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4.3/5 (sur 248 notes)

Nationalité : France
Né(e) à : Saint-Étienne , le 13/06/1953
Biographie :

Georges Didi-Huberman est un philosophe et un historien de l'art français.

Après des études à l'Université de Lyon en philosophie et histoire de l'art, et un doctorat en sociologie et sémiologie des arts et des littératures obtenu en 1981 à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) sous la direction de Louis Marin, il enseigne à l'Université de Paris-VII (1988-1989) avant d'être élu à l'EHESS maître de conférences en 1990 et directeur d'études en 2016.

Il a été également dramaturge à la Comédie Française, chercheur invité à l'École française de Rome en 1982 et 1984, pensionnaire à l'Académie de France à Rome (Villa Médicis, 1986–1987), au Getty Research Institute de Los Angeles (2000, 2002 et 2005), commissaire d'exposition ("Soulèvement" au Jeu de Paume à Paris entre 2016 et 2017).

II a publié une trentaine d’ouvrages sur l’histoire et la théorie des images, dans un large champ d’étude qui va de la Renaissance jusqu’à l’art contemporain, et qui comprend notamment les problèmes d’iconographie scientifique au XIXe siècle et leurs usages par les courants artistiques du XXe siècle.

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Source : www.uzeste.org/a/index.php/Main/LeVillage.
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Georges Didi-Huberman vous présente son ouvrage "Tables de montage" aux éditions IMEC. Entretien avec Jérémy Gadras. Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2753563/tables-de-montage-regarder-recueillir-raconter-exposition-caen-abbaye-d-ardenne-du-5-mai-au-22-octobre-2023 Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube. Visitez le site : http://www.mollat.com/ Suivez la librairie mollat sur les réseaux sociaux : Instagram : https://instagram.com/librairie_mollat/ Facebook : https://www.facebook.com/Librairie.mollat?ref=ts Twitter : https://twitter.com/LibrairieMollat Linkedin : https://www.linkedin.com/in/votre-libraire-mollat/ Soundcloud: https://soundcloud.com/librairie-mollat Pinterest : https://www.pinterest.com/librairiemollat/ Vimeo : https://vimeo.com/mollat
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Citations et extraits (125) Voir plus Ajouter une citation
 
On demande à Parmiggiani quel a été son premier atelier. Sa réponse est étrange, immédiate pourtant, comme dénuée d'hésitation : « [...] un désert de brouillard, un paysage très mélancolique, un lieu (un luogo) qui m'a beaucoup marqué et qui est resté en moi, très fort (che mi è rimasto dentro molto forte). »
 
Est-ce déjà dire que l'atelier de l'artiste - tout à la fois lieu du travail et travail du lieu - doit être pensé comme un transport, une delocazione? La transformation d'un site environnant (son air, son brouillard, son atmosphère particulière) en paysage de la psyché, en caractère stylistique, en empreinte de l'intimité?
 
*
 
Le premier atelier? C'est donc un «lieu de subversion ». Sa mémoire rouge remonte depuis l'oubli, depuis les cendres du lieu détruit.
 
*
 
Delocazione ne veut pas dire absence du lieu, mais son déplacement producteur de paradoxes. Non pas le refus, mais la mise en mouvement du lieu, façon de le mettre en travail et en fable. Le lieu de dépôt de la substance imageante - le subjectile - se trouve bien déplacé, en effet : c'est tout autour de la toile que la fumée, cette version atmosphérique du pigment, se dépose sans pinceau. Elle crée, par empreinte, une réserve que rendra visible l'acte même de retirer le tableau. Inversement, le mur perd ici son habituelle neutralité de « fond» pour l'accrochage d'un tableau: c'est de lui que surgiront toutes les figures, toutes les effluves d'images. Magie simple de la poussière et de la cendre lorsque soufflées sur la paroi: elles en rendent visibles la texture même et, quelquefois, la structure sous-jacente (tous ces détails normalement invisibles sous le lait de peinture, par exemple l'appareil des briques ou la jointure des panneaux).
 


