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Critiques de Geneviève Fraisse (34)
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Opinion d'une femme sur les femmes

Plaidoyer écrit peu de temps après la Révolution française, ce court texte signé par Fanny Raoul - femme célèbre de son vivant mais totalement oublié de nos jours - décrit avec beaucoup d'intelligence tous les "pièges" de la socialisation, de l'éducation et du système légal qui ont permis à la société française de reléguer la femme à une position subalterne.



Texte édité dans la collection "Les Plumées" de chez Talents Hauts, je suis décidément ravie d'avoir découvert cette collection qui remet à l'honneur des femmes essayistes ou romancières "oubliées" du 19ème ou début 20ème siècle.



J'ai beaucoup apprécié l'érudition de ce texte, l'intelligence de la démonstration et l'élégance du langage qui caractérise le français de la fin du 18ème siècle (pour ce que j'en connais). Fanny Raoul explique à merveille comment la sphère juridique vient renforcer des croyances "sociales" trop établies et comment elles desservent aussi bien les hommes que les femmes.

Des propos très en avance sur son temps à découvrir pour les amateurs du 18ème ou ceux qui s'intéressent aux questions du féminisme ou de l'égalité des sexes.
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Féminin Masculin : Mythes et idéologies

Mythes et idéologies ne touchent pas uniquement l'homme et la femme de la rue mais aussi les scientifiques, tous sexes confondus. Et pourquoi ? Parce que longtemps les hommes eurent le monopole incontesté et incontestable des sciences, et que les femmes y sont encore souvent minoritaires, surtout dans les sciences dites dures.

Que montre tous les chercheurs réunis ici ? Que les différences hommes/femmes, lorsque l'on sort de la simple biologie, est construite. Le paléoanthropologue Pascal Picq part du principe que les représentations homme=chasse et femme=cueillette et maternité ne sont pas aussi simple et qu'elles dépendaient beaucoup des conditions géographiques et matérielles ; et que la répartition sociale telle que nous la connaissons est apparue au Néolithique avec l'agriculture. La généticienne Joëlle Wiels montre que même la génétique n'échappe pas aux stéréotypes : pendant longtemps Y est celui qui détermine le sexe ; s'il n'apparait pas par un effort supplémentaire de l'organisme, c'est une fille. Attention spoiler : Non, c'est bien plus compliqué et encore mystérieux que cela (surpris/e, hein).

Sans parler des rôles sociaux dont les très jeunes enfants sont imprégnés jeunes, et des métiers d'hommes et ceux des femmes.

Même si bien sûr il y a des nuances et des mouvements dans les assignations, ce petit livre d'articles accessibles est toujours une source de réflexion sur ce qui est accepté et considéré comme normal, voire "existant depuis la nuit des temps". Mais quand ça bouge aujourd'hui, ça a peut-être bougé déjà avant, non ?
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La fabrique du féminisme. Textes et entretiens

La Fabrique du féminisme est un recueil d’entretiens et de textes écrits par Gisèle Fraisse pendant les quatre dernières décennies. Philosophe et historienne impliquée dans la vie politique, elle mêle ses recherches et son expérience pratique. Le champ de ses interrogations est assez large, avec tout de même des thèmes récurrents, tels les questions linguistiques de féminisation des noms de métier et d’utilisation du terme « genre », la notion de service, la disparition d’enjeux essentiellement féminins derrière l’emploi d’expressions neutres, la parité versus l’égalité, le rôle de l’Union Européenne, l’approche nécessairement transversale – de son point de vue – du féminisme…



Cette récurrence permet certes une plus grande familiarisation avec ces sujets parfois sensibles et pointus, mais apporte dans le même temps une répétition un peu trop répétitivement répétitive. Il est normal qu’une auteure rédige plusieurs articles sur un même sujet, mais est-il alors nécessaire de tous les publier dans le même recueil ?



Outre ceci l’organisation chronologique des papiers permet de bien appréhender ces sujets dans une approche historique, qui situe les enjeux des différentes périodes – courtes, puisque l’on parle d’une quarantaine d’années, mais entre 1970 et 2010 les revendications et interrogations féministes ont beaucoup évolué.



À l’évidence, l’auteure manie bien mieux que moi les concepts, et je ne saisis sûrement pas toutes les nuances de son propos. Mais j’en ai assez compris pour être à peu près sûre que je ne suis pas en totale symbiose avec son approche de la question féminine et féministe. Reste que cette lecture a été instructive et se présente essentiellement comme un témoignage – ou du moins, j’ai choisi de l’aborder de cette manière pour y trouver un vrai sens.
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Féminin Masculin : Mythes et idéologies

Les idées reçues et les préjugés ont la vie dure. La tentation est toujours présente, même chez les scientifiques, de mettre en avant des raisons « naturelles » pour expliquer ou fonder les différences entre les sexes, pour justifier les inégalités sociales et la domination des femmes par les hommes.



L’ambition de ce livre, où se croisent les contributions en sciences humaines et en sciences « dures » est de « débusquer l’idéologie naturaliste » et de ne pas « évacuer les raisons sociales et culturelles aux inégalités entre sexe » de penser l’historicité de l’être humain, de cerner des « complexités » trop souvent caricaturées.



Genviève Fraisse souligne l’usage de la notion de « condition féminine », «évitant que s’entende le mot sexe, trop provocateur ; écartant l’idéologie féministe censée pervertir toute réflexion théorique ».



Maurice Godelier présente la construction mythologique de la domination masculine à travers l’exemple des Baruya, une tribu de la Papousie Nouvelle Guinée (Voir son très beau livre « La production des grands Hommes » chez Fayard). Chez les Baruya « l’appropriation du corps des femmes par les hommes constituait le fondement de la production et de la reproduction de leurs rapports de parenté », « Les femmes représentaient la créativité mais aussi le désordre .»



Evelyne Peyre expose les problématiques autour de l’identification du sexe des os, du dilemme entre marcher et procréer « primauté du cerveau sur le sexe », de la variabilité individuelle et de la place du sexe social (le genre).



Catherine Vidal analyse les idées reçues sur les différences cérébrales et hormonales entre les sexes. Elle souligne l’importance de l’acquis sur l’inné et nous rappelle que « l’idéologie du déterminisme biologique revient en force dans un pays – USA – où les milieux fondamentalistes ultra-libéraux militent contre l’intervention de l’État dans les programmes d’éducation et de lutte contre les discriminations entre le sexes. »



Gaid Le Maner-Idrissi interroge « Comment devient-on un garçon ou une fille de sa culture ? » et le triptyque biologie, société et individu. Si la donnée première de l’identité est biologique, la construction de l’identité sexuée dépend de l’environnement social et de l’implication de l’enfant. La place des apprentissages dès le plus jeune âge est décryptée.



