- Je t'aime comme un dessert. C'est un mets qui se déguste avec plaisir, qu'on savoure avec délice et volupté, même si on n'a pas faim.
Elle le prit par la main et l'entraîna dans la chambre.
- On ne saurait tirer l'aveugle de ses ténèbres. Tous les soldats doutent à un moment du bien-fondé de leur action. Fais-toi confiance. Mais n'oublie pas, tout est écrit dans le Coran, Dieu ne parle pas, ce sont les hommes qui parlent pour lui.
" François, durant ces prochaines minutes, ne pense qu'au boulot. Tu vas faire des choses risquées mais tu ne fais pas n'importe quoi. J'ai confiance en toi. Tu as une famille et elle compte sur toi. Rappelle-toi notre devise : penser en homme d'action, agir en homme de pensée."
Shadia savait que de nombreux ingénieurs militaires russes ayant fui le nouveau régime s'étaient reconvertis en prestataires de services pour la grande criminalité. Ce sous-marin avait été commandé par un baron de la drogue, conçu et construit par les Russes de l'ancienne URSS.
Chacun savait ce qu'il avait à faire. Tous les gars devaient être vigilants durant l'échange, il fallait se méfier de tout le monde. Les concurrents qui essayaient de vous voler la « came » étaient légion dans ce monde impitoyable. Finalement, la police était le problème le moins important.
Avant d'ouvrir la portière, François vérifia que son arme était chambrée en tirant légèrement la culasse en arrière. « Prudence est mère de sûreté », dit le proverbe, sachant qu'un flic prévoyant a plus de chances d'arriver sain et sauf à l'âge de la retraite.
Ses yeux étaient d'une profondeur et il pensa au poème de Louis Aragon
amoureux fou d'Elsa Triolet. "Tes yeux sont si profonds qu'en me penchant pour boire, j'ai vu tous les soleils y venir se mirer."
Le souvenir des morts hante ma mémoire et la réminiscence de ces heures d’une violence inouïe, du combat rapproché, des tirs des terroristes sur mes hommes me remplit d’effroi. Ces flics au grand cœur et au courage immense, je les connais tous. Je supporterais difficilement d’en perdre un seul.
Aujourd’hui, mon père n’est plus. Je me trouve dans le cimetière où il repose, au pied de sa tombe où je me recueille en compagnie de mon frère aîné, Gilbert, qui m’accompagne comme souvent. Je pense à tous ces moments de bonheur à jamais enfouis. Je revois mon père, de retour à la maison, le soir, harassé de fatigue, me souriant et me caressant la tête. Il était mon héros et n’a jamais cessé de l’être. Héros des Temps modernes, affrontant les méchants, sortant vainqueur de toutes les situations, sauvant le monde, figure hors du temps et hors du commun.
Sa tombe est continuellement fleurie de bouquets multicolores ainsi qu’il les aimait. Ce n’est pas le cas des sépultures voisines, si peu entretenues, si désespérément nues. Gilbert m’abandonne un instant avant de revenir les bras chargés de fleurs qu’il dépose sur toutes ces tombes qui paraissent vouées 10à l’oubli. Puis il me regarde en souriant et m’explique que c’est beaucoup mieux comme ça, qu’il faut s’occuper de tout dans ce monde égoïste. Mon père aurait apprécié son geste.