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Critiques de Georges Poulet (2)
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Etudes sur le temps humain

Georges Poulet est un critique littéraire important qui a été l’une des figures de proue de ce qu’on a appelé à l’époque la 'nouvelle critique', appellation un peu floue sous laquelle se regroupent des personnalités aussi diverses Charles Mauron, Jean Starobinski, Gaston Bachelard et quelques autres.

Ce qui intéresse Georges Poulet dans l’étude des œuvres littéraires, c’est d’y retrouver le chemin de la conscience de l’auteur et de mieux cerner son fonctionnement. Reflet de la vie intérieure de celui qui écrit, l’œuvre est la meilleure voie d’accès à sa conscience voir même à son inconscient. Dans sa recherche, Poulet s’attache à ce qui selon lui est un révélateur privilégié de notre vie intérieure : notre vécu du temps et de la durée.



Précisément, en ce second semestre 2017, Pocket a eu la bonne idée de rééditer dans sa belle collection Agoria, les Etudes sur le temps humain, dont je viens de terminer le 1er tome centré sur la durée intérieure. Le propos est complexe et parfois le propos peut sembler se perdre dans son extrême profusion. Il est néanmoins passionnant par la variété des auteurs abordés, toujours avec pertinence et un choix très judicieux de citations



Au début de notre ère est donc le temps chrétien, formé par la réapparition incessante du monde en chacun des instants consécutifs où Dieu le crée et le recréée. La discontinuité des instants se résorbe dans le grand dessein divin. La transcendance donne une destination au temps humain tout orienté vers le salut.



Mais avec le surgissement de la conscience de soi, les choses se compliquent. L’individu se trouve séparé du monde et de lui-même. Le désenchantement progressif du monde accélère encore le processus : le temps à nouveau devient problématique. D’une collection d’instants disparates l’homme doit parvenir à une durée ; de ces matériaux divers, il doit construire une existence, mieux, l’habiter. Cette conscience de soi intériorise le temps tel que chacun se le représente. Cette conversion du temps en un espace intérieur donne à celui-ses repères, à la manière dont un promeneur peu orienter une carte qui sans cela ne peut que le perdre.



A sa suite, Georges Poulet nous invite à un singulier voyage où défilent maint paysages de la littérature (surtout française): on retrouve avec bonheur Descartes, Rousseau, Pascal, Proust, Valery, Eluard, Ungaretti et bien d’autres. Ce parcourt buissonnier suit pourtant un fil rouge : le problème du temps et la façon dont chacun de ces auteurs, l’a vécu et a tenté de le transcender.



Durer, écrit Poulet, « c’est être présent : et être présent, c’est être présent à des choses qu’on dispose dans une sorte de temps espace. (…) Cette (re)création permanente a souvent le caractère d’une création incomplète, incongrue, comme de choses qui, dit Supervielle, ne sont pas faites pour aller ensemble. C’est une création sans cesse avortée, travestie, rectifiée : une création qui, comme l’a montré Sartre, demande continuellement les retouches du présent, du néant ». Pire, c’est lorsque l’œuvre paraît la plus assurée que tout peut se dérober. Tel Eluard, un certain 28 novembre 1946 :

« Voici le jour

En trop : le temps déborde.

Mon amour si léger prend le poids d’un supplice ».
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Les métamorphoses du cercle

Le Moyen-Age figurait Dieu comme une sphère infinie dont le centre est partout. A l'image des cercles concentriques formés par une pierre jetée dans l'eau, Dieu unit tous les points et toutes les choses du monde depuis ces centres en nombre illimités.



La Renaissance a utilisé cette idée pour donner à l'homme la possibilité de se trouver à l'un de ces centres particuliers et donc de prétendre, en étendant suffisamment son esprit, atteindre à la conscience du divin.



A l'ère baroque, on identifie toujours l'individu à une sphère, mais avec ironie : loin d'atteindre la connaissance du divin, il est plutôt aussi fragile qu'une bulle de savon et menace d'éclater à chaque instant. Puisqu'un souffle peut le déplacer, c'est que le monde n'est qu'illusion et qu'il vaut mieux se laisser porter par le vent que, sous peine de disparaître, s'y opposer.



Pascal reconnaît que la recherche du divin provoque le vertige autant que l'introspection : chercher les limites de la circonférence ou la profondeur du point est aussi illusoire. L'homme ne peut se connaître lui-même, il est une sphère transparente et vide à l'intérieur de laquelle son être est méconnaissable et en dehors de laquelle le monde l'est tout autant. La seule solution se trouve dans la connaissance de ce qui lui est accessible, la connaissance de la divinité humanisée, c'est-à-dire Jésus-Christ.



Au XVIIIème siècle, la science de Newton, de Gilbert (les ondes magnétiques) et de Huygens (le modèle ondulatoire de la lumière) donnent l'impression que l'homme domine le monde en en comprenant les principes : on retrouve la perfection esthétique de la forme circulaire qui organise le monde, mais on lui préfère encore plus l'image de la toile d'araignée. Celle-ci cumule la concentricité des circonférences et les perspectives des rayons. Toutes les choses du monde sont liées pense-t-on de nouveau, cette fois, non par Dieu, mais par les mécanismes du monde. Cette idée déplaît à Rousseau qui pense qu'il faut limiter le nombre de ses rayons, car à lancer trop de liens, on finit par être trop sollicité, à se disperser. Un problème subsiste : si le soleil est le centre du système solaire et que le système solaire n'est pas le centre de l'univers : où celui-ci se trouve-t-il ? Seul Kant propose une solution.



Le romantisme va plus loin que Rousseau : il faut couper tous les liens et favoriser l'introspection seule. Un grain de sable est un monde, l'individu est un univers. Dans sa bulle, le romantique cherche les vérités éternelles, telles que l'Eternité, le sens du présent, le divin et l'infini.



Ainsi chez Goethe, la sphère de son monde a beau être grande, elle est finie et le sens s'enroule autour de son axe centrale comme se répartissent les branches d'une plante autour de sa tige. Lamartine, Balzac, Vigny, Nerval, Poe, Flaubert, Claudel, Baudelaire, Mallarmé, James, Rilke, Eliot, Grillèn déclinent chacun leur conception du monde et de la connaissance en reprenant les limites et perspectives de l'image du cercle.



Un essai très étonnant et très instructif sur l'utilisation d'une figure géométrique dans la constitution de la pensée du transcendantal.
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