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Critiques de Georges Ribemont-Dessaignes (8)
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Jésus-Christ rastaquouère

Connaissez-vous Picabia ?

Francis Picabia (1879-1953) a passé sa vie à dépasser les bornes. Il vivait à cent à l'heure, Il adorait les bolides, la fête, l'opium. Dandy, séducteur invétéré et pourtant toujours fidèle à son égérie Gabriële Buffet avec qui il eut quatre enfants, il demeure insaisissable. Il ne s'est jamais laisser enfermer dans une école, un machin en-isme. Ils participa pourtant activement à tous les mouvements modernes. Il fut post impressionniste à succès, fauviste, futuriste, cubiste, dadaïste, surréaliste...Mais à chaque fois il prend le contre-pied de l'école dans laquelle la critique veut l'enfermer. Il fuit l'ennui et il se réinvente sans arrêt sous une autre forme. Terriblement anxieux, sans doute bi-polaire, il peignait quand il était euphorique et écrivait quand il était « neuneu ». Il trichait moins avec lui-même dans ses poèmes à la fois tragiques et drôles, pleins d'inventivité et en même temps limpides.



“Ne travaillez pas, n'aimez pas, ne lisez pas, pensez à moi ; j'ai trouvé le rire nouveau qui donne le laissez-passer. Il n'y a rien à comprendre, vis pour ton plaisir, il n'y a rien, rien, rien que la valeur que tu donneras toi-même à tout. »



Jésus-Christ Rastaquouère paraît à compte d'auteur en 1920, aux éditions Au Sans Pareil avec le label Dada. A l'époque un Rastaquouère désigne de manière péjorative un Sud-Américain "basané" qui étale ostensiblement sa richesse acquise d'une manière louche. Picabia coche toutes les cases. Cet ouvrage parfaitement inclassable est soigneusement composé : une dédicace « à toutes les jeunes filles », une introduction de l'indispensable Gabriële, une entracte d'une minute, sept chapitres subdivisés en court textes aux formes disparates. On y trouve des poèmes magiques, des aphorismes formidables et désopilants, des considérations philosophiques sur l'art, encore des entr'actes avec des histoires de mauvais goût pleines d'humour noir. Et puis trois dessins épurés de Georges Ribemont-Dessaigne. C'est très classieux comme disait l'autre. Picabia dézingue à tout va les institutions, la religion (« Il faut communier avec du chewing-gum, de cette façon Dieu vous fortifiera les mâchoires »), l'armée, la justice, la politique, le mariage, l'art... Comme Nietzsche qu'il a beaucoup lu, Picabia méprise la morale chrétienne mais contrairement au philosophe allemand, il rejette tout autant l'art. Il rejette tout ce qui est sacré, les corsets, l'autorité et tous les conformismes qui créent des cases dans lesquelles on enferme la personnalité et l'originalité des gens. Il peste contre le bon goût, la morale, la pureté : « La peinture est faite pour les dentistes. » En art, il déteste ceux qui se répètent, il préfère fuir : « L'art que j'aime est l'art des lâches ». Et puis c'est au récepteur en fonction de sa personnalité de choisir ce qui lui plait sans se laisser influencer. « Toutes les croyances sont des idées chauves ». Il se moque des critiques, des intellectuels, de l'esprit de sérieux, de l'oeuvre idéale. Il ne se prend pas au sérieux du tout, il ne s'aime pas, il se « déguise en homme pour n'être rien » et "fuit le bonheur pour qu'il ne se sauve pas".

Vraiment, je recommande !
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Jésus-Christ rastaquouère

J’avais trois quarts d’heure à perdre, un matin d’août, à Lille ... aller boire un café ? ... Mais avant, passer dans une librairie ... Sur un bristol, la petite note manuscrite en trois couleurs (rouge, bleu, vert) d’un.e libraire, attachée par un trombone à ce petit bouquin ; le dernier du magasin :

« « Je ne donne ma parole d’honneur que pour mentir » Picabia tire à gros boulets sur la famille, la religion et toutes les entraves - Dada vaincra ! Découvrez le livre préféré de Gainsbourg : « Celui qui n’a pas lu Jésus-Christ rastaquouère est vraiment le dernier des cons ». Ne vous laissez pas insulter si facilement !». *

Bon, d’accord ! Certaines chansons de Gainsbourg sont, à mon avis, de véritables chefs-d’œuvre, mais le bonhomme m’a toujours semblé n’être qu’un provocateur facile/habile et un con sentencieux (Sorry pour les fans).

Dans ce recueil dadaïste (1920) ; c’est-à-dire foutraque, naïf, nihiliste, absurde, insurgé et mélancolique ... sans oublier poétique, Picabia s’en prend effectivement à la religion, à toutes les religions. Mais surtout il secoue le cocotier du réel et des conventions. Il trifouille dans la plaie béante des idées reçues, ou l’on trouve pourtant de lumineuses pépites:

P.21 « Il n’y a rien à comprendre, vis pour ton plaisir, il n’y a rien, rien, rien que la valeur que tu donneras toi-même à tout »

p.22 « La réalité jette vos rêves sur le fumier ? Il faut enjamber ce fumier et entrer de plain-pied dans ce que j’appelle l’infamie rastaquouère »

p.35 « Je surpasse les amateurs, je suis le sur-amateur ; les professionnels sont des pompes à merde »

p.36 « Ce sont les mots qui existent, ce qui n’a pas de nom n’existe pas. Le mot lumière existe, la lumière n’existe pas »

p.60 « Je fuis le bonheur pour qu’il ne se sauve pas » (Gainsbourg’s inspiration ?!).