« Comment devient-on femme ou homme ? » Joelle Wiels souligne les biais idéologiques et politiques qui parasitent les questionnements « toutes les questions ne sont pas posées ou, pour le moins, les réponses à certaines questions semblent plus prioritaires que d’autres ! » A travers une étude sur la typologie des chromosomes sexuels, l’auteure déduit que « le sexe biologique est une entité complexe et variable, qui ne justifie pas vraiment que l’on considère l’espèce humaine comme parfaitement dimorphique. » La différence des sexes est une chimère résistante.



Catherine Marry présentent des variations sociologiques sur le sexe des métiers en soulignant particulièrement le déni de qualification des femmes. Elle s’interroge sur la possibilité d’une féminisation d’un métier sans ségrégation à travers l’exemple de la police française. L’auteure conclue sur les hommes absents « La difficulté à penser les hommes et le masculin comme un groupe et non comme une catégorie universelle. »



Pascal Picq déconstruit le mythe de l’éternel féminin en paléoanthropologie et en préhistoire. Histoires de Chimpanzés et de Bonobos, révolution néolithique…. « Plus qu’un fait de nature, l’idéologie de la domination masculine, comme l’éternel féminin, procède de la culture, donc de l’Histoire. »



Un ouvrage simple d’accès, pour des réflexions sur les fondements de nos identités de femmes ou d’hommes historiquement situés.
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Opinion d'une femme sur les femmes

Au début des années 1800, Fanny Raoul a écrit un texte, Opinion d'une femme sur les femmes, qui, pour l'époque, était assez polémique. En effet, à ce moment-là, une femme n'avait pas le droit d'avoir une opinion. Pourtant, celles de Fanny Raoul étaient bien arrêtées. Dans ce court récit, elle nous parle de la condition des femmes, qui n'est pas figée. Elle l'espère, son texte traversera les époques.



C'est chose faite, puisque, quelques centaines d'années plus tard, les éditions Le Passager Clandestin rééditent son texte, avec une présentation de Geneviève Fraisse, une féministe également. J'ai eu l'occasion d'assister dernièrement à une rencontre avec Geneviève Fraisse autour du texte de Fanny Raoul, pour parler de la situation des femmes à l'époque, et des progrès qui ont été faits depuis, bien qu'il reste encore du travail avant que l'égalité soit complète. La rencontre était vraiment très intéressante, puisque la condition actuelle (et même l'ancienne) des femmes me touche beaucoup depuis quelques temps, où j'ai commencé à m'intéresser au féminisme. Leurs revendications me semblent justes (mais c'est un autre débat).



Si, comme moi, le sujet de la condition des femmes vous intéresse/préoccupe, je vous conseille vraiment de découvrir ce livre qui, encore aujourd'hui, est criant d'actualité.
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Les excès du genre

Geneviève Fraisse (née en 1948) est une philosophe française de la pensée féministe. Elle a publié cet essai en 2014. Contrairement à ce que pourrait laisser croire le titre du livre, elle ne s'oppose pas à la théorie du genre, elle analyse d'une manière critique à quoi renvoie les mots sexe et genre. Elle se penche aussi sur la nudité, en évoquant notamment les militantes Femen. L'ensemble a été un peu abscons pour moi et je ne crois pas en avoir retiré la substantifique moëlle.
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Féminin Masculin : Mythes et idéologies

Voici un petit livre épatant entièrement consacré à la "condition féminine". Court, facile à lire, précis, sérieux, dépourvu d'esprit polémique, il fait rapidement le tour de la question. Tout au long de brefs chapitres, on prend connaissance des avis d'une philosophe, d'un anthropologue, d'une sociologue, d'un paléontologue, etc… Toutes les études présentées montrent que les mythes et les préjugés concernant la gent féminine (ici, ou ailleurs) reposent en fait sur une base culturelle et subjective sans fondement sérieux. Un exposé montre, par exemple, que le critère des chromosomes sexuels (XY et XX, ces derniers étant souvent présentés comme "par défaut") ne distingue pas d'une manière indiscutable les hommes et les femmes. Un autre chapitre date l'inégalité entre les sexes au Néolithique: elle ne serait donc pas "naturelle", contrairement à ce qui se dit. Mais ce qui m'a le plus frappé, c'est l'exposé qui montre l'apport des neurosciences au sujet des différences entre les sexes. D'une façon générale, 10 % des connexions neuronales sont présentes à la naissance des petits d'homme et tout le reste se met en place ensuite, par l'éducation, par l'apprentissage, par l'influence sociétale, par le vécu personnel de l'individu, etc... Ces connexions neuronales sont a priori évolutives - sauf si les pressions exercées sont fortes et permanentes. Dans ces conditions, une société patriarcale, conservatrice en matière de moeurs, n'a aucun mal à figer les comportements individuels et empêcher toute évolution dans la place de la femme. Toutefois, sur ce point, il ne suffirait pas de "faire la leçon" (politiquement correcte) à d'autres pays, il faut commencer par balayer devant sa porte...



Cet ouvrage collectif a prêché un "convaincu". En effet, je suis progressiste en matière de moeurs, je ne suis pas du tout irrité par la question du genre (qui fait grincer tant de dents, y compris en France) et j'ai toujours pensé que, d'une manière très générale, les influences de l'acquis dépassent – de loin – celles de l'inné. Ainsi, "Féminin/masculin" apporte de l'eau à mon moulin et j'en suis très satisfait. Je recommanderai donc ce livre (il n'est pas trop ancien, puisque sa première édition date de 2006).

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Les excès du genre

Vérité(s), contretemps historiques, excès…



En premier lieu, une couverture. Hilma af Klint : The Swan, 1915. une pionnière dans l’art abstrait. Une peintresse (pour utiliser un terme banni par la masculinisation de la langue orchestrée par l’Académie française) oubliée comme beaucoup de femmes dans les histoires écrites par les hommes.



Ayant chroniqué ce livre en 2014 sous le titre : L’opérateur égalité permet de concevoir et d’inventer les nouveaux rapports entre sexes, je ne traite que du post-scriptum intitulé « La « multiple vérité » ».



Une expression de Simone de Beauvoir, empruntée et déplacée par Geneviève Fraisse, « non pas celui de la vérité relative, vérités partielles ou vérités de points de vue, mais celui de la multiple vérité, vérité ouverte sur aujourd’hui, vérité au travail ». Approcher d’une vérité oblige à quelques précisions, ici et maintenant.



« La précision, c’est comme une exigence topographique, comme une sorte de géographie nécessaire où se dessinent des chemins, exactement des chemins de traverse : reste alors à choisir de les emprunter et de les croiser. C’est ce que j’ai proposé dans ce travail ». Je rappelle l’ancien sous-titre du livre : Concept, image, nudité.