En « soufflant» un espace on ne crée pas seulement un lieu: on lui insuffle du temps. C'est-à-dire des temps. Le processus inventé dans Delocazione s'ouvre, je l'ai dit, sur deux horizons temporels au moins: d'un côté, il offre une apparence fausse d'éternité puisqu'il mime l'œuvre si lente de la poussière déposée sur des objets au rebut; d'un autre côté, il offre une apparence fausse d'immédiateté, de pur présent, puisqu'il mime l'œuvre si fulgurante d'une bombe incendiaire, voire atomique.
L'œuvre n'imite pas un espace. Elle produit son lieu - son travail du lieu, sa fable du lieu - par un travail et une fable de temps, un mime de temps ajointés : une invocation, une production, un montage de temps hétérogènes. Le temps œuvré est toujours un temps manipulé, démultiplié. C'est donc une composition d'anachronismes.
 
*
 
L'anachronisme romantique de Parmiggiani se justifie d'une fonction éminemment critique: au règne des journalistes de l'art, fabricateurs de valeur marchande, l'artiste oppose la poésie comme seule issue langagière à l'injonction des images. Au règne des autosatisfactions et des tautologies artistiques, il oppose le mystère, l'œuvre comme « golem », la création comme alchimie, comme rite ou comme magie. À la rumeur affairée des vernissages, des modes à suivre et des règles maniaques sur la continuelle péremption des choses, il opposera un très antique silence donné, pour finir, comme la qualité essentielle de toute image...
 
*
 
Faire le silence. Non que les images n'aient rien à nous signifier, non qu'elles soient muettes, ineffables, ou niaises, ou dispensées de la pensée. Mais faire le silence, Parmiggiani l'énonce, c'est faire de l'image l'équivalent visuel d'une « question qui veut demeurer telle ». Une parole seulement soufflée - entre explosion et soupir -, une pulvérisation du sens. L'iconologie cherche ce que disent les œuvres, il faut aussi chercher comment les œuvres taisent ce qu'elles offrent, ce qu'elles soufflent. « Lèvre savait. Lèvre sait. Lèvre finit de le taire », écrit bien Paul Celan («À hauteur de bouche », Choix de poèmes, 1998).
 
*
 
«J'avais exposé des espaces nus, dépouillés, où la seule présence était l'absence (dove l'unica presenza era l'assenza) [...]. Un espace d'ombres (un ambiente di ombre), ombres de toiles décrochées des parois, ombres d'ombres, comme voir derrière un voile une autre réalité voilée et derrière cette autre réalité voilée une autre encore et d'autres voiles et ainsi de suite jusqu'à se perdre à l'infini, en cherchant une image (cercando un'immagine) et à travers cette image le désir de s'entrevoir soi-même. J'avais présenté ce lieu d'ombres comme une œuvre; un lieu de l'absence comme lieu de l'âme. (un luogo dell' assenza come luogo dell' anima) (C. Parmiggiani, Stella Sangue Spirito, éd. S. Crespi, 1995). »
 
