« Mémé est morte en équeutant les haricots verts. Je l'ai trouvé affaissée sur la table, la joue écrasée contre le bois, les yeux tournés vers la fenêtre, ouverts. Elle est morte sans prévenir : ainsi s'en vont les gens modestes, c'est une tradition, je crois. Mémé aurait été ennuyée de laisser un remords derrière elle. J'ai soulevé sa tête, nettoyé sa joue des queues de haricot qui s'y étaient incrustées, relevé son corps pour l'asseoir de nouveau. La vieillesse s'était échappée avec elle. Elle était redevenue la Mémé éblouissante des premières années, celle de notre enfance, d'avant ma naissance, l'adolescente pétillante que j'imaginais en rêve. Je me suis assis en face d'elle pour contempler cette femme d'un autre siècle et, lorsque la nuit est tombée, j'ai allumé une bougie. »