L’autrice revient sur les chemins de la promesse conceptuelle du mot « genre », problème et solution ; et justement, les excès du genre signalent cette complexité. Un concept seul ne suffit pas, il y a d’autres concepts utiles. Les uns et les autres ne sauraient s’invalider.



Geneviève Fraisse discute de certains mots comme stéréotype et le risque de s’enfermer dans l’invariant. Elle propose cliché, « le cliché dit bien l’image mais n’en fait pas une substance », des images qui se répètent. L’autrice choisit aussi de « planter un nouveau repère lumineux », une image positive, le « modèle ».



Stéréotype, cliché, modèle, mais il ne faut pas oublier d’autres mots comme préjugé, ce qui dispense de penser, pré-jugé…



Les mots et la nudité des femmes, la nudité politique (pour rappel : La nudité politique des femmes n’est pas érotique) ), le corps nu des femmes, l’allégorie de la vérité, les révoltes du corps collectif aujourd’hui et son inscription dans les sentiers balisés du temps, « La nudité politique dit deux choses : la reprise, par les femmes, de leur corps, d’un corps, d’un corps sexuel qui sait aussi être porteur de signes, de langages ; et l’affirmation que le corps individuel est un corps collectif maltraité par les dominants, impensé de l’histoire des derniers siècles ». Un corps, un corps collectif, le multiple coexistant et s’opposant à l’un (« une alternative à ce qui se nomme « queer » aujourd’hui »).



Le corps, la raison, la politique, l’affrontement aux images, le geste subversif, une nouvelle représentation du monde, « les sexes font l’histoire »…



Comme le souligne l’autrice, « la sexualité et l’égalité ne font jamais consensus, et débordent toujours des discours ». Penser l’émancipation ne peut se réduire à analyser les dominations. Il nous faut des idées fortes pour parcourir les champs de la pensée. Elle propose ici le concept, l’image et la nudité.



« Toujours se remettre au travail »…


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Le Privilège de Simone de Beauvoir

Une historicité susceptible d’ouvrir le chemin de la libération



« Il n’y a aucune hésitation, nous sommes d’emblée installés dans l’histoire, l’histoire longues des femmes à la conquête collective du savoir et de toutes les jouissances singulières qui s’y attachent. Tel est le premier Privilège de Simone de Beauvoir, celui de s’imaginer dans l’histoire, de plain-pied. »



Ainsi débute le prologue, je souligne, privilège, histoire, femmes, jouissance…



Quelques éléments choisis subjectivement. Mes lectures incomplètes de Simone de Beauvoir sont maintenant lointaines.



Privilège, « Le Privilège n’est jamais un donné comme au temps de l’Ancien régime, un avantage incontesté, il est le résultat d’une conquête, propre à tout être, à l’intérieur de nos démocraties », les privilèges, « Le Privilège de cette femme qui pense, élucide, et décrit l’être collectif de la condition des femmes n’est que le privilège, les privilèges de l’être humain en général », l’histoire, « Le choix de l’histoire et de la mémoire comme lieux actifs, producteurs de pensées nouvelles, suscite l’appropriation de la transmission plutôt que sa passive réception convenue », l’histoire du présent vers le passé des historiennes, les femmes, « Un homme ne commence jamais par se poser comme un individu d’un certain sexe : qu’il soit homme, cela va de soit » (Simone de Beauvoir).



Dans cette invitation à lire et à penser, Geneviève Fraisse aborde, entre autres, la muse et le génie, la liberté et l’égalité, la hiérarchie du unet du deuxclôturant l’espace, le devenir sujet des femmes, la division entre biologique et social/culturel, le parcours d’une intellectuelle « qui débusque l’une après l’autre les places où sont assignées les femmes, malgré elles ou non », le penser comme acte simple, la raison, « Avoir la même raison que les hommes et vouloir s’en servir signale une capacité, un droit, mais aussi et surtout, une jouissance possible »…



L’école, « les filles se sont glissées subrepticement dans l’obligation, puis dans les interstices élitaires du système », l’émancipation par le savoir, le temps des « droits révolutionnaires » de la contraception et de l’avortement, l’écriture et la décision d’écrire sur les femmes, entre expérience et théorisation, « l’écriture de l’histoire des femmes échappe au biographique », commencer par une description de toutes les femmes pour se comprendre soi-même. Je souligne les pages autour des Mémoires, les réflexions autour du récit de soi, l’énoncé de la position sexuée, le « je », le sujet de la connaissance, « L’assurance de celle qui s’autorise l’exercice de la raison appartient à une tradition peu connue de l’histoire des femmes, et pourtant solide ». Une histoire longue des femmes…



La domination rend invisible la place occupée par le dominant, « l’homme peut oublier et faire oublier son sexe lorsqu’il se place dans un lieu de pensée », les hommes semblent être « naturellement » sujet. L’autrice pose une juste question qui devrait interpeller les hommes : « Mais pourquoi les hommes feraient-ils l’économie d’une étude du sexe masculin » ?



Il faut approfondir. Quelles sont donc les conditions pour des connaissances possibles ? « « Je suis une femme » est une condition de la pensée, cela implique ni une définition de ce qu’est cette femme, ni une certitude quant à la sexualité de cette femme-là ».



Geneviève Fraisse poursuit sur l’affirmation de l’égalité, – « désormais concept politique » -, le sujet sexué de connaissance. Elle souligne que « Ce n’est ni l’organe sexué, ni la sexualité qui fait la sexuation du sujet qui pense ». L’égalité est produite dans et par un rapport social.



Comprendre, élucider, tourner le dos au malheur, le luxe de l’impartialité, l’objectivité comme contradiction vivante avec le cogitosexué, « Le tribunal ouvert au procès de l’inégalité des sexes se déplace du coté de l’espace de vérité créé par le savoir et la connaissance ; en rupture avec le passé ». Une rupture d’avec la cité aux portes closes et la démocratie exclusive…



L’autrice souligne que Simone de Beauvoir « se mêle donc clairement de ce qui la regarde ». Et si elle considère que « son cogito est historiquement daté », elle ajoute « Là où il me concerne, ce cogito, c’est en ce qu’il est une méthode, un parcours lucide ». Cette forme de lecture me semble bien plus adéquate au penser historique que les « affiliations » identitaires…



La marge, les regards obliques, le dévoilement et l’action, la pensée et la politique, l’histoire humaine comme promesse. Je souligne les pages de critique du terme « fraternité » inscrite dans une conception historique de la domination (qui ne peut être abordée comme un invariant), les femmes ne sont pas quasi immobiles dans leur état de subordination… le devenir historique, la promesse de l’égalité et de la liberté. Reste des difficultés liées, entre autres, à la « proximité des sexes ». C’est bien du coté des rapports sociaux et de leurs contradictions qu’il nous faut regarder. Donc « sursauter » et rejeter le terme même de « condition féminine », « Quand on me dit que je travaille sur « la condition féminine », je sursaute ; et je sais immédiatement que c’est une manière d’isoler la question du reste de la philosophie, de désamorcer la pensée qui pourrait surgir ».



