Payot - Marque Page - Genichiro Takahashi - Sayonara gangsters
Jusqu'à mes vingt ans, mes poèmes n'ont eu que trois lecteurs.
Le premier lecteur, c'était moi.
Je lisais très attentivement les poèmes écrits par moi, puis j'adressais une lettre d'admiration à leur auteur.
[...]
Le deuxième lecteur était ma mère.
Chaque fois que j'écrivais un poème, je le lui postais, et en retour elle m'envoyait en recommandé une enveloppe avec des espèces.
Ma mère interprétait mes poèmes comme des demandes d'argent.
Des tapis roulants, énormes comme il se doit, filaient à travers la célèbre usine d’automobiles. Nous les appelions "lignes".
Tout ce qu’il est possible d’imaginer filait devant nous sur sa ligne.
Une ligne filait, transportant le sable destiné aux moules des moteurs à quatre cylindres.
Une ligne filait, transportant les châssis.
Une ligne filait, transportant les arbres.
Une ligne filait, transportant les essuie-glaces.
Une ligne filait, transportant les tachymètres.
Une ligne filait, transportant les disques d’embrayage.
Une ligne filait à toute vitesse, transportant une ligne transportant des brochures nous avisant de ne pas oublier d’injecter de l’huile autour de l’axe pivotant une fois tous les quatre mois, et une autre ligne nous avisant de ne pas oublier de vérifier la quatrième vis à partir de la droite sur le cadre du pare-brise.
Une ligne filait, transportant le chef de section qui me bourrait les côtes de coups parce que je m’étais assis pour observer une ligne transportant une ligne transportant quelque objet inidentifiable.
Héraclite, qui a dit : "Tout se meut sans cesse", devait travailler dans la célèbre usine d’automobiles, il ne peut en aller autrement.
J’ai rencontré les gangsters une fois, une seule.
C’était à la banque.
J’étais assis sur le canapé, je lisais le journal et je regardais un soap opera.
Dans le soap, un couple qui était amoureux au début se séparait à la fin, et un homme et une femme qui n’étaient pas amoureux au début tombaient amoureux, ou dépassaient ce stade et se séparaient finalement, et le personnage principal se trouvait ou se perdait dans sa chambre ou dans un parc ou pendant qu’il écrivait une lettre assis à son bureau, et l’héroïne enceinte sanglotait ou était dans tous ses états ou en pleine dépression, et soit l’homme la larguait, soit elle larguait l’homme, et chaque fois qu’une scène sexy s’annonçait la caméra faisait un plan rapproché sur un rideau ou une poignée de porte dans un mouvement évoquant les délires narcissiques d’un schizophrène.
Je venais de perdre mon boulot et ma copine. Tout ce que j’avais, c’était les journaux que je lisais et les soap operas que je venais regarder sur le canapé de cette banque avec l’air conditionné.
Le temps que j’arrive à la banque ce jour-là, la moitié des personnages du soap étaient morts et les autres étaient devenus fous ou romanciers, ou ils avaient atteint le stade où il n’étaient plus excités que par les chaussettes des fillettes de l’école primaire. Tous ces personnages disparurent en me disant au revoir derrière l’écran.
Trois grandes guerres éclatèrent et plein de petites guerres si insignifiantes qu’ils les déversèrent de la benne d’un camion. Il y eut un paroxysme. De nouveaux sponsors firent leur apparition, avant de céder la place à leur tour. L’énigmatique beauté qui avait subjugué un million d’hommes me regardait droit dans les yeux et murmurait : "Si tu veux me faire l’amour, achète ce fard à paupières !" ; et une nouvelle troupe de personnages débarqua sur ces entrefaites.
J’enseigne la poésie dans une école de poésie.
Cela me fait bizarre de dire : "J’enseigne la poésie dans une école de poésie". Je me sens tel un groom du vieil Imperial Hotel de Tokyo qui, raide comme un piquet, porte une bière glacée sur un plateau et fait de son mieux pour ne pas perdre contenance tandis que juste à côté de lui Katharine Ross fait ses ablutions intimes sur son bidet portatif.
Il fut un temps où chacun avait un nom. Et on dit que les gens recevaient leur nom de leurs parents.
Je l'ai lu dans un livre.
Il y a peut-être longtemps, très longtemps, c'était vraiment comme ça.
Les gens avaient des noms exactement pareils à ceux des personnages des romans célèbres, des noms comme Piotr Verkhovenski et Oliver Twist et Jack Oshinumi.
Je parie que ça devait être génial.
L’homme comprenait maintenant que les amants ont besoin de noms. Pas des noms choisis par leurs parents, des noms sélectionnés par eux seuls.
Voilà la série qui mit en émoi la profession.
Titre du premier épisode : "Yone Inamoto, soixante-douze ans, rebaisa cinquante ans après la mort de son mari, elle voulait en faire un petit souvenir pour le royaume des ombres." Nom de la série : Ça t'dirait un petit coup avec celle qui naquit à l'ère Taisho pout t'aimer ?
Elle a le cheveu clairsemé. A la vérité, il n'y a pas que les petits vieux qui perdent leurs cheveux, beaucoup de "vieilles dames" également l'ont clairsemé, le cheveu. Certaines parfois sont quasiment chauves. C'est une réalité que j'ai sue en posant le pied dans l'industrie du porno. Le porno, c'est super.
Mère-grand, sans être réellement chauve, avait néanmoins le cheveu singulièrement rare. Il poussait encore, ici ou là. Mais elle semblait n'en avoir cure, et regarde comme brillait le cuir de son crâne. Ça te rappelait quelque chose. Tous ceux qui avaient vu le film pensaient comme moi. Soudainement, on le savait.
Elle ressemble à un orang-outan !
Si n’importe qui est moi je ne suis pas moi. Mais si je suis moi, personne n’est moi. Si personne n’est moi, qui suis-je
Henri IV est un affreux matou géant noir qui boit des cocktails lait-vodka avant de s’endormir à nos pieds
Je ne suis retourné à mon appartement que trois semaines plus tard.
Il pleuvait. Si ça se trouve, cette pluie était également radioactive. Va savoir. Un instant, s'il te plaît. Ce n'est pas une pluie à proprement dit radioactive mais une pluie dont l'eau est susceptible de contenir des particules radioactives. Non ? C'est pas ça ? Pourquoi faudrait-il s'en inquiéter ? Non, c'est pas ça ? On n'a plus le droit de proférer des contre-vérités ? Et pourquoi cela ? Je ne comprends absolument plus rien.
Moi, je ne fais que réaliser des vidéos porno. Foutez-moi la paix. Je ne désire qu'une chose, c'est de tourner paisiblement le huitième épisode des Sollicitations autoritaires de la femme mariée aux roberts explosifs ou La Vie sans soutif.