Il n'y a pas de malentendus avec le silence. Il est toujours parfaitement exact.
Tu es devenue un maelström d'émotions brutes dont ton corps ne parvenait plus à te protéger.
C'est ce que les gens civilisés appellent l'amour.
C'est ce dont les gens comme moi se moquent tant.
C'est la plus grande fumisterie de la terre.
Ne fuis pas. Ecoute-moi : c'est un mensonge qui vaut la peine qu'on meure pour lui, qu'on vive pour lui, qu'on se batte toute sa vie pour lui.
Laisse-moi te dire aussi que c'est l'amour qui rend la vie si insoutenable.
Ma tante Meng Shujuan a tenté toute sa vie de retrouver une personne, une femme. Au fil de sa quête, elle a vieilli, et en a même oublié de se marier. Quand j'ai eu l'âge de lui servir de confidente, j'ai appris que cette femme qu'elle cherchait depuis toujours était une prostituée. Quand ma tante et elle avaient fait connaissance, cette dernière était la reine de la profession. De nos jours, on dirait qu'elle était un personnage.
Le silence permet de rester honnête. L'honnêteté est la base de l'estime de soi. Quand on ne peut pas dire la vérité, mieux vaut se taire.
La mort est comme le reste ; elle revêt de nombreuses significations. On peut dire la même chose de la survie. Depuis plus de cent ans maintenant, la notion de survie a pris un sens particulier pour des gens comme nous. (...). LOrsque nous descendons d'avion et que nous passons devant les visages peu amènes des services de douanes et d'immigration, nous sommes aussi désorientés que toi. Comme tu as pu le ressentir, nous avons l'impression que l'océan qui se trouve derrière nous n'est nullement aussi insondable que la terre aride qui s'étend devant nous, aussi tout étranger à peau jaune nous apparaît-il comme un proche voisin.
(...) l'engouement qu'on éprouve pour ce qu'on ne comprend pas est tout aussi violent que l'animosité.
Vous dites: l'opium est bien pire que l'alcool.
Ils se contentent de sourire et rétorquent : l'alcool rend destructeur; l'opium permet de tolérer la destruction.
Les hommes parlaient sans cesse de mariage, puis disparaissaient dès que la promesse franchissait leurs lèvres.
Nous aussi, nous fonçons tous vers Chinatown pour réduire le fossé culturel. Nous aussi, nous nous entassons dans de petits appartements minables, partageant le loyer à plusieurs, notre sécurité venant de l'insécurité des autres (les Blancs), et notre félicité de leur malchance.
Les gens pouvaient toujours protester, brandir le poing ou écrire partout "Dehors les Chinois! ", les Chinois ne cessaient d'affluer.
Lentement, silencieusement, ils débarquaient et vous regardaient sans parler. Si vous les empêchiez de passer à droite, ils passaient à gauche, et si vous leur barriez complètement le passage, ils bassaient la tête et attendaient patiemment que vous vous écartiez. Et leur patience finissait toujours par vous faire partir.