 
"Maison brûlée (mur, flammes, cendres)", pp. 12-13, 16 / "Espace soufflé", pp. 33-9 & 45-9
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Citer le passé n'a que très peu de sens - autre qu'antiquaire ou nostalgique -, si l'on ne s'acquitte pas du souci de le citer à comparaître, de le citer au procès toujours ouvert de notre histoire présente. Les passés cités ne valent qu'à porter plainte contre les états présents de l'injustice. Ils ne valent donc qu'à être montrés, montés ou, mieux, remontés dans le présent en tant que celui-ci cherche, plus ou moins lucidement, à établir une relation - une constellation, disait Walter Benjamin: une configuration lacunaire dessinant à travers ses pointillés mêmes quelque point de vue ou quelque prophétie politiques - entre l'autrefois et l'à-venir. Le remontage des images, des mots et
des sons, constitue d'évidence le cœur vivant du travail de Jean-Luc Godard, notamment lorsqu'il convoque les mille et un "passés cités" dont se trame toute sa réflexion sur l'histoire. C'est là, sans doute, que son cinéma se révèle le plus fécond. C'est là que se situe l'élément le plus authentiquement dialectique de son art.
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Cher Lászlo Nemes, me voici donc, pour finir, avec l'impression étrange qu'avec votre travail documentaire considérable, vous avez réussi à faire de votre film, non pas une reconstitution historique du Sonderkommando de Birkenau, mais un véritable conte cinématographique tirant sa logique de traditions littéraires à la fois très anciennes et très modernes.
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Celui qui est ému devant les autres ne mérite pas le mépris. Il expose sa faiblesse, il expose son impouvoir, ou son impuissance, ou son impossibilité à "faire face", à "faire bonne figure", comme on dit. Éventuellement, on dira de lui : "Il ne lui reste plus que les yeux pour pleurer", façon de dire qu'il est devenu quelqu'un de pauvre devant les choses de la vie. Mais cette pauvreté, en fait, n'a rien de ridicule ni de lamentable. Bien au contraire. En prenant le risque de "perdre la face", l'être exposé à l'émotion s'engage aussi dans un acte d'honnêteté : il refuse de mentir sur ce qui le traverse, il refuse de faire semblant. Cela peut même, en certaines circonstances, apparaître comme un acte de courage que d'oser montrer son émotion.
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Georges Didi-Huberman
"les paléontologues estiment que l'homo sapiens doit sa survie puis son succès à sa capacité à migrer, qui lui a permis de répondre aux glaciations et aux canicules des derniers cent mille ans" Hervé Le Bras ( l'Age des migrations, extrait)
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En quoi ce qui concerne « tous les hommes » pourrait-il apparaître dans le silence momentané de quelques paroles singulières, bref, dans l’exercice « le moins collectif » qui soit parce qu’il brise, justement la continuité du dialogue voire le lien social avec autrui ? Telle est, exactement, la question que nous adressent ici les silences de ces témoins, ces blancs soucis du témoignage. Mais qu’est-ce qu’un souci au juste? (...)
     
Le verbe latin d’où vient notre français « soucier » est le verbe sollicitare. Son sens physique (agiter, remuer) aura donné lieu a tout un vocabulaire du tourment psychique, de l’inquiétude, mais aussi – ou pour cela même – du désir amoureux (voilà pourquoi sollicitare veut également dire « exciter, provoquer, attirer »). Le souci est tourment parce qu’il est tendu vers l’autre quand l’autre ne cesse de se dérober. Il manifeste donc la sollicitude du désir, de l’amour et, en général, de l’attention accordée au monde et à autrui. (…)
     
Il y a enfin une histoire poétique du souci. Je la résumerai en trois simples moments. Le premier est celui de la beauté : c’est lorsque Malherbe invente cet admirable expression du désir ou du regard comme ce qui va et vient, comme une vague, entre le donné et le retiré : « Beauté, mon beau souci, de qui l’âme incertaine / A, comme l’Océan, son flux et son reflux... » Le deuxième moment est l’antithèse d’où je suis parti, celle de Mallarmé saluant le blanc comme cheville dialectique de tout souci : Solitude, récif, étoile / À n’importe ce qui valut / Le blanc souci de notre toile. » Le troisième moment pourrait être celui où le montage assume l’un et l’autre des deux précédents termes : c’est lorsque Jean-Luc Godard, reprenant et prolongeant la formule de Malherbe, compare le montage, son « beau souci », à un « battement de coeur », un «  raccordement sur un regard » ou encore ce qu’il nomme la « mise d’une inconnue en évidence » lorsque, dans le travail sur les images on parvient à « faire ressortir l’âme sous l’esprit, la passion derrière la machination, [et à] faire prévaloir le coeur sur l’intelligence en détruisant la notion d’espace au profit de celle du temps ».
     
