L'homme change l'état naturel des animaux en les forçant à lui obéir, et les faisant servir à son usage : un animal domestique est un esclave dont on s'amuse, dont on se sert, dont on abuse, qu'on altère, qu'on dépayse et que l'on dénature, tandis que l'animal sauvage, n'obéissant qu'à la Nature, ne connaît d'autres lois que celles du besoin et de la liberté.
Histoire naturelle des quadrupèdes : Les animaux domestiques.
Le style n'est que l'ordre et le mouvement qu'on met dans ses pensées. Si on les enchaîne étroitement, si on les serre, le style devient fort, nerveux, concis ; si on les laisse se succéder lentement, et ne se joindre qu'à la faveur des mots, quelque élégants qu'ils soient, le style sera diffus, lâche et traînant.
DISCOURS SUR LE STYLE.
Un seul mâle condamné à trente ou quarante femelles ne peut que s'épuiser sans les satisfaire ; et dans l'accouplement l'ardeur est inégale, plus faible dans le mâle qui jouit trop souvent, trop forte dans la femelle qui ne jouit qu'un instant.
Le Buffle, Le Bonasus, L'Aurochs, Le Bison et Le Zébu.
LE CHEVAL
La plus noble conquête que l'homme ait jamais faite est celle de ce fier et fougueux animal [...].
{N. B. : Voici un petit exemple de ce que NE doit PAS être un scientifique digne de ce nom, aujourd'hui comme hier et même à l'époque de Buffon ; c'est-à-dire émettre des jugements spéculatifs ou subjectifs et en tirer des conclusions définitives quant aux aptitudes supposées sans jamais avoir vu évoluer un individu dans son milieu naturel. En d'autres termes, quand il s'agit d'humains, on appelle cela juger au faciès. Cela témoigne d'importants préjugés, d'un usage important de syllogismes et de méthodes d'investigation dignes des pseudo-sciences. Les quasi contemporains de Buffon que sont Lamarck et Cuvier le surclassent très nettement sur le plan de la rigueur et de la posture scientifique adoptée.}
Ce qu'on peut appeler physionomie dans tous les êtres vivants, dépend de l'aspect que leur tête présente lorsqu'on les regarde de face. Ce qu'on désigne par les noms de forme, de figure, de taille, etc. se rapporte à l'aspect du corps et des membres. Dans les oiseaux, si l'on recherche cette physionomie, on s'apercevra aisément que tous ceux qui, relativement à la grosseur de leur corps, ont une tête légère avec un bec court et fin, ont en même temps la physionomie fine, agréable et presque spirituelle ; tandis que ceux au contraire qui, comme les barbus, ont une grosse tête, ou qui, comme les toucans, ont un bec aussi gros que la tête, se présentent avec un air stupide, rarement démenti par leurs habitudes naturelles. Mais il y a plus, ces grosses têtes et ces becs énormes, dont la longueur excède quelquefois celle du corps entier de l'oiseau, sont des parties si disproportionnées et des exubérances de nature si marquées, qu'on peut les regarder comme des monstruosités d'espèce qui ne diffèrent des monstruosités individuelles qu'en ce qu'elles se perpétuent sans altération ; en sorte qu'on est obligé de les admettre aussi nécessairement que toutes les autres formes des corps, et de les compter parmi les caractères spécifiques des êtres auxquels ces mêmes parties difformes appartiennent. Si quelqu'un voyait un toucan pour la première fois, il prendrait sa tête et son bec, vus de face, pour un de ces masques à long nez dont on épouvante les enfants ; mais considérant ensuite sérieusement la structure et l'usage de cette production démesurée, il ne pourra s'empêcher d'être étonné que la Nature ait fait la dépense d'un bec aussi prodigieux pour un oiseau de médiocre grandeur, et l'étonnement augmentera en reconnaissant que ce bec mince et faible, loin de servir ne fait que nuire à l'oiseau qui ne peut en effet rien saisir, rien entamer, rien diviser.
Les Toucans.
LE LAMA
Ils ne se défendent ni des pieds ni des dents, et n'ont, pour ainsi dire, d'autres armes que celles de l'indignation ; ils crachent à la face de ceux qui les insultent, et l'on prétend que cette salive qu'ils lancent dans la colère est âcre et mordicante au point de faire lever des ampoules sur la peau.
Il ne faut pas jeter un déluge de mots sur un désert d'idées.
(Traité sur le style)
Le style est l'homme même.
LA TAUPE
La taupe, sans être aveugle, a les yeux si petits, si couverts, qu'elle ne peut faire grand usage du sens de la vue : mais elle a le toucher délicat ; son poil est doux comme la soie ; elle a l'ouïe très fine et de petites mains à cinq doigts, bien différentes de l'extrémité des pieds des autres animaux, et presque semblables aux mains de l'homme ; beaucoup de force pour le volume de son corps, le cuir ferme, un embonpoint constant, les douces habitudes du repos et de la solitude, l'art de se mettre en sûreté, de se faire en un instant un asile, un domicile, la facilité de l'étendre et d'y trouver, sans en sortir, une abondante subsistance.
Les castors sont peut être le seul exemple qui subsiste comme un ancien monument de cette espece d'intelligence des brutes, qui, quoiqu'infiniment inférieure par son principe à celle de l'homme, suppose cependant des projets communs et des vues relatives; projets qui ayant pour base la société, et pour objet une digue à construire, une bourgade à élever, une espèce de république à fonder...