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Citation de Ledraveur


— Bachir Attar joue une musique "sacrée", qu'il dit intouchable, mais n'hésite pas, oui, à la soumettre aux bidouillages synthétiques de Talvin Singh. Certains au village le considèrent comme un traître...
— Cet homme a une ambition personnelle. Il était destiné à une existence de pâtre, regard vissé au cul de ses chèvres, quand apparut Brian Jones. Il a compris alors qu'il existait un monde au-delà de Jajouka, et une magie d'un tout autre genre. Il a voulu sa part de cette magie, dans cet autre monde dont Jones avait été le visage. Et là, à Paris et à New York, il a compris qu'il avait un capital artistique à faire fructifier, un capital unique, qui ferait son bonheur et celui de son village par ricochet. L'ambition personnelle et le dévouement au bien commun ne sont pas incompatibles, au contraire. Attar est attaché à la survivance d'une musique qui lui a été donnée par son père, et est prêt à tout pour éviter qu'elle tombe dans l'oubli. Il faut bien comprendre la détermination de ce type, et sa rage au vu des maigres moyens dont il dispose au départ : il veut présenter sa musique au monde mais sort d'un trou qui hier encore ne connaissait pas l'électricité, il veut promouvoir une musique qu'il croit universelle mais ne parle ni anglais ni français pour le dire. Lui, Bachir Attar, est l'homme qui annoncera au monde la bonne nouvelle de Jajouka, mais cet homme n'a rien dans ses mains, rien que le souvenir de Brian Jones, qui a passé quelques heures seulement au village mais des heures qui à ses yeux d'enfant étaient une éternité. Attar donc a tablé sur l'effet Jones, s'est approprié son enregistrement et, en sens inverse, accepte que sa propre musique soit écorchée par des musiciens occidentaux. Tout ça peut paraître navrant mais repose sur une intention sincère et un enjeu respectable. Au nom de quoi s'indignerait-on, de quel droit crierait-on au traître alors qu'on trouve parfaitement naturel aujourd'hui qu'à la suite de Catherine Deneuve, dont un portrait se trouve comme tu sais chez Bachir, c'est Keith Richards qui maintenant vend son image à l'industrie du bling-bling et fait l'homme-sandwich pour Louis Vuitton !
p. 231-32
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« Un Rolling Stone dans le Rif », (Sur les pas de Brian Jones au Maroc) - Gaston Carré - éd. Erik Bonnier © - 2018
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