Ce texte est suivi de trois lectures. « Comme un discours de la méthode », « Histoire et mémoire historique du féminisme », « Correspondante de guerre » et d’une conclusion « L’icône et après ». je laisse à chacun·e le plaisir de la découverte. Et je termine par une question soulevée : Comment les sexes font-ils aussi l’histoire ?


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La fabrique du féminisme. Textes et entretiens

« Les plus extravagants assurent que mes ouvrages ne m’appartiennent pas, qu’il y a trop d’énergie et de connaissance des lois dans mes écrits pour qu’ils soient le travail d’une femme » Olympe de Gouges (citation de l’auteure)



Je ne saurait faire une analyse détaillée de l’ensemble de ces textes « au long court », articles et entretiens publiés entre 1975 et 2011. Mais à travers quelques réflexions et citations de l’auteure, inciter à (re)lire et poursuivre les débats autours des élaborations féministes.



Geneviève Fraisse propose trois conditions devenues nécessaires pour poursuivre l’investigation du « comment ça pense » : « la matérialité des discours, la dualité des sexes et la politique féministe ». Et l’auteure d’ajouter « ”Ça pense” est une affirmation polémique au regard de la méfiance renouvelée à l’encontre d’un féminisme réduit à l’hystérie ou à l’activisme »



L’ouvrage est découpé en quatre parties :



La rue et la bibliothèque (1976-1984)



L’historicité des sexes (1984-1997)



Intellectuelle spécifique (1997-2004)



Critiques et synthèses (2004-2011).



Dans le premier texte choisi de 1976, Geneviève Fraisse écrit « Les femmes se retrouvent souvent dans un paragraphe ou dans un chapitre : or, nous, nous voulons un livre, non plus pour souligner nos rôles ou nos vies, mais parce que l’histoire des femmes, ce n’est pas compléter un savoir mais le mettre en cause. ». Près de quarante ans après, la proposition reste d’actualité. En ce début de XXIème, combien de livres, en sciences dites sociales, où les femmes n’apparaissent pas, sont donc rendues invisibles, sont neutralisées « Personne ne l’ignore mais le neutre (masculin), censé les représenter, n’est malheureusement pas crédible », ou mesquinement traitées dans un petit paragraphe ? Surdité, avez-vous dit ?



J’ai particulièrement été intéressé par les analyses de l’auteur autour de l’histoire, de l’historicité, à commencer par « on ne se réapproprie rien tant qu’on vit encore l’incertitude du mouvement aujourd’hui » et le rappel de 1848 « On a bien assisté à une explosion du féminisme en pleine révolution de 1848 ! » (Voir l’indispensable ouvrage de Maurizio Gribaudi et Michèle Riot-Sarcey : 1848 la révolution oubliée (Réédition La Découverte poche, Paris 2009)

Plus généralement l’auteure explicite sa démarche sur cette dimension. « Entre ce vide conceptuel de la philosophie (qui n’est pas, bien entendu, une absence de pensée), l’anhistoricité des représentations traditionnelles du sexe et de la sexualité, et la promesse de l’histoire contemporaine, j’imaginais, puis j’affirmais que l’hypothèse de l’historicité ouvrait une perspective nouvelle ; et ce doublement : en rendant possible une lecture des philosophes et de leur traitement de la question des sexes ; en déjouant la facticité, l’empiricité infrathéorique qui fait qu’aujourd’hui encore toutes les recherches sur les femmes n’ont pas modifié l’a priori (le préjugé) contre la conceptualisation de la différence sexuelle ». Oui l’histoire est sexuée et « Le travail de construction de l’aporie passe par la reconnaissance du conflit ».



Je souligne aussi les pages autour de la soit disant nature, sur la différence entre gouverner et représenter, la double morale, les rapports entre égalité « L’égalité n’existe pas sans preuves tangibles et concrètes » et liberté « il faut penser la liberté en plus de l’égalité », la parité « La parité est vrai en pratique et fausse en théorie », le consentement « Question : que ceux qui connaissent la frontière entre liberté et contrainte, entre liberté intime et liberté sociale, me l’expliquent », la domination masculine « Si l’on veut vraiment mettre en cause la domination masculine, il faut la traiter comme un continuum, comme un système qui ne fonctionne que parce que c’est un puzzle dont on ne connaît pas le dessin et dont les morceaux sont épars », l’universel et la question des sexes « En fait, il faut penser l’universel avec la question des sexes. Les sexes ne sont pas un obstacle, c’est ce avec quoi on peut penser ; ce n’est pas une question contingente, anecdotique, juste bonne pour les sciences physiques et la psychanalyse. J’ai envie de dire : ne faites pas comme s’il n’y avait rien à voir. »



Je reprends un exemple de l’auteur pour montrer les implications des choix de vocabulaire « Mieux vaux dire ”famille monoparentale” que ”mère célibataire”, mais avec la conséquence, inéluctable, qu’on perd de vue la proportion, massive, de femmes concernées. C’est comme un tour de passe-passe où le catégoriel stigmatise et où le général masque le problème »



L’apport est considérable « je dois pouvoir a posteriori avoir déplacé quelque chose chez le lecteur et l’auditeur ». Et, personnellement, c’est sur des points où mes divergences avec l’auteure sont les plus importants, que j’ai trouvé matière à réflexion, à reformulation, à élargissement des compréhensions. « La fabrique du féminisme, affirmer ”ça pense”, implique autant les sujets, individuels et collectifs, que les lieux, les espaces, les situations ».



Une mise en perspective très utile. « Il ne suffit pas de prendre le recto d’une page pour faire disparaître son verso », sans oublier que « L’égalité, cela s’impose par des rapports de forces, par des voies, par des issues à des conflits, etc. mais de toute façon cela s’impose ».