*
     
Les « blancs soucis «  du témoignage témoignent eux-mêmes de « mouvements de temps » – mouvements pluriels et temps pluriels – à l’oeuvre dans la diégèse de chaque récit historique. Ils sont affaires de montages et d’intervalles, de fractures et d’assemblages anachroniquement réunis selon des processus d’attraction ou, au contraire, de conflits. Parler en général du silence dans la parole, parler du souci hors de toute « anthropologie concrète » ne nous amène pas très loin, seulement à de belles notions dénuées de chair, dénuées de gestes. Il faudrait, regarder le montage d’Esther Shalev-Gerz, savoir redescendre des grands paradigmes - « l’instant prégnant » selon Lessing ou « l’être de l’être-là » selon Heidegger – vers les petits syntagmes : descendre, en somme, depuis une philosophie du silence en général vers ces discrets segments ou brins de silence que nous découvrons, ici et là, au fil des récits produits par les témoins de l’Histoire. Le témoignage ne « sort » pas du silence comme on pourrait d’abord le croire en écoutant le récit de tous ceux qui ont décrit leur accession à la parole sur fond d’une préalable mutité ressentie comme prison, comme un camp dans le camp, si l’on peut dire. On sait bien que, à l’autre bout de ce spectre, la mémoire peut être menacée par sa saturation même : « Mémoires saturées. Nous aurions besoin de silence » , comme l’écrit Régine Robin. La mémoire elle-même a besoin de ses propres « blancs » : la réticulation de ses veines, de ses lieux intervallaires, de ses propres fêlures. (...)
     
Il n’y a donc rien de simple dans les « blancs soucis «  du témoignage. Le silence n’est pas un matériau uniforme, loin de là. Ce peut être tour à tour une impasse ou un passage, un bloc ou une respiration, une absence de son, je veux tout aussi bien dire une absence de sens, ou bien leur résonance souveraine. « Ce n’est rien dire précisément que parler d’ineffable » , écrivait Jean Paulhan en ouverture à ses Fleurs de Tarbes. Si, devant le montage d’Esther Shalev-Gerz, on décidait de se livrer à « l’anthropologie concrète », précise, micrologique, de chaque silence recueilli à chaque interruption de parole, à chaque suspension des mots – quels mots avant ? quels mots après ? quel ton ? quel phrasé ? quelles mimiques ? , on parviendrait peut-être à dresser une cartographie des champs de batailles que se livrent, au cours du témoignage, chaque silence avec chaque silence et chaque mot, chaque mot avec chaque mot et chaque silence.
     
pp. 92-97 / 101-102.
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Du très grand nombre d’exemples convoqués par Klemperer, on peut extraire deux caractéristiques fondamentales de cette langue totalitaire. La première caractéristique est sa "pauvreté" intrinsèque (…)
Ainsi la langue du III° Reich réifie, mécanise toute humanité – et pour cela, elle devra se mécaniser elle-même. Sa pauvreté sera dureté inamovible, absence de fluidité ou de plasticité.
(…)
Tout cela pour tout dire – pour dire que tout est désormais « total » - de façon à la fois brève et hyperbolique, impérieuse et prétentieuse. Le paradoxe de la langue du III° Reich, c’est qu’elle ne fut « pauvre » qu’à induire cette autre caractéristique fondamentale qu’était « l’enflure ». Il ne suffisait plus d’être Allemand, il fallait être fanatiquement Allemand.
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L'urgence politique et esthétique, en période de "catastrophe" - ce leitmotiv courant partout chez Benjamin -, ne consisterait donc pas à tirer les conséquences logiques du déclin jusqu'à son horizon de mort, mais à trouver les ressources inattendues de ce déclin au creux des images qui s'y meuvent encore, telles des lucioles ou des astres isolés.
(p. 106)
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Sur les 185 espèces de primates subsistantes, seul l'homme a un comportement migrateur. Homo sapiens n'est autre, pour finir, qu'un remarquable homo migrans. Vouloir l'oublier - le refouler, le haïr - c'est simplement s'enfermer dans les remparts de la crétinisation. Mieux vaut entendre la leçon de " ceux qui savent encore être en mouvement".
Georges Didi-Huberman - 5-14.03.2017
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C’est ce « Tout solidaire » et fluide que Hugo résume si bien dans un seul vers des Contemplations :
« À jamais ! le sans fin roule dans le sans fond. »
     
