Citations de Georges Perec (838)
Puis, instruit du sort qu'à coup sûr on m'allait garantir s'il m'attardait à partir, ayant pris mon clic, sans avoir pour autant omis mon clac, j'ai fui Ankara, la maudissant à jamais.
Le principal inconvénient des belles définitions, c'est qu'elles ne peuvent plus resservir. Plus jamais on ne pourra écrire "Vide les baignoires et remplit les lavabos ", ou "Du vieux avec du neuf" ou " Feu rouge" ou "Elle aimait trop le parmesan" ; toute autre définition apparaît à côté rédhibitoirement fade et il est par conséquent pratiquement impossible de réutiliser les mots ENTRACTE,NONAGENAIRE, STALINE ou SANSEVERINA.
(...) C'est ainsi qu'un auteur a pu écrire que nul ne saurait se déclarer mot-croisiste s'il n'était prêt à définir de 100 manières différentes la vache IO. Je n'en suis pour ma part qu'à 28 mais je ne désespère pas d'y arriver un jour prochain.
(Extrait de l'avant-propos du livre)
S'il tarde à revenir allez faire un brin de causette comme dirait Victor Hugo et Roland Bacri avec Mlle Yolande
(24)
Nombreux sont sans doute les visiteurs qui tiendront à comparer les oeuvres originales et les si scrupuleuses réductions qu’en a données Heinrich Kürz. Et c’est là qu’ils auront une merveilleuse surprise : car le peintre a mis son tableau dans le tableau, et le collectionneur assis dans son cabinet voit sur le mur du fond, dans l’axe de son regard, le tableau qui le représente en train de regarder sa collection de tableaux, et tous ces tableaux à nouveau reproduits, et ainsi de suite sans rien perdre de leur précision dans la première, dans la seconde, dans la troisième réflexion, jusqu’à n’être plus sur la toile que d’infimes traces de pinceaux : Un cabinet d’amateur n’est pas seulement la représentation anecdotique d’un musée particulier ; par le jeu de ces reflets successifs, par le charme quasi magique qu’opèrent ces répétitions de plus en plus minuscules, c’est une oeuvre qui bascule dans un univers proprement onirique où son pouvoir de séduction s’amplifie jusqu’à l’infini, et où la précision exacerbée de la matière picturale, loin d’être sa propre fin, débouche tout à coup sur la Spiritualité vertigineuse de l’Éternel Retour.
Ils aimaient la richesse avant d'aimer la vie.
La mémoire n'est rien, la conscience est tout.
Ils auraient aimé vivre dans le confort, dans la beauté. Mais ils s'exclamaient, ils admirés, c'était la preuve la plus sûre qu'ils n'y étaient pas.
il est assez difficile d’amener une femme à tuer son mari, surtout si cette femme n’est pas complètement idiote.
Des vérifications entreprises avec diligence ne tardèrent pas à démontrer qu'en effet la plupart des tableaux de la collection Raffke étaient faux , comme sont faux les détails de ce récit fictif, conçu pour le seul plaisir ,t le seul frisson , du faire semblant.
Ce que moi, Georges Perec, je suis venu questionner ici, c'est l'errance, la dispersion, la diaspora.
Ellis Island est pour moi le lieu même de l'exil, c'est à dire, le lieu de l'absence de lieu, le non-lieu, le nulle part.
Si le roman est description du monde, que celle-ci soit débarrassée de tous les masques dont nous l'avons affublée, qui nous protègent en nous empêchant de voir, qui sont autant d'oeillères à notre lucidité.
Tu as tout à apprendre, tout ce qui ne s'apprend pas : la solitude, l'indifférence, la patience, le silence.
Le scandale, ce n’est pas le grisou, c’est le travail dans les mines.
Au 7, un immeuble démoli, avec une palissade sur laquelle La Cause du peuple est affichée. Au 6, Plomberie Sanitaire et Coiffure. Au 9, un café restaurant bar : MARCEL’S, et un magasin fermé. Au 11, un magasin fermé et VILIN-LAVERIE (au coin de la rue Julien-Lacroix) :
Pour Expropriation
Fermeture Définitive
le 24 décembre
Tout cela me semblait en parfaite harmonie avec l’image que je m’étais depuis longtemps formée de l’oeuvre de Perec. Si cette oeuvre, me disais-je, est un chantier dans lequel on peut puiser pour reconstruire, c’est que les éléments qui la composent sont assez solides pour supporter d’être ainsi transférés et recyclés. [Marcel Bénabou, Le voyage disert]
À qui sait les lire, les textes de Georges Perec n’offrent pas seulement un plaisir d’une qualité rare. Ils peuvent aussi, à l’occasion, faire un don plus précieux encore : c’est une espèce de fièvre, légère mais tenace, et dont on ne guérit, comme à regret, que plume en main. [Marcel Bénabou, se citant lui-même dans Le voyage disert]
Le pire était l’affaire Si par une nuit d’hiver. Ce livre est à moi, je n’y peux rien, c’est pour moi que Calvino l’a écrit. Je suis la lectrice de Si par une nuit d’hiver un voyageur. Et ils ont réussi à avoir mêlé mon livre à leurs histoires. [Michèle Audin, IV-R-16]
"Tu t'es arrêtée de parler et seul le silence t'a répondu. Mais ces mots, ces milliers, ces millions de mots qui se sont arrêtés dans ta gorge, les mots sans suite, les cris de joie, les mots d'amour, les rires idiots, quand donc les retrouveras-tu ?"
« Mais même les plus anciens Athlètes, même les vétérans gâteux qui viennent faire les pitres sur les pistes entre deux épreuves et que la foule hilare nourrit de trognons pourris, même ceux-là croient encore qu’il y a autre chose, que le ciel peut être plus bleu, la soupe meilleure, la Loi moins dure, croient que le mérite sera récompensé, croient que la victoire leur sourira et qu’elle sera belle.
Plus vite, plus haut, plus fort. Lentement, au fil des mois de la quarantaine, la fière devise olympique se grave dans la tête des novices. Très peu tentent de se suicider, très peu deviennent vraiment fous. Quelques-uns ne cessent de hurler, mais la plupart se taisent, obstinément. » p 191
Il n’y a pas un mot fortuit, car tout y a, illico, sa justification, donc sa signification.