— C’est comme ça, et j’en suis désolée, dit-elle, la voix vibrante de tristesse.
Lorsqu’elle reprit la parole, il l’entendit à peine.
— Je l’ai sentie aussi, cette chaleur, un peu comme si j’avais trouvé quelque chose que j’ignorais avoir perdu. Mais le monde ne fonctionne pas comme ça. Il n’est pas question de bonheur, mais de survie, d’attentes et de faire ce qu’il faut, même quand c’est difficile.
Il s’approcha d’elle, l’odeur saline de ses larmes flirta avec ses narines.
— Que le monde soit damné.
Soudain, il frôla sa capuche, posa sa main sur sa nuque et il l’embrassa. Ce n’était pas un baiser doux. Il était lourd de désir, de passion et de besoin. C’était celui d’un homme qui regardait la lune, tout en sachant que ses pieds ne quitteraient jamais le sol.
— Tout va bien, lui murmura-t-il dans l’oreille. Ne regardez pas.
Raven aurait dû lui obéir. Ce qui se produisit ensuite sortait tout droit d’un film d’horreur. Le cartilage, les veines, les tissus et la peau se formèrent sur ces os dans un processus de fusion inverse qui lui donna la nausée. Du sang s’écoula du bois sous le cadavre, les cheveux poussèrent et la chair gélatineuse devint solide. Lorsque le processus fut terminé, une jeune fille, qui ne devait pas avoir plus de dix-sept ans, aux cheveux de la couleur du blé mûr, s’assit et enjamba les pans du cercueil. Elle épousseta sa robe en coton et lissa ses cheveux longs et raides.
— Oh, Gabriel !
Elle plaqua les mains sur son cœur.
— Tu devrais venir nous rendre visite plus souvent.
— Tu ne vois pas à quel point je tiens à toi ? Est-ce que je t’ai déjà traitée comme une possession, même si c’est dans ma nature de le faire ? Est-ce que je t’ai déjà blessée ?
Elle réfléchit pendant quelques secondes.
— Non.
— Alors arrête de me blesser.
— Je ne t’ai jamais blessé intentionnellement, Gabriel.
Il tressaillit.
— Sentir ta peur, c’est comme être déchiqueté avec des lames de rasoir. C’est comme passer dans un mixeur.
Raven pressa ses mains sur son ventre.
— Je suis désolée, je l’ignorais.
— S’il te plaît, Raven, pour toi et pour moi, fais plus attention.
— Tu es un homme bon, Gabriel Blakemore.
— Un dragon. Je suis un dragon. Tu ne dois jamais l’oublier. Je ne suis pas inoffensif et je ne suis pas humain. Rien ne pourra changer ça. Jamais. Même si nous brisons la malédiction.
Elle inspira et attira son visage vers elle.
— On surestime toujours la sécurité.
Ses lèvres s’écrasèrent sur les siennes aussi fort que son corps, et il absorba l’impact avec plaisir. Le dragon l’apprécia aussi, s’éveillant de son sommeil.
« Un silence complet régnait dans le hall. Elle jeta un coup d’œil à son père qui fixait Tristan d’un air froid et glacial. Et puis ses yeux trouvèrent Tobias. Il lui adressa un signe de tête subtil.
— Tu as perdu, siffla Sabrina entre ses dents.
Tristan ouvrit la bouche pour répondre, mais elle ne lui en donna pas l’occasion. Son poing lui transperça la cage thoracique et lorsqu’elle retira son bras, elle tenait dans sa main son cœur. »
— Il va falloir lancer un sort pour faire sortir le poison de son système. Je peux le faire, mais ça va lui faire mal. Ce truc dans son corps, où qu’il soit, va sortir par le chemin le plus rapide.
— Ça va suinter à travers ses pores, c’est ça ?
Tobias déglutit.
— Oui, en passant à travers tous les organes qui se trouvent sur le chemin. Comme c’est une vampire, elle guérira, Tobias. Ça ne la tuera pas. Mais ça va faire très mal.
« Le Garde d’Obsidienne se dessina au-dessus de lui, sombre et impitoyable, les broderies de son uniforme noir et rouge se reflétant dans la lumière mourante. L’uniforme n’avait rien à voir avec des vêtements humains, mais Scoria n’aurait pas utilisé une grenade paragonienne s’il avait voulu se fondre dans la masse.
Le garde sortit son poignard.
— Bonjour, Tobias. Je te retrouve enfin. »
Elle pressa plus fort.
— Je sais que ça peut sembler étrange, mais la salive de vampire a des propriétés curatives. C’est comme ça que l’on referme les blessures des humains quand on se nourrit d’eux. Est-ce que tu serais d’accord pour que je… ?
— Que tu lèches ma blessure ?
— Ça doit te sembler dégoûtant, non ? Euh, c’est bizarre. Oublie ça.
Raven éclata de rire.
— Les animaux m’ont toujours appréciée.
— Ça explique ta relation avec mon frère.
Le visage de Tobias était impassible, mais plus il la regardait et plus elle riait. Il la récompensa d’un petit sourire.
La porte s’ouvrit et Gabriel entra avec leurs bagages.
— Chaque sort que tu touches, tu t’en imprègnes. Je n’ai entendu parler que d’une seule autre sorcière comme toi, et elle vivait à Paragon. La vérité, c’est que je ne connais pas l’étendue exacte de tes capacités. Mais tu es puissante, Raven. C’est vraiment remarquable.