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Citations de Geoffroy de Lagasnerie (72)


Là où certains pourraient voir dans l'acceptation du recours à la violence et même le soutien à celui-ci une sorte de renonciation à la raison, Anders affirme au contraire que c'est le rationalisme qui pousse à reconnaître les limites de la raison : il ne faut se faire aucune illusion sur le pouvoir du dialogue et de la conviction. Il y a des moments où seule la force est susceptible d'infléchir le cours des choses.
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Plus un individu entre en contact avec d'autres groupes, plus il élargit son espace mental et peut se développer une individualité propre - sinon, à l'inverse l'individualité de sa conscience individuelle se réduit.
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Le cadre familial représente le lieu principal d'incubation de l'atmosphère idéologique du conservatisme : il y a une rapport entre ordre familial et stabilité des logiques représentatives en sorte qu'il ne saurait y avoir de projet politique révolutionnaire qui ne passerait pas une critique de la famille et de l'ordre familial
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Subir la forme de vie qui s'empare de nous et nous fait être ce que nous sommes, c'est subir sa vie et subir certains modes d'existence alors que d'autres auraient pu mieux nous convenir et nous rendre plus heureux. C'est même en un sens se faire voler son existence par la société et les autres.
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Geoffroy de Lagasnerie
Les formes politiques que nous mobilisons et que nous prenons pour des modes d’action sont en réalité des rituels dénués d’efficacité. Nous confondons la politique et le spectacle et ce que nous appelons « lutter » ressortit très souvent à du « happening » : nous nous mettons en scène sur le mode du comme si, nous nous signifions comme sujet luttant… sans prendre le temps de nous demander ce que signifierait véritablement lutter. Comme si, en fait, nous préférions les gains psychiques et subjectifs - narcissiques - de la lutte à l’obtention d’une victoire réelle. Peut-être y a-t-il même à gauche une forme d’angoisse de la victoire et que le recours à des formes inoffensives procède du désir inconscient de ne jamais accéder au pouvoir - quand cette ambition est, au contraire, un désir assumé des gens de droite qui n’ont aucun problème avec l’exercice de la puissance. (p. 39-40)
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Geoffroy de Lagasnerie
[…] on peut se demander si le fait que nous élaborions nos discours, sans doute parfois de manière inconsciente, en direction des dominants ou de nos ennemis ne peut pas constituer une sorte de perte de temps et aboutir au développement de stratégies rhétoriques vouées à l’échec : lorsque nous nous adressons au ministre de l’Intérieur à propos des pratiques policières, au ministre du Travail à propos des réformes du chômage, peut-on réellement espérer les faire changer d’avis ? À quoi sert même de leur parler, de s’adresse à eux, de discuter ? Qu’espère-t-on ? Toute personne qui a regardé des « débats » à l’Assemblée nationale sait que des arguments puissants et rationnels ne changent rien à la conviction du groupe majoritaire… L’adresse aux dominants ne pourrait-elle pas être l’une des formes de l’impuissance politique - c’est-à-dire l’une de ces formes d’action qui nous enferment et nous piègent dans l’ineffectivité à mesure qu’elles se développent ? (p. 29)
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lutter contre un fait ne signifie pas le réprimer et qu’il faut toujours, contre certaines impulsions premières, construire sur d’autres bases et d’autres valeurs nos mobilisations et nos discours 
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Il n'y a pas de centre, donc pas de révolution.
Il y a des systèmes de pouvoir qu'il faut essayer de briser, un par un.
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Geoffroy de Lagasnerie
"Aujourd’hui, il y a toute une réflexion à mener sur la remise en question de l’appareil répressif d’État, de la Loi, de la Police… Si l’on veut créer un mouvement de gauche aujourd’hui, le racisme et la question de la police sont peut-être la question centrale."