Pour terminer, cette affiche du Planning familial de Marseille, citée par Geneviève Fraisse, « où un homme disait : ”Ah, j’aimerais partir dans un pays où je ne vais jamais” et la femme lui répondait : ”Viens donc dans la cuisine !” »



En complément, je propose le beau texte, le « sans conclure » de l’auteure au Le féminisme à l’épreuve des mutations géopolitiques(Sousla direction de Françoise Picq et Martine Storti, Editions iXe, 2012)
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Opinion d'une femme sur les femmes

J’ai découvert la collection « Les Plumées » de chez Talents Hauts très récemment, lors d’une discussion avec un intervenant, passionné et passionnant, de leur stand au Festival du Livre 2022. Je ne regrette pas du tout cette découverte ! J’ai pu découvrir Fanny Raoul et son essai Opinion d’une femme sur les femmes, publié en 1801 et pourtant toujours autant d’actualité concernant la situation des femmes. Féministe avant l’heure, Fanny Raoul a choisi d’adresser son essai, ses pensées, ses convictions à toutes les femmes dans le but de déconstruire un par un chaque argument en faveur de l’inégalité des sexes. Une lecture importante pour comprendre la situation des femmes et pour découvrir des auteur.e.s oublié.e.s

Un vrai coup de cœur pour cet essai et pour cette collection !
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Femmes toutes mains, Essai sur le service d..

Cet essai a été écrit dans les années 1970. La façon dont on perçoit l’employée de maison aujourd’hui a, en général, fort changé, heureusement. Mais ce qui est intéressant dans cet essai est l’historique des employés de maisons.

Avant 1789, la maison (riche) était une entreprise à elle seule, nécessitant valets, lingères, femmes de chambre, cochers, secrétaires, coiffeuses, cuisinières, que sais-je encore? Chacun avait une place définie, un métier précis.

Après, tout au long du 19ème siècle, ce qu’on appelait la bourgeoisie, c’est-à-dire ni le peuple ouvrier ou paysan, ni la noblesse terrienne, est devenue la classe la plus importante sans toutefois avoir les moyens des grandes maisons d’avant 1789. Les employés de maisons se sont retrouvés réduits à peu de personnes par maison, donc ils ont dû devenir polyvalents.

Ce qui voulait dire une plus grande charge de travail et un travail lui-même moins gratifiant, jusqu’à devenir quasi seulement la fameuse «bonne à tout faire». D’où les tiraillements entre employés et employeurs.

Et c’est là qu’on entre dans le vif du sujet, au début du 20ème siècle, car le problème se situe entre employée (femme) et employeuse (femme).

En effet, la femme est la servante du mari. Si elle n’a ni le temps ni les capacités pour accomplir toutes les tâches ménagères qui lui incombent, elle emploie une autre femme pour l’aider: «l’aide-ménagère». La femme du bourgeois doit être jolie et présentable en société, avoir de la conversation, savoir un peu de musique. Comment pourrait-elle en même temps abîmer ses mains aux lourds travaux ménagers de ce temps? Comment pourrait-elle se présenter à toute heure du jour avec une coiffure impeccable, tout en s’occupant des quatre enfants qu’elle doit fournir à la patrie?

Et le cercle vicieux se referme sur les femmes féministes qui, au début du 20ème siècle réclamaient des conditions de travail décentes pour les employées de maison. Mais faites donc le travail vous-mêmes! leur ont crié les hommes. C’est votre rôle!

Ainsi culpabilisées, les femmes se sont tues…. Jusqu’à ce que dans les années 1970, Benoîte Groult s’insurge: Les femmes sont victimes du devoir ménager et maternel qui les a toujours entravées pour obtenir un métier intéressant, victimes de la double journée de travail. Au nom de quoi faudrait-il les empêcher de se faire aider? Manipulation masculine: obligation de faire son métier de femme avant tout, moyen détourné de faire rentrer les femmes au foyer. Mépris pour le travail ménager, mépris exacerbé qui évite à l’homme de prendre conscience du nécessaire partage des tâches. Mépris pour celles qui s’y consacrent par goût ou par obligation. Les arguments s’additionnent et font enrager: l’employée de maison devient celle qui est nécessaire, de façon urgente, à la libération des autres. Elle est aussi celle qui fait tampon en attendant que les hommes changent…

Celles qui se font servir comme jadis, celles qui se font aider dans une maisonnée pleine d’enfants, celles qui font faire leur ménage pour s’assurer de bien rompre avec l’oppression traditionnelle, toutes sont bornées à leur situation individuelle. Elles ne sont ni coupables ni responsables, mais elles sont parties prenantes d’une situation bloquée (dans les années 1970, je le rappelle).

Quand cet essai est paru, on l’aura compris, les hommes, depuis la fin du 19ème siècle, renvoyaient dos à dos leurs femmes et leurs employées de maison pour régler leurs différents au sujet d’une affaire qui, pensaient-ils, ne les concernaient en rien: le ménage et la somme de travail et de temps que représente le fait de tenir une maison: enfants, ménage, etc…



Notes au hasard :



* 1791: la domesticité d’apparat est en partie masculine et mieux traitée que la domesticité féminine. Preuve: l’impôt sur le domestique homme est plus cher que celui sur la domestique femme.

1920, la taxe pour les hommes est double de celle pour les femmes.



* Au début du 19ème siècle, on proposait même qu’il n’y ait pas d’impôts quand on employait une domestique femme.

Ce qui veut dire que le travail de la femme est nécessaire, celui de l’homme superflu: on n’imagine bien la différences entre les tâches.



* 1973, jugement de divorce d’un tribunal anglais:

Les biens communs des époux ont été divisés:

2/3 au mari, 1/3 à la femme.

Motif: le mari est plus désavantagé par le divorce, car il devra désormais employer quelqu’un pour tenir sa maison!



* 1900, l’enseignement ménager:

Formation professionnelle en vue d’un travail salarié ou éducation générale de la femme, future épouse et mère?

Les deux: la femme au foyer doit croire qu’être ménagère n’est pas qu’une condition mais une profession, et la future domestique doit comprendre que ce travail colle à sa nature de femme.


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À côté du genre

L’universel comme privilège d’une catégorie sur les autres



Dans son introduction, Geneviève Fraisse aborde un discours philosophique chez Platon, la servante de Thrace, celle qui n’a pas de nom, la question des sexes, un problème philosophique encore incertain, l’être et la pensée « à coté ». Le texte se termine par Dix clés pour ouvrir les textes qui suivent. Elle y aborde, entre autre, le genre comme concept, la neutralisation des femmes et les effets du sexe, les mots sexe et genre, la « différence des sexes » comme catégorie vide, la pensée démocratique, l’opérateur « égalité », la démocratie exclusive, l’alliance égalité liberté, l’émancipation des femmes, le service, le consentement, la tradition philosophique, la reconstruction de la pensée et l’insuffisance de la déconstruction, l’invisibilité des femmes, l’histoire et l’inachèvement démocratique, l’égalité et l’inexistence d’un mouvement spontané, la représentation intemporelle des sexes et le refus de l’historicité, la contradiction entre le féminisme et les pensées radicales, le contretemps de la finalité féministe, l’exigence épistémologique, le sujet et l’objet, le statut particulier de la pensée des sexes…



De nombreuses thématiques abordées ici seront revisitées par l’autrice dans des textes ultérieurs. Un fils construit autour de la philosophie, des sexes, des femmes et de leur histoire, de l’émancipation et de ses contradictions…



Je choisis très subjectivement de ne souligner que certaines analyses.



