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Critiques de Georges Vigarello (58)
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Le propre et le sale

Georges Vigarello a été un de mes profs les plus marquants.

"Le propre et le sale" est une analyse historico-sociale de l'hygiène depuis le moyen âge.

Ce livre pose surtout la question de l'interruption de l'utilisation des bains-douches entre le XVè siècle et le XIXè siècle.

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Georges Vigarello fait la démonstration suivante.

En fait, au moyen âge, il y avait les bains publiques. Les gens se lavaient dans de grands baquets, à plusieurs.

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Puis la peste noire est arrivée au XIVè siècle. Venue d'Asie, elle a fait de terribles dégâts en Europe, tuant la moitié de la population, déjà affaiblie par la famine.

Beaucoup ont pensé que la peste se transmettait par l'eau qui, en ouvrant les pores, permettait à la maladie de passer.

Les gens n'utilisèrent donc plus l'eau... et, à la Cour, les fards surabondants remplacèrent les bains. Les gens noyés de parfums, cachaient leur odeur... pestilentielle !

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Mais les médecins, qui ont "supprimé" l'eau, la remettent au goût du jour. Au XVIIIè siècle, puis surtout au XIXè, découvrent les bienfaits du thermalisme. Sous le Premier Empire déjà, la famille impériale a coutume d’aller prendre les eaux à Bourbonne, Aix ou encore Plombières. Elle donne le ton...

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Un livre agréable à lire, bien écrit, et bien documenté.
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Histoire du viol

Je comprends qu'on ait honte de dire qu'on a été violé(e) : on a peur qu'on se moque de nous, qu'on nous repousse.

C'est un livre d'horreurs, et pas d'horreurs de fiction.

Mais Georges Vigarello l'a extrêmement bien documenté, avec beaucoup de références et beaucoup de cas présentés.



Il décompose l'ouvrage en trois parties.

Sous l'Ancien Régime, le viol était presque normal, et la jeune fille, la femme "appartenait" soit au père, soit au mari, et donc, dans les tribunaux, on parlait de "rapt", de vol d'une chose possédée. Peu de viols étaient signalés, peu étaient jugés, et d'une façon très laxiste : le vol d'objets était plus important.



Sous la Révolution, la liberté est apparue, la laïcité aussi.

D'un code moral, on est passé à un code social ;

du péché, on est passé au danger social.

La personne violée et tuée est prise en compte, car l'horreur du sang, les crimes de sang sont montés en épingle par La Gazette des Tribunaux, et les canards. La violence physique commence à impressionner l'opinion, et les lois sont plus sévères, mais l'application de la justice, c'est :

doucement le matin ;

pas trop vite l'après-midi.

En 1810, on distingue attentat à la pudeur, et viol : la justice bouge, affine et distingue des seuils de violence. La sodomie fait maintenant partie des affaires judiciaires, et non plus des attentats contre-nature voués à l'enfer par les curés.

A la fin du XIXè siècle, Cesare Lombroso, avec ses mesures de crânes, pense que la cause du viol est l'hérédité ;

Lacassagne pense que l'influence du milieu est plus importante : le vagabond sauvage, le "monstre" des campagnes, les ouvriers, en promiscuité dans les bidonvilles poussés trop vite, à cause du développement industriel.

On commence à découvrir des serial-killers comme Jack l'Eventreur ou Vacher ( 28 victimes ), qui est condamné à mort.

En 1929, M. Dide utilise le terme de pédophilie.



Dans l'époque moderne, le procès d'Aix ( 1974-1978 ) où deux touristes Belges sont violées et assassinées dans le sud de la France, fait bouger les choses : le féminisme dit "non, c'est non !" et le consentement implicite de l'Ancien Régime disparaît complètement.

De plus la dimension psychique de la victime, avec les progrès de la psychologie, est prise en compte ; on découvre la destruction mentale de la victime.

En 1996, l'affaire Dutroux mobilise Bruxelles, et pratiquement le monde entier y est sensibilisé. A l'époque de publication du livre de Vigarello ( 1997 ), il y avait deux petites victimes mortes ; mais en 2004, on en découvre d'autres.

L'enfant, dit Vigarello, remplace Dieu dans la symbolisation des parents, il est sacré. Et les violeurs d'enfants, on s'aperçoit que cela peut être "monsieur tout le monde", le voisin ! Ils encourent 15 ans de prison, mais 10% à 20% récidivent. Les instances judiciaires réfléchissent encore à une neutralisation complète et à vie des pédophiles.



J'ai lu ce livre pour trois raisons : Georges Vigarello, que j'ai eu comme enseignant est mon prof préféré ; c'est un passionné, un éclectique, un philosophe, une personne qui s'interroge sur l'hygiène, l'histoire et le sport.

Et deuxièmement, il y aura un viol dans "LOUISE", à cette époque pas si lointaine, celle des mousquetaires, où la femme, excepté chez les nobles, était une possession, ne servait qu'à faire des enfants et entretenir la maison.



