, et qu'ils doivent, pour ne pas l'oublier, garder dans un lieu fermé au plus profond de leur cœur afin de ne pas céder au déchirement des séparations, à la douleur de se souvenir des visages qu'ils ne reverront jamais.
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Il y a des larmes sans partage possible.
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Gaëlle Josse
Que peut pour nous la littérature, lorsque les temps nous angoissent, en nous faisant craindre pour nos proches et pour nous-mêmes ?

Lorsqu’une menace, à la fois précise et invisible, déroute, suspend nos vies et celles de l’humanité entière ?

Peut-être rien de plus, et rien de moins, finalement, qu’en des temps moins troublés.

Elle nous apporte ce qu’elle nous donne d’ordinaire, joie, exaltation, curiosité, enthousiasme ou déception, agacement ou admiration, réflexion et émotion.

Elle nous emporte loin de nous-mêmes et nous y ramène. Les vies de papier sont parfois aussi proches, aussi vibrantes que des vies de chair et de sang.

Notre appétit de lecture, de découverte, va-t-il se trouver décuplé par le temps devenu disponible à l’envi, par le désœuvrement forcé ?

Je ne sais.

Il faut une vigilance, une tension, un désir pour lire, pour s’immerger dans un texte.

Quel est notre désir aujourd’hui ?

Que l’on puisse vivre à nouveau, sans crainte pour ceux que nous aimons.

Que l’on se retrouve et s’embrasse.

Que l’on marche, que l’on coure.

Que l’on rit et que l’on trinque.

Qu’on se touche.

Qu’on en sorte vivants.

Nous aimerions bien sûr, nous écrivains, être des chamans et de guérisseurs.

Je n’ai pas de certitude.

Mais au fil des rencontres, un mot, un message, une lettre, une carte, une main serrée, une embrassade, me font comprendre qu’écrire n’a pas été vain. Alors, aujourd’hui plus qu’hier ?

Lorsque les situations vécues sont particulièrement aiguës, angoissantes, les mots, les livres nous aident à mieux nommer les choses, ce qui est déjà beaucoup.

Ils nous offrent des fenêtres et des miroirs, des steppes et des océans.

Des bateaux et des tapis volants.

Des champs de blé et des forêts profondes.

Ils sont vivants. Il nous attend comme des amis, avec tout ce qu’ils ont à offrir. Ils attendent qu’on les touche et qu’on les aime.