La première partie « La différence des sexes » est un livre paru en 1996. Geneviève Fraisse indique que la différence des sexes ne fut jamais un objet officiel de la philosophie, que le lot des femmes est « d’être hors du champ conceptuel d’un coté, et sous les feux de la représentation imaginaire, fût-ce ceux de la mode, de l’autre ».



Avant de proposer les moyens d’une réflexion philosophique sur la différence des sexes, l’autrice discute de l’espace de la beauté et de la parure, des femmes comme objet de commerce, de l’apparence et de la vérité, du glissement permanent entre « le lieu du sujet et le lieu de l’objet », de l’ornement, de la nudité et de la vérité…



Le livre s’ouvre « sur « une drôle d’idée » et espère se fermer avec quelques idées plus stimulantes », des chapitres sont consacrés à l’amour, à Eros et au désir, comme objet et axe de travail philosophique ; puis à la présence réelle de la différence des sexes en philosophie et à quelques hypothèses de travail, « Celle d’une différence des sexes comme principe caché de la possibilité de pensée, celle d’une différence des sexes comme moyen d’échange de la pensée, et enfin celle d’une historicité de la différence » ; enfin à une pensée de l’altérité des sexes en termes de sujet et d’objet, « L’historicité de la différence met en lumière la mobilité extrême de ces deux positions, de sujet et d’objet, et permet ainsi un nouveau regard sur l’histoire même de la philosophie »…



Mes connaissances des auteurs philosophes cités étant bien limitées, j’en reste aux domaines que je maitrise un peu mieux. L’autrice met l’accent sur l’image traditionnelle, « celle de la femme incapable d’abstraction, de symbolisation », les femmes mises en marge du paysage philosophique, la curiosité et la peur du sexe de certains, celles qui posent « la question de leur-être femme dans la pensée », Hannah Arendt et Simone Weil et leur choix du neutre donc du « peu importe mon sexe », la forclusion de la différence des sexes du champ de la philosophie, les mots pour dire ou maquiller, l’identique et le différent, les conditions d’intelligibilité, le féminin et les femmes, le terme d’échange « en gardant l’idée à la fois de la médiation et de l’escamotage »…



J’ai particulièrement apprécié le chapitre sur « Histoire et historicité », la différence des sexes dans l’histoire – son historicité -, le temps de la redéfinition « des espaces publics et privé pour la femme », l’idéalisme oublieux du corps mais « garant de l’autonomie de l’esprit », la convention qui voudrait que la femme ne puisse échapper à « sa nature », le bêtisier misogyne des philosophes (l’autrice écrit qu’il n’est pas sûr qu’il soit à désolidariser de l’ensemble de leur pensée ; formule diplomatique – gageons qu’au contraire il est au fondement de leur pensée, à commencer par celle du sinistre Pierre-Joseph Proudhon), la disqualification des femmes, l’ère contemporaine et le problème de l’égalité des sexes, l’émancipation des femmes comme « propos abominable », la pensée de la domination de l’Ecole de Francfort…



« Réfléchir l’historicité suppose le passage d’une histoire des représentations à la représentation de l’histoire. Dans la représentation de l’histoire, le sujet sexué et la relation entre les sexes sont réintégrés dans la production de la pensée et de l’action propre de l’humanité »…



Geneviève Fraisse poursuit avec les ruptures, l’idée nouvelle au XVIIIe siècle de l’égalité des sexes, un socle nouveau de représentations possibles, l’idée que « le conflit entre les sexes peut se régler politiquement », le mouvement qui prend forme après1830, la querelle et le conflit, le droit refusé et le droit réclamé, l’espace privé « comme lieu nouvellement affecté par le politique, par l’idée d’égalité », la langue et l’écriture du sexe, le passage du sang au sexe…



L’autrice consacre un chapitre « à la connaissance que le philosophe laisse voir d’un enjeu entre hommes et femmes et à la façon dont il contourne ou détourne cet enjeu. Il est clair que l’idée d’égalité des sexes n’est pas étrangère à la lucidité nouvelle, conscience du défi et refus de le prendre en considération », la connaissance et l’ignorance, l’enjeu politique, la misogynie et l’antiféminisme, August Strindberg et Henrik Ibsen…



« S’expliquer sur son propre compte va au-delà de l’identité sexuée, est un mouvement qui redistribue complètement les cartes entre objet et sujet femme ». Geneviève Fraisse discute de l’altérité et de sa conjugaison avec l’infériorité, la possibilité du savoir, l’historicité politique de la différence des sexes, le semblable ET le différent, du matérialisme, « Le matérialisme peut être subversif ou conservateur suivant le sexe qui parle »…



Je me suis étendu sur cette première partie, malgré mes lacunes dans le domaine philosophique, car il me semble important, pour utiliser une expression de l’autrice, de souligner que Le féminisme, ça pense.



La peur des démocrates, l’universel et le concret, « C’est donc à partir de la démocratie comme temps historique et lieu idéal que nous pouvons penser un lien nouveau entre les sexes ». Il n’y a pas d’immuabilité du rapport entre les sexes malgré la croyance à « l’anhistoricité de leur différence »… L’autrice aborde, entre autres, le pouvoir masculin, la sexualité humaine, les limites de la seule dénonciation, le genre comme concept, le sexe, « Sexe plutôt que sexualité, différence des sexes plutôt que différence sexuelle, sexe plutôt que genre », l’histoire sexuée, la mixité et la parité, les modifications de la structure de la domination masculine et sa non dissolution, la pensée de l’autre et se penser comme autre, la superposition illégitime de l’universel et du masculin, la généalogie des représentations, les femmes comme boucs émissaires, la muse et l’artiste, la chant des sirènes, « Le chant est à la fois séduction et savoir, promesse et connaissance », les représentations de la vérité…



J’indique aussi d’autres sujets discutés, la stratégie de l’émancipation, « Une stratégie d’émancipation ne va pas sans une pratique de la subversion », Hannah Arendt et Simone Weil, l’universel et les catégories, Simone de Beauvoir, l’unicité et la multiplicité des formes du féminisme, l’égalité et la liberté, « La discrimination fait mentir le principe d’égalité fondé sur l’identité des êtres ; la violence dément le principe de la liberté au nom de la différence des êtres », la démocratie exclusive, la parité, « la parité est une idée, une théorie « pratiquement vraie mais théoriquement fausse », l’habeas corpus, le travail et les conditions de l’égalité économique, le service et la démocratie, la langue…



