A côté du Napoléon de la guerre, le Napoléon de la paix n'est pas moins glorieux. La France actuelle, fille de la France de la royauté et de la France de la Révolution, est toujours, dans ses traits essentiels, la France du Premier Consul. A cet égard, le génie de Napoléon fut par excellence le génie de l'autorité et de l'ordre, ces assises fondamentales de toute société humaine.
Tout en Napoléon fut extrême, en dehors des dimensions normales : le bien comme le mal, la gloire comme l'infortune. Aussi l'on comprend qu'on ne puisse parler de lui sans l'admirer ou sans le maudire. Il l’a dit lui-même : « Tout le monde m'a aimé et m'a haï. »
Voici qu'à nouveau les drapeaux de la France viennent de connaître la victoire, à la fin de la lutte terrible de cinquante-deux mois qu'elle a soutenue avec l'Entente pour le droit et la liberté du monde.
Combien de fois, pendant ces années 1914-1918, le nom de Napoléon s'est-il présenté aux esprits ! Le corps de doctrines que le génie militaire de l'Empereur avait formulées a été assez souple pour s'adapter aux conditions de la guerre contemporaine ; aussi peut-on dire que la victoire de la France et de ses alliés a été la résultante des méthodes napoléoniennes. Ainsi Napoléon, homme de guerre, a grandi encore, si possible, dans l'opinion du monde.
Cependant, il ne faudrait pas que notre admiration pour le capitaine fût ce que Lamartine appelait en 1840 « un enthousiasme sans souvenirs et sans prévoyance ». N'oublions pas non plus les mots de Chateaubriand : « Le train du jour est de magnifier les victoires de Bonaparte. Les patients ont disparu ; on n'entend plus les imprécations, les cris de douleur et de détresse des victimes ; on ne voit plus la France épuisée, labourant son sol avec des femmes. » La vie de Napoléon, suivant le mot de Gœthe, fut la vie d'un demi-dieu qui marchait de bataille en bataille et de victoire en victoire ; mais le dieu d'Arcole et d'Austerlitz fut aussi le soldat malheureux de Leipzig et de Waterloo.