Interview de Geoffroy de Lagasnerie au Gros Journal pour le livre "Penser dans un monde mauvais", 31/01/2017
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Alors qu'elle constitue l'une des activités les plus routinières de la police et de la gendarmerie, la pratique du contrôle d'identité et de la fouille est en fait en contradiction avec l'idée de la police telle qu'on se la représente : car c'est par définition un moment où l'Etat décide d'inaugurer un cycle de violence. (p. 37)
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Le programme d'une diminution de la quantité de violence impose d'établir un diagnostic des cadres étatiques et de se demander : enrayent-ils réellement le cycle de la violence ou représentent-ils aussi, d'une certaine manière, une réponse violente à la violence, qui s'ignore comme telle et qui s'accomplit au nom de la raison et de la Loi ? Et, si tel est le cas, comment envisager une façon plus rationnelle de penser le système du jugement ?
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Le sociologue Nils Christie n'a pas tort de dire que, à travers la logique pénale, l'Etat nous vole. Ou, mieux, il vole les individus de leurs conflits : lorsqu'un antagonisme privé surgit, lorsqu'une agression a lieu, l'Etat les fait siens. Il exproprie les parties du conflit dans lequel elles étaient prises. Il expulse la victime et se pose comme la victime; il impose ses catégories juridiques, ses modes de perception, ses qualifications ; et il détermine un mode de règlement que les deux parties sont contraintes d'accepter, auquel elles doivent se soumettre, indépendamment de leur volonté. Ce mode de règlement (procédure, peine, etc.) peut déplaire aux deux parties. Il rend impossible le déploiement d'autres logiques, comme celles du pardon, de la réparation, de l'entente, qui laisseraient aux acteurs la possibilité de négocier eux-mêmes la sortie du conflit -et peut-être surtout de définir par eux-mêmes ce que , « sortir de ce conflit » signifierait. La justice pénale implique que l'Etat accapare les conflits privés et dépossède les acteurs d'une capacité de négociation et de détermination des « sanctions » selon leurs propres termes, leur propre volonté, leurs propres « besoins ». Christie décrit ainsi les avocats et les juges comme des « voleurs professionnels », et les catégories juridiques comme des instruments de dépossession de notre expérience par l'État.
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L’État pénal crée deux crimes là où il n’y en avait qu’un: l’un contre la victime, l’autre contre l’État.

[...]

Pourquoi faudrait-il, lorsque je vole quelque chose, que, en plus de la réparation à ma « victime », je doive payer quelque chose à l'Etat et passer du temps en prison ? Quel est l'intérêt de cette part rituelle de la sanction ? Quelle est la réalité du dommage à l'Etat ? Pourquoi ajouter de la peine à la peine ?
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La peine se dirige vers le crime. C'est seulement parce qu'elle ne peut l'atteindre en lui-même qu'elle rebondit sur un substitut du crime.

[...]

La blessure exige de punir quelqu'un, et la construction du droit pénal et l'institution de la Justice découlent de cette exigence. Ce n'est pas parce qu'un individu est vu comme responsable qu'on veut le punir. C'est parce qu'on veut punir, qu'on veut faire souffrir, que l'on désigne quelqu'un comme responsable : « Pendant la plus longue période de l'histoire humaine, on n'a nullement puni parce qu'on tenait le malfaiteur pour responsable de son action, donc pas du tout en supposant que seul le coupable doit être puni : -non, comme le font encore aujourd'hui les parents avec leurs enfants, on punissait par colère, du fait qu'on avait subi un dommage. » [la citation est tirée de "La généalogie de la morale" de Nietzsche]
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L’enjeu n'est pas de savoir ce que le juge dit, mais ce qu'il fait ; et ce qu'il fait, objectivement, c'est blesser. Juger, c'est infliger une violence. Toute interprétation juridique inflige une souffrance aux individus auxquels elle s'applique, que ce soit en les emprisonnant, en leur retirant leurs biens ou en les tuant.

[...]

Comment expliquer l'étrange capacité dont dispose l'Etat à faire passer ses actions violentes pour non violentes, et le fait que nous ne ressentions pas ces actions pour ce qu'elles sont ?

[...]