La dernière partie est consacrée à des textes publiés entre 2002 et 2008. J’y ai notamment apprécié les analyses sur la symbolisation, les outils et les concepts, « Nous en avons pour finir quatre, l’identité, la différence, l’égalité, la liberté, deux concepts ontologiques et deux politiques », l’habit de l’égalité, les rapports à l’histoire, les contradictions, « Ne pas la fuir, cette contradiction, ne pas penser qu’elle est soluble, surtout lorsqu’il s’agit de conjuguer la particularité sexe/genre avec l’universalité du genre humain… », les contretemps de l’émancipation des femmes, les dérèglement des représentations, le devenir sujet, « La résistance à la domination se transforme en affirmation de subversion », l’objet et la marchandise, la restitution de l’intelligibilité d’un discours d’émancipation et ses effets dans l’histoire politique…



Des analystes matérialistes de la construction de la différence des sexes et des possibles émancipateurs, « un éclat de lumière printanière dans la grisaille de la domination masculine ».
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La sexuation du monde : Réflexions sur l'émanci..

Challenge ABC 2017-2018

24/26



C'est un recueil d'articles, lucides sur ce qu'est réellement la libération, ou l'émancipation des femmes aujourd'hui. Et surtout les contradictions qui accompagnent depuis la Révolution française l'égalité. Oui à l'égalité, mais celle des sexes... Du coup, exclusion des femmes mais sans réellement le dire... Ce qui leur permet de revenir, en se glissant dans les interstices Mais cela ne profite qu'à certaines, celles qui savent, qui sont éduquées Heureusement, le 19è siècle, puis le 20è, malgré des atermoiements, viennent apporter l'éducation à tous et toutes.

Et pourtant, les femmes restent otages, à la fois de la politique et de l'histoire. Parce que le grand combat de Fraisse, c'est de remettre l'histoire des femmes dans une perspective historique, seul moyen pour elle de vraiment avancer dans les différentes luttes et de peut-être obtenir un événement qui fasse rupture, comme l'abolition de l'esclavage ou le suffrage (vraiment) universel. Otage du politique parce qu'il y a toujours quelque chose de plus important à combattre, de plus urgent.

La deuxième partie (un peu plus accessible) présente des femmes artistes et créatrices (y compris les philosophes Beauvoir et Weil), dans un changement de rapport à l'art. Elles ne sont plus uniquement muses, mais prennent le droit, transgressent les règles pour faire vivre elles aussi leur art. Ce n'est pas facile, on le sait avec certains couples d'artistes (les Fitzgerald) ou personnalités (comme Camille Claudel). Mais ces pionnières ont permis à leurs suiveuses d'oser (même si la parité tout ça...) Et enfin, l'émancipation en ce qui concerne la guerre : le tabou est levé, une femme peut tuer, et torturer, y compris sexuellement.

Attention, c'est du lourd ; je n'ai pas tout tout compris, il me manque des notions de philosophie. Ce n'est pas une critique, juste une mise en garde (ça vous évitera de vous dire : "trop facile, il est fin, ça me remplira l'aprem". Oui, en effet et quelques autres). C'est du lourd, et c'est une bonne chose . Surtout en ces temps où le féminisme est mis à toutes les sauces, que cela soit justifié ou non.
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Du consentement

Voici un essai éclairant sur la notion de consentement dont j'ai lu la dernière édition (2017). Geneviève Fraisse explore l'évolution du concept dans le temps en reliant le consentement au mariage, au divorce et à la prostitution. Ensuite, elle explore les limites du consentement, sa négativité. Enfin, elle montre la fragilité intrinsèque de cet acte.

Ce livre permet de comprendre toute la complexité et l'ambivalence de l'acte de consentir. Il en montre les implications sociales. La lecture n'est pas toujours simple car la pensée de Fraisse avance par circonvolutions mais , in fine, le livre permet une compréhension fine de ce phénomène.
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La sexuation du monde : Réflexions sur l'émanci..

En ces temps où la question des femmes est mise à toutes les sauces pour des intérêts électoraux, ce recueil de réflexions d’une des plus éminentes spécialistes des recherches féministes nous apporte de quoi remettre les rapports sociaux de sexe dans un cadre réflexif stimulant. Geneviève Fraisse nous propose ainsi de penser réellement l’égalité des sexes et, à travers l’histoire, d’interroger certains concepts jusqu’à leur difficile mise en oeuvre.
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Penser avec Françoise Collin le Feminisme et ..

Déploiement dans l’espace du politique des potentialités créatrices d’un autre monde commun



« Cet ouvrage est issu du colloque « Penser avec Françoise Collin, philosophe et féministe », organisé conjointement par l’institut Emilie-du-Châtelet pour le développement et la diffusion des études sur les femmes, le sexe et le genre et par le RING, qui s’est tenu les 5 et 6 mai 2014 à Paris »



Je n’aborde que certains sujets (pour rester dans la limite de mes compétences, particulièrement faibles en philosophie).



Les auteures/autrices proposent une invitation à (re)découvrir l’oeuvre de Françoise Collin « en explicitant les principaux méandres de sa pensée et pour favoriser une transmission à laquelle elle tenait ». Elles analysent son parcours, « sans frontières ni limites, si ce n’est celles du jeu de mots », sa défense de l’émancipation et « de la liberté plus que de l’égalité, même si celle-ci est reconnue nécessaire ». Je reste très dubitatif sur cette séparation liberté/égalité. Le titre de la note est emprunté au premier texte de Florence Rochefort.



Cahiers du Grif, associations entre différents auteurs, différence et différend, « la différence est un constant différer propres à tous les sujets, à tous les concepts », pluralité dynamique, l’incommensurabilité de l’injustice faite aux femmes, désir éperdu de liberté, rapports asymétriques, disqualification et intériorisation de la disqualification, groupe de conscience, rompre avec les représentations pour nourrir la révolte, inventer « une pensée politique du féminisme », l’importance de la parole des femmes, interrogation sur le langage, l’écriture, l’art, analyse des « différentes formes de la créativité des femmes »…



Des analyses aussi sur la dissolution de l’objet « femmes », la liberté pour les femmes, « l’émergence d’un principe subversif, constitutif d’un monde à venir » (FC), l’ensemble de la vie sociale, le plus intime de l’existence, la théorie et la pratique, « Aucune théorie ne peut se substituer au travail des forces féminines qui s’accomplit dans ces contradictions multiples, voire dans une confusion que nous ne récusons pas » (FC), les causes diverses s’inscrivant dans « une structure discriminatoire systémique », les différences de classe et de race, « briser l’isolement constitue le préalable de toute action », les rapports entre les dimensions collectives et individuelles des luttes, « la lutte des femmes ne peut faire l’économie des individus pour se produire comme généralité » (FC), les interrogations sur l’ordre sexué dans son ensemble, la question « de la subjectivation politique d’un groupe subalterne »…



Je souligne particulièrement le texte de Diane Lamoureux « le souffle de la liberté » et les questions soulevées par Geneviève Fraisse sur le refus de la « pensée de la totalité », la « récusation du mouvement de la dialectique », l’historicité et « ce qui fait histoire avec un tel événement », les rapports entre « liberté » et « égalité », le « commun comme agir est toujours une histoire à plusieurs », la douleur de l’injustice, la douleur échappant à la justice…



Sans oublier les belles pages sur l’écriture…



Textes de Carmen Boustani, Rosi Braidotti, Geneviève Fraisse, Diane Lamoureux, Martine Leibovici, Mara Montanaro, Florence Rochefort, Marthe Rosenberg, Monique Schneider, Marie-Blanche Tahon, Michèle Zancarini-Fournel.




