Citations de Georges-Emmanuel Clancier (105)
Arbre je crois en toi je crie à ton feuillage
Je suis perdu loin du navire de tes ombres.
Que ta sève aux rameaux de mes veines remonte
Fleuve fidèle , épais, de neige et de nuage.(...)
Arbre vivant et vrai qu'enlacent les collines,
Arbre peuplé de chants, de durée et d'étoiles,
Image de ma chair, beau visage natal
Que la nuit tour à tour révèle puis incline,
Arbre, en moi va mourir ton ultime racine ,
J'appelle d'une voix de branches dans le vent
Ta forêt qui s'enfuit et s'arrache à mon sang.
(" Vrai visage")
" Il faut nous émerveiller de ce que la vie comporte, malgré les heures ternes et malgré les heures tragiques, des îles claires où l'amour nous révèle la grâce des êtres et des instants. "
[préface de "Les incertains", Éditions Rombaldi -1977]
Enfant magicien perdu
Je me souviendrai de ce regard
Qui faisait chanter l'ombre.
Des yeux de l'enfant d'autrefois caché
Dans le beau visage mortel
Je me souviendrai, comme de la mémoire vivante
Peuplée d'ondines et de merveilles.
Maintenant que tu traverses le vert miroir
D'Alice et que tu rejoins les années anciennes
Où ton enfance d'un cri sans fin t'appelait,
O toi, veux-tu, ne nous oublie pas qui restons égarés
Parmi les feuilles mortes d'un monde
Où les fées ne sont plus.
(" Le paysan céleste")
La poésie change le monde de l'intérieur de chacun. Elle fait partie de l'être humain. C'est une donnée fondamentale, une valeur essentielle. Mais n'étant pas une valeur marchande, elle ne cesse depuis une vingtaine d'années de perdre du terrain...En privant ainsi les gens de poésie, on dérobe une part essentielle de leur vie. Ne l'oublions jamais: la poésie est consubstantiellement résistante.
C'est l'odeur de romarin et le secret de ton enfance
C'est le long savoir de tes tourments, de tes bonheurs,
C'est le monde peuplé de ton silence et de ton chant,
C'est l'aube, la source, l'été de tes yeux,
C'est l'ombre, l'abîme, la nuit de ton regard
C'est toi, c'est toi que j'aime
Vastes landes où chevaucher
de la pointe du jour au crépuscule,
allant d'un songe à l'autre
d'un amour à son ombre,
de la solitude à la solitude.
L'orée,
quelle ombre ailée de lumière
quel silence où veille l'oiseau
quel désir d'avant l'être
quel signe à la lisière de l'air
quelle saison hors du temps
pourraient l'inclure
où nous serions sauvés.
Tu allais de cime en val
Où es-tu? Quelle glace t'enserre?
Ne chante plus sur la tour
Dont est chue blanche cette pierre,
O neige, aussi brève que pure
Que ta chair soit notre cristal.
Ecriture des jours (1972)
I
Si ça me chante : arbre le cheval
Si ça m'enchante, roche la fleur
Et paquebot son parfum,
Et cachalot le cavalier.
Mais chanterais-je alors le cachalot sur l'arbre
Et sa façon de se pencher pour humer
Un suave transatlantique
Qu'exhalaient dans l'été les rochers bleus ?
Ou bien dirais-je que dans le vent
D'automne un cheval s'effeuillait,
Que les parfums fendaient les flots
Au risque d'échouer sur les fleurs ?
Ah ! plutôt voir galoper les chênes,
La roche à la fin des beaux jours se faner,
Le cavalier et la senteur descendre
De conserve aux abîmes marins !
Cependant qu'étalon, marguerite,
Steamer et cétacé,
Telles des ombres ayant perdu leur homme
Erraient autour de moi, désenchantées.
Verte était la lumière parfois sur l'océan, verte la couleur de l'été; autrefois ciel vert, la vie, quand nous étions tous dans ce printemps de notre jeunesse, tous dans le parc, dans le théâtre, un monde de grâce ouvrait alors ses allées vertes devant nous, allées d'espoir et de paix.
C'était donc ça la mort ? Ce silence après tant de plaintes, cette paix après tant d'angoisse, ce bonheur et cette justice des mains et des traits après tant de misères ?
LEGENDAIRE : Légende de Paul Gilson
Enfant magicien perdu
Je me souviendrai de ce regard
Qui faisait chanter l'ombre.
Des yeux de l'enfant d'autrefois caché
Dans le beau visage mortel
Je me souviendrai, comme de la mémoire vivante
Peuplée d'ondines et de merveilles.
Maintenant que tu traverses le vert miroir
D'Alice et que tu rejoins les années anciennes
Où ton enfance d'un cri sans fin t'appelait,
O toi, veux-tu, ne nous oublie pas qui restons égarés
Parmi les feuilles mortes d'un monde
Où les fées ne sont plus.
Étoile tournoyante
ô croisée des vies
traversée incertaine.
De la lumière du cœur
quel élan peut jaillir
pour qu’un amour s’inscrive
au-delà du temps même
dans un scintillement de l’être?
Chanson d’arrière-saison
Soûl de soleil jaune
Embaumé aux pommes de l’automne.
Poussant un bout de temps encore
Cette vie sans tête ni corps
Pour rien pour voir
Pour boire jusqu’à la lie
L’arrière-saison ma jolie.
De regards oubliés, de mots égarés
J'aimerais , de mains végétales
De bouches plus fraîches, plus glissantes
Que la rivière luisante du sommeil,
De soleil neuf et hardi,
De sourires d'enfance, de liberté,
Ma passagère, ma grâce, mon instant,
De prairie éternelle, j'aimerais
Te recréer.
( " Chansons de la cage ouverte")
Le violon tourne
Le violon tourne
où tournoie tes yeux.
Qui d'un pas céleste
glisse et tournoie
Qui là-bas passe
à la dérobée ?
par les chemins
de fortune?
Quelle ombre en-deçà
au-delà
en filigrane
danse
que nul mot
ne dessine?
Je ne suis que cet enfant qui va
Sur les calmes routes du soir.
Les fougères l'étang le brouillard
L'appellent d'une voix secrète.
Et lui du fond de sa solitude
Écoute le silence qui tremble.
(" Terre secrète ")
Le père posa ses mains sur la table. Tous le regardaient. Machinalement il lissa ses moustaches sur son poignet puis, pour répondre à l'interrogation muette des yeux, il fouilla dans la poche de son pantalon, en sortit cinq pièces de bronze qu'il laissa tomber une à une sur la table. L'une des pièces se mit à rouler, Catherine l'arrêta et la remit au père avec respect.
Tu seras de soleil
Tu seras de soleil.
Tu seras les milliers de regards
Humides au visage halluciné du cercle.
Mais voir
Il n’y a rien à voir.
Nœud de serpents, belle étoile marine
Tu rejailliras aux sources de ton cœur
Humblement.