
Au beau milieu de tout cela,John avait assidûment écouté son acétate de Strawberry fields et décidé qu il ne l aimait pas.Venant de quelqu’un qui était en temps normal aussi articulé,j était toujours effaré par la façon qu il avait de débattre avec les mots quand il essayait d expliquer à Georges Martin comment il voulait que soit arrangée une chanson.Cette fois ci,il se contenta de grommeler :je ne sais pas,je trouve seulement que ça devrait être plus dense.Dense comment John?demanda George.Chais pas,du genre,vous savez...plus dense.
Paul fit de son mieux pour traduire la notion abstraite de John en une forme musicale concrète.Soulignant que le son de flûte du Mellotron avait parfaitement fonctionné,il suggera que l on fasse peut-être appel à des musiciens extérieurs,que la chanson soit enrichie d une orchestration musicale quelconque.John adora l idée et demanda tout particulièrement des violoncelles et des trompettes.Faites du bon boulot,George,dit il au producteur toujours quelque peu sceptique en quittant la régie .Faites en sorte que ce soit dense.

Je ne sais pas exactement quand ils ont commencé à voir les choses en ces termes de « eux et nous ». Peut-être avec le protocole vestimentaire d’EMI, ou avec l’horripilante habitude de George Martin de se référer à nous non pas par nos noms, mais en disant « le personnel » quand il parlait aux Beatles. Ou peut-être était-ce un problème de communication : c’était un peu étrange, quand ils étaient dans le Studio Two, de les voir travailler en bas dans le studio alors que la régie était au sommet d’un escalier ; ces vingt marches donnaient l’impression qu’ils étaient très éloignés . Et pourtant ils s’isolaient plus encore, en installant des écrans et en transformant un coin de la pièce en espace privé. La plupart du temps nous ignorions totalement ce qui se passait là-bas ; on voyait la tête d’un Beatle émerger de l’écran, on sentait l’odeur de l’encens et on se disait : « Ils fument encore de la dope ». Je suis persuadé qu’ils n’ont jamais soupçonné que nous le savions, ce qui était parfaitement idiot : nous étions tous au courant de leurs rapports avec la drogue, même si George Martin était un peu candide à ce sujet.