La violence de l'Etat est perçue comme une contre-violence, une violence contre la violence, grâce à laquelle se maintiennent la paix, la coexistence, l'unité politique, contre la guerre, l'anarchie et la dissolution politique. Certes, il s'agit d'une violence, mais ce serait une violence pacificatrice. Dès lors, cette violence n'est pas perçue comme discutable, n'est pas interrogée comme telle, n'est plus problématisée comme réalité critiquable, transformable, diminuable. La finalité de la violence de l'Etat est perçue comme allant de soi, ce qui l'immunise contre la critique.
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L’un des coups de force du néolibéralisme consiste ainsi à se proposer de déchiffrer tout un ensemble de réalités et de rapports non marchands en termes marchands. L’homme n’est plus pensé comme un être compartimenté qui adopterait des raisonnements économiques pour ses actions économiques mais obéirait plutôt à des valeurs sociales, morales, politiques, psychologiques, éthiques, etc., dans les autres domaines de son existence. Il est conceptualisé comme un être unifié, cohérent. Il est donc censé appliquer le calcul économique à toutes choses, c’est-à-dire se comporter comme une petite entreprise qui chercherait à chaque instant à maximiser son utilité sous contrainte des ressources dont elle dispose : le néolibéralisme se propose d’utiliser le modèle de l’homo œconomicus comme grille d’intelligibilité de tous les acteurs et de toutes les actions.

On sait que cette figure de l’homme comme être rationnel constitue probablement l’une des facettes les plus décriées de la discipline économique dans sa version « orthodoxe ». Elle est constituée comme un repoussoir. Elle démontrerait que le néolibéralisme tend à nous présenter sous les traits mutilants d’êtres intéressés, matérialistes, égoïstes. Il nous ferait passer pour des monstres froids et des machines à calculer (pour reprendre l’expression de Marcel Mauss), alors que nous serions des êtres, complexes, des personnes définies par des affects, des émotions et des passions, des valeurs spirituelles, etc. Même dans les secteurs de la théorie critique qui entendent constituer l’individu comme une valeur de gauche et l’individualisme comme un projet émancipateur, il est frappant de constater que l’on brandit, contre l’homo œconomicus, la figure antimatérialiste et anti-utilitariste de la personne dotée de sens, d’affectivité, de sens moral – selon une rhétorique étonnamment proche du personnalisme chrétien.

Michel Foucault ne recourt pas, dans Naissance de la biopolitique, à ces modes de disqualification. Bien au contraire, il s’interroge sur la productivité du modèle de l’homo œconomicus, sur la fécondité du geste qui consiste à utiliser ce schéma pour analyser les comportements. Et, dans ce cadre, il développe longuement un exemple bien précis : celui du crime, de la punition et de la politique pénale tel qu’il a été étudié par l’économiste américain et Prix Nobel Gary Becker dans un célèbre article de 1968 intitulé « Crime et punition ». (chapitre 14)
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La démonstration proposée par Hayek consiste à dire que la racine du totalitarisme se trouverait dans un rejet du libéralisme. La critique de l’individualisme, le triomphe d’une éthique collectiviste, l’ambition de substituer au jeu du marché libre et décentralisé l’autorité d’une instance qui contrôlerait la production et la répartition des richesses, tous ces éléments constitueraient le point de départ ou, mieux, la base doctrinale du communisme et du national-socialisme. Ainsi, lorsque ces dogmes commencent à se diffuser dans une nation, lorsque les États se les approprient, lorsque les intellectuels se mettent à les adopter et à les légitimer, alors le totalitarisme n’est pas loin, et le pays, lentement mais sûrement, et bien souvent à son insu, s’engage sur la route de la servitude.

