Entretien chez Thinkerview :
Georges Ugeux : La Finance destructrice de démocratie ?
La finance ne cherche pas à être équitable, elle recherche son propre intérêt : les marchés financiers sont un lieu privilégié de cette recherche. Ils rassemblent tout au plus 10 % de la population et 90 % de la richesse mondiale.
Il y a une discordance entre les rémunérations parfois pharaoniques des dirigeants des grandes entreprises et la manière dont ils plaident l'ignorance ou leur innocence lorsque la situation se détériore.
A la différence d'une action ou d'une obligation, les cryptos ont un impact négatif sur l'économie. Ils constituent une fuite devant la monnaie et l'épargne qui s'engouffre dans ces instruments va aux vendeurs, et sort de l'économie. Aucune valeur sociale n'en fait partie. C'est un immense jeu entre riches qui ont invité les moins riches à spéculer sur un actif de nature indéfinie, traité sur des bourses qui n'en sont pas, et inaptes à être un moyen de paiement ou une unité de compte.
Le système des stock-options a ceci d'inéquitable que le bénéficiaire ne doit pas investir pour pouvoir bénéficier de la plus-value. Qui plus est, il est à sens unique. Si le cours de Bourse baisse, c'est un manque à gagner, mais pas une perte. Si le cours a monté, l'exercice de l'option permet un profit immédiat.
Les marchés financiers sont devenus trop importants pour être laissés aux seules mains des financiers. C'est l'inflation des actifs qui nous menacent, pas celle des biens et des services.
Le 24 novembre 2020, en plein milieu de la seconde phase de confinement, l'indice Dow Jones a dépassé le cap de 30 000 points pour la première fois au grand plaisir et dans le délire de Wall Street. Depuis sa chute brutale en mars 2020, l'indice a augmenté de plus de 100 %, ignorant les conséquences structurelles d'une pandémie qui a fait vaciller la planète. L'année boursière aura été une démonstration grandeur nature de la déconnexion des marchés financiers par rapport à l'économie réelle.
La transformation de la fiscalité a probablement échappé à la grande majorité de nos concitoyens. Conçue après la guerre comme une fiscalité de redistribution des revenus entre les plus fortunés et les moins favorisés, elle a perdu cette fonction pourtant essentielle à une économie solidaire, avec l'augmentation drastique de l'impôt inégalitaire sur la consommation et la diminution de l'impôt sur les entreprises.
La dette est comme l'alcool, l'abus peut être mortel.
Quelqu'un pourrait-il démontrer la valeur ajoutée du fait de séparer les divers éléments d'un produit financier, de négocier le dividende et l'action sans dividende ? Ce sont là de fausses innovations : il s'agit simplement de diviser les jetons de casinos. C'est de la pure spéculation qui permet aux traders de se faire payer deux fois.
ce que l'on appelle le dark side (côté obscur) de la finance est incroyablement actif et nous serions naïfs de croire que les réformes ne feront pas l'objet d'une opposition féroce et d'un lobby puissant du monde financier qui, malgré son rôle constructif, cache des pratiques frauduleuses pour ne pas dire criminelles.