Comme souvent, Victor Hugo regarde un mot français à partir de son usage latin. Il pense donc l’immanence selon le verbe immanere, qui signifie rester, demeurer. Mais le poète regarde aussi l’adjectif latin qui se trouve juste à côté, dans le dictionnaire : c’est le mot immanis, qui signifie l’immense, le trop vaste, le monstrueux, le prodigieux, l’âpre et le farouche, bref, tout ce que Hugo prête justement aux « forces obscures » de la physis comme de la psyché, de la souveraine tourmente naturelle comme des perpétuels tourments de l’âme.
Il y eut d’autre part chez Hugo, comme chez nombre de poètes et de grands artistes, une sorte d’intuition philosophique qui le menait d’un seul geste au problème juste : il n’avait sans doute pas remarqué que l’énoncé de l’immanence, chez Spinoza, va de pair avec un vocabulaire de la fluidité (effluere) et du pli (complicare, explicare), mais il n’en fit pas moins du monde un grand tumulte de fluides et de plis. (pp. 88-89)
     
« La vague est un problème extérieur, continuellement compliqué par la configuration sous-Marine. » [Les Travailleurs de la mer*]
La vague sans cesse extravague. Elle est « errante et souple », façon de nommer sa fluidité absolue. C’est un « chaos »pour trembler, mais ce sera un « ordre » pour penser. Lorsqu’elle est « énorme », Hugo la fait rimer avec le mot « informe ». Mais elle ne manque jamais à la fin, d’imprimer délicatement ses formes froncées sur chaque coquillage qu’elle rejette sur la grève « avec un bruit vague » ... La vague — qu’il faut comprendre dans sa durée propre, dans son mouvement d’amplitude quasi sculpturale puis d’évanouissement dans le milieu océan — serait donc entre l’informe et la forme. Hugo affirme, on s’en souvient : « L’indescriptible est là [...], impossible de se le figurer. [...] Pas plus que l’immanence de la création, le travail dans cette immanence n’est imaginable.*»
Que fait l’artiste devant l’indescriptible ? Il fait mieux que décrire. Que fait-il devant l’inimaginable ? Il imagine quand même, et un peu plus encore. Il trouve tous les biais pour se retrouver dans l’œil de « la » cyclone, c’est à dire au centre du problème. La vague est insaisissable ? Qu’à cela ne tienne, le poète véritable sera vague et fera des vagues.
...
     
Être vague, faire des vagues : autre façon de dire la poétique de l’immanence qui caractérise toute cette œuvre. Quand Hugo dit « je travaille », il explique qu’il prend « du papier sur [sa] table, une plume », et qu’avec de l’encre il « songe » — « Je fais ce que je puis pour m’ôter du mensonge » —, afin que surgisse « le gouffre obscur des mots flottants ». Comme si travailler équivalait, strictement, à faire monter en soi (par la pensée flottante, par l’encre marine, dans la plume aérienne et jusque sur le papier lui-même) le travail de la mer. Et quand il appréhende le futur de sa tâche, le poète écrit : « Le travail qui me reste à faire apparaît à mon esprit comme une mer, [un] entassement d’œuvres flottantes où ma pensée s’enfonce », entassement qui aura fini par prendre Océan pour titre générique. Plus encore, l’activité artistique — activité rythmique par excellence, sismographique ou « barométrique » —sera éprouvée par Hugo comme une mer en tant même que mouvement d’immanence :
     
« L’art, en tant qu’art et pris en lui-même, ne va ni en avant, ni en arrière. Les transformations de la poésie ne sont que les ondulations du beau, utiles au mouvement humain [...]
La poésie est élément. Elle est irréductible, incorruptible et réfractaire. Comme la mer, elle dit chaque fois tout ce qu’elle à a dire; puis elle recommence avec une majesté tranquille, et avec cette variété inépuisable qui n’appartient qu’à l’unité.
Cette diversité dans ce qui semble monotone est le prodige de l’immensité.
Flot sur flot, vague après vague, écume derrière écume, mouvement puis mouvement [V. Hugo: William Shakespeare, 1964].» (pp. 101-103)
     
La vague hypocondriaque - extrait.
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