J’expire un peu trop fort. Pour les séduire, il faudrait toujours paraître calme, décontractée, souriante. À l’intérieur, ça bout et ça crie : « JE VEUX LES EMBRASSER TOUS! » Mais surtout lui, surtout lui. Que cessent ces palabres et ce dialogue d’apparence! Qu’il se taise et que sa main touche la mienne! Qu’il effleure mes cheveux, embrasse ma nuque, m’étende sur le sol, me prenne. Et me murmure encore cette unique litanie, interdite.
J’en ferme les yeux.
Tant d’années. D’attente et d’errance.
Pour toujours
En revenir
Au même
Crisse
De fantasme
Usé.
Combien de ces années fastes, mais si pauvres? Des années d’études prolongées. De voyages sur les prêts étudiants. De loyers en retard. Années où le quotidien est de manquer : manquer mourir d’ennui et d’extase dans la même soirée, manquer de temps pour tout ressentir. Tout goûter. Tenter de vivre en double et en triple pour ne rien rater.
Vali regarde son téléphone, il va composer. Mon estomac se serre. L’alarme se déclenche. Je ramasse mon sac et mon foulard.
- Éloïse…
- …
- Reste. Je suis désolé.
- De quoi?
- De tout ça.
Avaler beaucoup d’air et m’enfuir plus vite que mes jambes.