Comme nous, finalement.
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Cette jeune italienne brune et affligée avait atteint en moi des régions inconnues, de ces lieux dont l'existence reste insoupçonnable et dont la brusque découverte nous tend un miroir où se reflète un inconnu.
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Tout est prêt. Les grandes lignes, les principaux volumes sont posés. J'en ai la main engourdie et le feu est presque éteint dans l'atelier, seules quelques braises persistent à diffuser leurs lueurs rouges sous la cendre. Combien de temps ai-je passé là ? Je ne sais pas. Ce n'est plus la peine d'ajouter une bûche maintenant, ce serait une dépense inutile. Le soir tombe, il fait trop sombre pour continuer.
Ce vertige, à chaque fois, devant cette surface vierge. Tout y est possible. Elle attend le geste, la main accordée au souffle, comme une fécondation. Et cette question, la même depuis si longtemps. Saurai-je donner vie aux scènes qui m'apparaissent en songe ?
Je regarde les bâtons de fusain posés à côté de moi, alignés, pour l'esquisse de la scène. A chaque fois, cette hésitation. La trace de la main, le contact avec la toile. Eternelle initiation. Comme on approche un corps qui s'offre pour la première fois. Découvrir comment il va réagir, frissonner, trembler, gémir. Deviner quel est son secret, sa joie, sa blessure. Eprouver cette sensation qui ne peut être qu'une seule fois et disparaît dans le geste qui l'accomplit. Le geste de la connaissance.
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Ici, je suis entouré de gris, d'eau, de ciment et de brique. Je n'ai presque jamais connu d'autre paysage que celui de l'Hudson, avec la ligne des gratte-ciel que j'ai vu s'étendre au cours des ans, s'élever, s'enchevêtrer, s'empiler pour former cette jungle rigide et immuablement dressée que nous connaissons aujourd'hui, avec, à ses pieds, le mouvement des bateaux et des ferries dans la baie, et Notre Dame de la liberté, ou Miss Liberty, comme l'appelaient parfois les immigrants européens en l'apercevant, debout sur son socle de pierre, dans sa robe vert-de-gris, en majesté, visage fermé et bras tendu au dessus des flots.
Quelle que soit la saison, l'eau reste grise, comme si le soleil ne parvenait jamais à l'éclairer en profondeur, comme si un matériau opaque glissé sous la surface l'empêchait d'y plonger et d'en varier les reflets. Il n'y a que le ciel qui change, j'en connais toutes les nuances, du bleu le plus ardent au violet le plus assourdi, et toutes les formes de nuages, effilochés, soufflés ou pommelés, qui donne à chaque jour son caractère.
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Il me reste désormais chaque heure de ma vie, dans son couchant, pour me souvenir que nous poursuivons en vain un horizon qui se dérobe, et que nos songes ne sont que châteaux de sable, inlassablement détruits par la mer et par le vent.
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Je vis avec une absence enfouie en moi, une absence qui me vide et me remplit à la fois. Parfois, je me dis que le chemin qui me happe chaque jour est comme une ligne de vie, un fil sinueux sur lequel je marche et tente d'avancer, de toutes les forces qui me restent. De résister au vent, aux tempêtes, au Trou du diable, aux larmes, à tout ce qui menace de céder en moi. Il me faudrait chercher des arrangements pour enjamber chaque jour sans dommage, mais je ne sais rien des arrangements.
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Il est plus terrible de se voir retirer une affection pleine de promesses que de ne l’avoir jamais connue.
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La grâce d'un poignet, la musculature d'un bras, la torsion d'un buste, la douceur d'une main, ne s'éprouvent qu'au regard de ce qui les révèle. Nous trichons en paroles, rarement en gestes.
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Mais, grand-frère, nous le savons tous les deux que ça ne veut rien dire, faire son deuil, que c'est une expression pour les magazines, on continue à marcher avec nos morts sur les épaules, avec nos ombres, et rien d'autre. Nous le savons que, chaque matin, il faut se rassembler, se lever, se mettre en marche, quoi qu'il en coûte. Que la douleur est un archipel dont on n'a jamais fini d'explorer les passes et les courants. Qu'elle est inépuisable. Lente, féroce et patiente comme un fauve.
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Ce soir, Louis n'est pas rentré. Je viens d'allumer les lampes dans le séjour, dans la cuisine, dans le couloir. Leur lumière chaude et dorée, celle qui accompagne la tombée du jour, si réconfortante, ne sert à rien. Elle n'éclaire qu'une absence.
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Souvent les mots vont plus loin que la pensée, et il est trop tard pour les arrêter. Leur flèche a blessé, et la blessure met du temps à se refermer. 
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Seize ans, à vif. Le temps de tous les tourments, des désordres, des élans, des questions, des violences contenues qu’un mot heureux pourrait apaiser, des fragilités qui n’attendent qu’une main aimante. L’âge où tout est prêt à s’embraser, à s’envoler ou à s’abîmer. Je le sais, je suis passée par là.
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Et j'ai vite réalisé que l'exercice d'un pouvoir, d'une autorité, si minime et dérisoire soit-elle, s'accompagne de silence, de solitude et de réserve quant à l'expression des sentiments.

p24
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Elle déteste les vieilles photos et tout ce qui va avec, les souvenirs et les regrets, le temps passé et le temps perdu, les amis oubliés et les amours mortes.
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