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Les excès du genre

L’opérateur égalité permet de concevoir et d’inventer les nouveaux rapports entre sexes

« Car l’excès est inhérent à la pensée de la sexuation du monde et à la pratique de l’égalité des sexes. Le féminisme est par lui-même excessif, pour deux raisons simples : il parle de sexualités, il combat les inégalités. Il fait donc face à deux tabous ; rien ne sert de le nier »



Je choisis de commencer par une citation de l’épilogue « Féminisme excessif ». Le titre de cette note est aussi inspiré de deux autres phrases de cette partie. Il en sera de même de la dernière phrase citée.



Je ne vais pas faire ici une présentation détaillée du livre, ni indiquer mes interrogations ou doutes sur certains points…



Très subjectivement, je propose une invitation à lire, à réfléchir, à débattre, par la mise en avant de certains points traités par l’auteure.



« le genre permet de croiser le neutre et la dualité ; le un et le deux, l’être sexué en général et les deux sexes en particulier ». Genre, proposition philosophique, moyen de mise en œuvre de cette proposition, concept, masque possible des hommes et des femmes « dans un universel qui sait mentir »…



Le neutre « soit une abstraction stimulante, soit le masque du mensonge »… Les concepts peuvent faire disparaître les « femmes », les inégalités. « Pris par le neutre, le genre peut perdre tout aiguisage de ce qui fait la ou les différences, il peut effacer la réalité ».



Il faut donc penser, prendre en compte la « sexuation des problèmes », absorber et réutiliser les connaissances ou le savoir produit par les luttes de femmes. Et « le savoir donne le vertige » comme l’écrit très justement l’auteure.



Geneviève Fraisse parle de genre, de sexe(s), de résistance du réel, de ce qui fait histoire, de l’histoire sexuée, du « prisme du genre », de sexuation (« donnée non immobile » et « Il faut produire une analyse de l’historicité de cette sexuation du monde »). Contre les mises à l’écart, les traitements en anecdotique ou secondaire, « Résister à la tentation de traiter cette chose à part, et voir ce qui se passe dans la réflexion quand on comprend que cette sexuation du monde est un axe de lecture, au centre, et non à la périphérie de l’histoire humaine, comme du savoir de cette histoire »



Genre, sexe, l’un ne révoque pas l’autre, l’un et l’autre sont des abstractions. L’auteure parle de définitions multiples et de tensions internes entre ces définitions. Elle refuse la dichotomie nature/culture, la distinction entre un donné et un fabriqué.



Genre, un concept scientifique et une articulation à « une proposition politique des rapports de pouvoir et de domination ». Geneviève Fraisse parle de champ et de hors champ, de présence, de sexe qui déborde et « provoque le désordre »… Faut-il le souligner une fois encore, les élaborations des féministes représentent « de la production de connaissance et non de l’expression d’opinions »



L’auteure souligne le déficit d’analyse de l’émancipation, de construction de cet horizon de pensée fondamental. Pour indispensables qu’elles soient, les analyses et les déconstructions des dominations sont insuffisantes.



Geneviève Fraisse aborde aussi les images, les stéréotypes, les liens entre dénonciation et production, l’importance des lois et le fait « qu’une loi n’est pas la réalité », le féminisme comme subversion, l’image et le sujet, « L’image semble posée dans le ciel des représentations comme un « en soi », et cette image est toujours habillée de son carcan, le stéréotype »…



Un, deux, multiple(s), de nombreuses interrogations stimulantes.



Et encore une fois, l’égalité, le statut d’objet, Poulain de la Barre, l’image et le modèle, la nudité, le geste plutôt que la figure, La Barbe et les Femen, la domination masculine, l’écriture du corps, les signes et la vérité, l’objet sujet, « Devenir sujet, en effet, n’annule pas la position d’objet », l’émancipation, la subversion…



« Avec le féminisme, il y a souvent du contretemps historique. Et dire la vérité est facilement perçu comme un excès ».
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Opinion d'une femme sur les femmes

Quand une femme parle des femmes...



... Ça donne un livre d'une importance capitale dans le combat féministe.



Fanny Raoul y expose les arguments en faveur de l'inégalité des sexes pour ensuite les réfuter ardemment. Elle reprend l'importance des femmes dans l'état : c'est elles qui mettent au monde les citoyens en mettant leurs vies en jeu.



Elle designe également avec ironie le travail des Lumières qui remettent en cause l'esclavagisme des noirs, mais ne regardent même pas l'esclavagisme au sein même du domicile.



Un texte fort, qu'il faut lire et relire qui résonne toujours en nos cœurs alors qu'il date de 1801. Qui nous invite à réfléchir sur la place de la femme dans notre société actuelle.
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Féminisme et philosophie

Dans cet essai, Geneviève Fraisse se défini comme "colporteuse", son objectif est de nous rapporter des faits, des théories, des pensées, des textes, abordant, de près ou de loin la question des femmes et du féminisme.

Tantôt historienne, tantôt philosophe, elle découpe son ouvrage en 3 parties : épistémologie politique, corps collectif et l'épreuve de l'histoire. Au fil de ses réflexions, elle revient également sur sa propre vie et son parcours, qui ont forgé sa pensé féministe.

Cet essai très complet et exhaustif peut constituer un ouvrage de référence, pour qui souhaiterait développer ses réflexions autour du féminisme. Le ton est assez neutre, peu véhément mais direct et objectif.

Je n'ai malheureusement que peu apprécier ma lecture, je n'étais pas dans une démarche d'étude approfondie et j'ai dû m'accrocher pour avancer. Je conseillerai de lire ce livre uniquement dans un cadre de recherche ou d'étude sérieuse du sujet, au risque de décrocher rapidement.

Ce livre a été lu dans le cadre d'un masse critique de Babelio.
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