Ge Yan

" Les eaux du Yang-Tsé coulent droit vers l'est ", comme dit la chanson... Papa a pris conscience qu'un homme peut avoir une terrible prise de bec avec sa femme de temps en temps , qu'ils ont beau démonter de colère la moitié de leur maison, il vient toujours un moment où il doit regagner ses pénates sagement, comme le fleuve va à la mer.

Et puis il y aurait deux pleureuses , à genoux de part et d'autre de l'entrée de la salle des funérailles, hurlant bien comme il faut , à fendre les pierres . Comme ça , tous ceux qui viendraient rendre hommage à la vieille dame Xue sauraient qu'elle est morte comme elle a vécu : avec style.
(...) Mais ça fait des années qu'il prévoit tout et grand-mère n'est toujours pas morte.

(...) , cela faisait très longtemps qu'il ne s'était pas senti aussi bien : chez sa mère, assis face à elle, pendant des heures, elle racontant ce qu'elle a à dire et lui écoutant ce qu'il veut bien entendre. Aucun ne dérange l'autre, chacun s'occupe de sa propre vie.

Qui mange à satiété ne sait ce que ressent l'affamé.

" La colère est aveugle, reste serein et tu verras la lumière."

Il s'est mis à penser au bébé dans le ventre de Petite Zhao. " Pourvu que ce soit un garçon, il y a suffisamment de bonnes femmes pour nous emmerder dans cette famille."

Auparavant, à cette heure ci, les gens se rendaient au marché pour acheter des légumes frais, mais on ne sait pas très bien quel vent de folie les a pris, maintenant ils vont au supermarché s'acheter les mêmes légumes beaucoup plus chers, comme s'ils étaient plus propres là bas.

Shenqiang, tu es beaucoup trop colérique, tu risques d'offenser bien des gens . Souviens-toi, je t'ai souvent dit que parler à voix basse te permettra d'économiser ton énergie, et reculer d'un pas te donnera de l'espace de manœuvre .

Traite autrui comme tu aimerais être traité.

Cette histoire est somme toute un peu mollassonne,
tout juste bonne à lire avant un petit somme.

Sur une page juste avant le titre...

(...) le bureau avait décidé d'organiser un banquet de fin d'année sur la montagne de la source du Dragon et, sur le chemin du retour, en passant par Pringle, plusieurs d'entre eux - personne n'aurait su dire comment cette idée saugrenue leur était venue - avaient opté pour une petite visite à la rue 1-51 [ rue des prostituées], haut site touristique du bourg. Lui, Jukang (n'était-il pas à moitié du coin ? ) avait généreusement proposé de servir de guide. Tout cela n'était qu'une série de coïncidences malheureuses.

Mais grand-mère n'en a pas fini avec lui : elle lui parle de sa dure vie de jadis , de sa douce vie d'aujourd'hui, des petits-enfants des voisins qui sont si sages, des siens qui sont si insolents, des gens de sa résidence, de ceux de celle d'en face, de la famille Zhang qui a perdu son chat et de la famille Li qui le lui rendra. Et ainsi de suite.

Sur le téléphone portable de papa, grand-mère est répertoriée comme «maman». Plusieurs fois par an, il a droit à l'un de ses coups de fil aux moments les plus incongrus.
Par exemple, papa est en réunion à l'usine et il passe un savon aux employées du département des ventes qui ricanent entre elles. Ou bien il est en pleine beuverie avec quelques amis, ils attaquent leur troisième bouteille de Maotai à cinq, la torride atmosphère de leur salon privé est lourde de fumée. D'autres fois encore, c'est plus embêtant : papa est en train de faire l'amour, soit avec maman, soit avec une autre jeune femme. Quoi qu'il en soit, l’apothéose s'annonce quand le portable se met à jouer l'air d'Une si jolie fleur de jasmin et papa ramollit d'un seul coup. Il vérifie : c'est bien «maman» affiché sur l’écran. Il en perd tous ses moyens. Il flotte et faseye, reprend pied, ramasse son téléphone, s’éclaircit la gorge et s'isole dans le couloir :
- M'man ?

Depuis deux ou trois jours, papa n'est pas allé picoler. Zhong Shizhong et les autres ne manquent pas de s'en inquiéter.
(p.274)

- Frère Xue, on ne peut même pas encore savoir si c'est une fille ou un garçon, comment veux-tu choisir le prénom ?
- C'est pas grave, on a qu'à en choisir deux et on verra bien.
(p.205)

Tonton se tait et regarde Papa. Gao Tao le regarde. Tout le monde le regarde. Ca lui rappelle la fois où grand-mère avait annoncé les résultats de son examen. Papa avait récolté deux cent points, il était très content de lui mais il craignait que les autres le rabrouent.
Il avale l'alcool cul sec. Il faut qu'il arrive à exprimer sa fierté, son héroïsme, sa virilité.
- Alors voilà, annonce-t-il. J'en ai encore foutu une en cloque.
(p.146)

Ca faisait tant d'années qu'il était son ami que Shizhong savait très bien comment calmer Papa. Il a pêché un beau morceau d'anguille dans la marmite et l'a déposé dans son assiette.
(p.67)

- Ce soir, pas de feuilleton à la télé. On va au lit de bonne heure.
Voilà comment papa a résolu la question de savoir avec laquelle de ses femmes il coucherait en premier en sortant de l'hôpital.
(p.55)