Allez, salut.

P.S. : * J’ai gardé le bristol comme marque-page, et j’ai laissé le trombone à un type qui jouait du bandonéon dans la rue ♪ ♫ ♪ ... à Lille, un matin d’août, où j’avais trois quarts d’heure à perdre.

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Ecce Homo

Dès le titre, Ecce Homo (1945) se présente comme un hommage à Nietzsche dont Ribemont-Dessaignes traduit alors les Poésies40. À travers ce récit en cinq étapes, le poète, figure emblématique de l’homme voyageur, l’éternel « Wanderer » romantique, modernisé par Zarathoustra, propose sa propre quête ontologique : « J’ai été cet enfant qu’arment mille flèches » (EH, 36), reprenant à son compte l’examen des diverses réponses philosophiques et religieuses données au Mystère de l’homme.



Appel aux Présocratiques dans le « Prélude des Origines » (EH, 27) qui ouvre l’opéra poétique que constitue Ecce Homo, ce premier texte en appelle aux quatre éléments pour expliquer la naissance de l’homme : eau, air, feu, terre surtout41. L’homme naît-il d’une graine germant en son sein, « Pour la vie éternelle / Pour la mort éternelle » ? Hypothèse qui n’explique ni la naissance, ni la création :



Oh, muette soit la question qui se pose !

Frères, je suis, mais je ne suis pas né.

Car l’homme se définit non par l’Être, mais le non-Être ; par le manque :

Et sur moi était la place du manque

Ô manque plus fort que l’existence.



Être de désir, il est voué à l’attente : « J’attendais, j’attendais, j’attendais », vers final qui entonne une fois de plus, le leit-motiv du chant philosophico-poétique de Ribemont-Dessaignes.



http://noesis.revues.org
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Jésus-Christ rastaquouère

Des impressions mitigées à la lecture de ce tout petit volume dadaïste. Il faut admettre que je suis bien loin de mes 18 ans et de ma fascination pour le courant surréaliste. Paradoxalement, il m'aurait fallu un peu plus d'innocence.

D'ailleurs, comment ai-je pu passer à côté de Jésus-Christ Rastaquouère à cette époque?! j'aurais adoré... un peu moins aujourd'hui.

Malgré quelques sourires et de nombreux échos à l'absurdité du monde actuel (et j'en suis très friande, évidence que l'absurdité du monde et de son chemin étaient déjà visibles il y a un siècle), difficile de garder le fil (et c'est bien l'un des principes de dada...) avec plaisir.
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Jésus-Christ rastaquouère

Ce livre est incroyable! A la surface il est teinté à tire-larigot de dérision et il est en profondeur imbibé de nihilisme. Sans oublier qu'il tire à boulets rouges sur toutes les conventions sociales tels que le mariage, la religion, la guerre etc.. J'ai connu cet ouvrage grâce à Gainsbourg qui possédait une édition originale.

pour finir voici quelques joyeusetés issues de ce bouquin iconoclaste : "Je ne donne ma parole d'honneur que pour mentir" "Notre phallus devrait avoir des yeux, grâce à eux nous pourrions croire un instant que nous avons vu l'amour de près"

Un de mes livres de chevet.
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Jésus-Christ rastaquouère

Lire Dada, comme écrire Dada, ouvre un instant la braguette cervelière. Picabia parle aux jeunes filles. C’est donc à moi qu’il s’adresse, puisque quand Picabia parle, il parle aussi son contraire. Que me dit-il ? Il ne me dit rien qui vaille, il dégomme autorités, arts, famille, religion, patati, patata, il déverrouille toutes les ceintures de chasteté. De temps en temps un éclat de rire surgit, puis cela semble de la plus haute importance, puis c’est à nouveau ailleurs. Etre Dada, c’est être par principe là où on ne vous attend pas. Y a-t-il plus à comprendre ? Non, bien sûr. Comprendre n’a aucun intérêt. Il faut se laisser aller, c’est tout, et communier au chewing-gum.
Lien : https://www.lie-tes-ratures...
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Déjà jadis

Ribemont -Dessaignes figure parmi les cibles du deuxième manifeste du Surréalisme d'André Breton. Aussi Ribemont rapporte-t-il dans "Déjà jadis" des anecdotes qui ne grandissent pas le "pape du surréalisme", comme ce débat au sujet d'un portefeuille trouvé, ou la crainte de rencontrer AnaÏs Nin, Breton redoutant qu'on cherche à le piéger. Ribemont a passé les dernières années de sa vie à Saint-Jeannet, petit village des Alpes Maritimes, au-dessus de Vence. Il se trouvait dans une situation matérielle difficile. J'ai appris par un libraire de Nice que plusieurs écrivains (dont Breton et Char) l'avaient aidé financièrement, grâce à une vente de livres.

Dans les années 1970 , le directeur de la Galerie de peinture Chave à Vence, organisait des visites au poète. Je désirais m'inscrire, mais quand je pris ma décision, M. Chave m'informa que Ribemont- Dessaignes était décédé.
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Monsieur Jean ou l'Amour absolu

Georges Ribemont-Dessaignes est un nom connu… Seulement à partir du moment où, justement, on le connaît. Alors, il apparaît partout.
Lien : https://www.actualitte.com/a..
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