Au fond, le coup de force de Hayek, et plus généralement de tout le courant néolibéral, a été, par l’intermédiaire de telles analyses, d’installer l’idée, extrêmement forte et perturbante, selon laquelle il existerait entre le communisme et le nazisme, mais également entre le communisme et le keynésianisme, quelque chose comme un air de famille, une communauté de pensée, pour ne pas dire une relation de nécessité. Le régime communiste, le régime nazi et les régimes qui promeuvent les réglementations sociales et l’État-providence participeraient d’un même système, d’un même invariant politico-économique. Tous partiraient d’un même refus du libéralisme, de l’individualisme, du marché libre et décentralisé, etc., et, logiquement articulée à celui-ci, d’une même volonté d’utiliser la coercition pour atteindre des objectifs prédéfinis en matière de production ou de distribution. Par conséquent, contrairement à ce que l’on s’imagine spontanément, le totalitarisme n’est pas derrière nous. Les totalitaires sont parmi nous : ce sont ceux qui mettent en place un système de planification ou qui justifient la sécurité sociale, qui prônent un contrôle de l’économie par l’État, qui plaident pour une régulation du marché, pour plus d’impôts, etc. (introduction)
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Edouard Louis déclarait : « Les gens posent souvent la question : peut-on faire une grande œuvre littéraire qui soit raciste ? C'est une question qu'on pose beaucoup, et d'ailleurs, la plupart du temps, à propos de quelques œuvres de Céline. [...] Je ne prétends pas qu'on ne peur pas écrire de belles choses, de beaux passages dans un roman raciste, je dis que ça ne suffit pas, et même qu'au regard de ce que cela peut produire de violence, ça n'en vaut pas le prix. Il faudrait à la limite se saisir de la rationalité économique en termes de "coût" dans ce type de réflexion sur la littérature, et se demander : est-ce que quelques phrases bien écrites, une écriture originale, valent la perpétuation de la violence, la perpétuation des fantasmes racistes ? Il est clair que non. » Pourquoi plaider pour une évaluation éthique, et non purement interne, des biens symboliques est-il si difficile et délicat ? Sans doute parce que ce geste exige nécessairement d'adopter une position forte et provocante : il n'y a pas de valeur inconditionnelle à l'art et à la littérature. Leur valeur dépend de leur inscription dans un horizon politique et de leur participation à une entreprise émancipatrice.
Lorsqu'elles ne se donnent pas à elles-mêmes un tel projet, ces entreprises renoncent à la possibilité parfaitement légitime. Il n'y a aucune raison d'accorder à cette modalité de la pratique une évidence et une naturalité.
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J'ai bien conscience qu'en érigeant la politique et l'éthique en points de départ qui commandent tout, et en reprenant à mon compte l'idée de Horkheimer selon laquelle écrire et penser doivent viser non pas « à simplement accroître le savoir en tant que tel, mais à libérer l'homme des servitudes qui pèsent sur lui » (et en ajoutant que, si l'on dit autre chose, on décide de collaborer avec le monde), on peut avoir l'impression que je mets en question l'autonomie de la science, la valeur de la culture en tant que telle ou du désintéressement, et que j'applique aux activités symboliques un raisonnement instrumental ou utilitariste contre lequel elles ont conquis leur autonomie, les menaçant par là même.
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[confiance en soi et amitiés vs. cadre institué et humilité ]

Didier [ Eribon ] et Bourdieu étaient amis, leur amitié se déroula en dehors du champ académique et selon d’autres normes. Et lorsque Bourdieu a fait lire à Didier son manuscrit, Didier raconte lui avoir dit qu’il n’était pas assez radical, qu’il devait se donner plus de liberté. : « Vous êtes trop réservé, il faut aller plus loin, Relisez Genet, relisez Le Miracle de la Rose. » Tout en acceptant l’idée qu’il aurait été important de se livrer d’avantage et de porter plus loin l’entreprise auto-analytique, Bourdieu résistait. Il répondait : « Je ne suis pas écrivain. » Puis il écarta ces suggestions en disant à Didier « Mais que penseraient mes collègues ? Que je suis devenu fou. » Ce à quoi Didier objectait : « Mais comment peut-on écrire une auto-analyse si on se préoccupe de ce que vont penser ses collègues ? »

Ce récit illustre la manière dont Bourdieu était confronté à deux possibilités d’être, à deux manières opposées de se penser comme auteur et d’écrire. Et chacune était liée à des espaces relationnels opposés. L’une était soutenue par la relationnalité amicale et les libertés qu’elle donne, l’autre par le rapport à l’institution universitaire, avec tous les effets de censure que l’obsession du statut et de la reconnaissance comporte. Bourdieu n’avait pas construit l’amitié comme un mode de vie, comme le lieu central de sa subjectivité, et la censure académique l’a donc emporté dans ce projet sur l’incitation affective. En tout cas, pour ce livre-ci, il n’a pas sauté dans le vide.
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