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La robe

Très belle et agréable surprise de découvrir l'édition en format poche du Beau-Livre La robe, une histoire culturelle du Moyen-Âge à aujourd'hui de Georges Vigarello que j'ai eu le plaisir de lire à l'occasion de la dernière Masse Critique.

L'histoire extraordinaire d'un vêtement féminin emblématique au fil des siècles dans l'Europe occidentale et outre- Atlantique.



Son petit format n'empêche aucunement l'abondance des explications et ne prive pas les yeux de la richesse iconographique des tapisseries, Livres d'heures, peintures, photographies et autres visuels du XIIIème à nos jours.



Ce très bel ouvrage est une mine d'or sur les évolutions de la représentation de la femme, son rôle, son statut à travers les modifications de la robe. La robe sous toutes ses formes, étoffes, décors, couleurs et accessoires épouse indéniablement les contraintes ou les libérations de son époque.



C'est ce que nous explique Georges Vigarello, dans une analyse fine et pointue à partir de sources diverses que l'on retrouve dans la bibliographie à la fin de l'ouvrage.



George Vigarello, historien spécialiste des représentations du corps démontre de manière brillante dans un langage parfois technique mais compréhensible les liens indissolubles entre l'évolution de la robe et les mutations profondes de la société.



Evolution et concurrence parallèle entre la robe et l'émergence du port du pantalon revendiqué par la femme.

C'est ainsi que j'ai appris en lisant ce livre l'existence du mouvement Bloomérisme qui s'est créé en 1855 à Boston par Amélia Bloomer qui prône l'égalité et le la liberté de mouvement par le port du pantalon qui prend originellement la forme suivante pour ne pas choquer « jupe courte pour ne pas gêner la marche, culotte longue, tunique et pantalon ».



Lire l'histoire de la robe, c'est faire un très beau voyage dans des chapitres dédiés aux grandes époques qui ont marqué la robe après Eve.



Entre autres, le XVI ième siècle, le siècle de la géométrie et des nouvelles inventions qui vont influencer le code vestimentaire de la femme, image parfaite de ce que l'on attend d'elle. Laçage étroit du buste jusqu'à l'étranglement, bas encombré par les arceaux exubérants des vertugadins venus d'Espagne. Une image de la femme fragile et statique, privée de ses mouvements, de ses décisions.



Révolution de la robe légère antique légèrement transparente, figure de la libération de la femme avant le retour à la restauration des formes, portrait redevenu rigide avec l'apogée de la crinoline au 19ième siècle et les jolis mots de Baudelaire « elle s'avance, glisse, dans, roule avec son poids de jupons brodés qui lui sert à la fois de piédestal et de balancier ».



Les années après-guerre, robes en corolle, en fleurs pour mieux danser. le tailleur de Christian Dior qui a fait débat par le retour à une certaine rigidité car le haut est galbé, étroit, la jupe noire s'élargit, veste bombant les hanches selon les procédés anciens.



Et mon grand final et mon coup de coeur pour les femmes volantes de Courrèges dans les années 60 : robes raccourcies au genou, effacement de la taille. le film Les demoiselles de Rochefort sont la parfaite représentation de ce nouvel élan vestimentaire.



Entre résistance culturelle et libération de la femme en tant qu'individu, la robe n'a pas fini de parler d'elle dans le monde de la mode et bien au delà.



Un très beau coup de coeur !



Je remercie Babelio et les éditions Points de m'avoir fait découvrir ce bel ouvrage !



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Histoire

A l'aide, les techniciens de Babelio ! ! ! .L'auteur n'est pas "inconnu", mais Georges Vigarello, mais je n'ai pas réussi à l'imposer comme auteur sur le site, lors de l'ajout de ce livre.

L'auteur, dans cet opuscule, répond à des questions sur le fabuleux développement du sport, qu'il compare aux jeux de l'Ancien Régime auxquels il succède. Des compagnies de tir réservées aux nobles, et des parties de paume du XVIIIè siècle, aux grands événements sportifs mondiaux d'aujourd'hui, que s'est il passé ? Eh bien, avec une problématique "espace-temps-progrès industriel", Georges Vigarello explique l'essor fantastique des sports en un siècle, de la fin du XIXè à maintenant, et il met en avant la passion et le spectacle, cadrés par le règlement et les arbitres... Mais est ce suffisant ?

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Georges Vigarello est à la fois diplômé en EPS et en philosophie. C'est un passionné d'histoire que j'ai connu lors d'une formation EPS, et un de mes maîtres à penser.

Comment le sport a t-il volé la vedette aux autres sujets qui intéressent les gens, comme la politique ?

Sans raconter le livre, je vais signaler deux choses intéressantes.

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D'abord, cette approche espace-temps sur laquelle il insiste est particulière.

Le temps "s'allonge".

"La société industrielle qui a un côté écrasant, a aussi un côté libérateur". Il y a en effet création de temps libre, fin XIXè / début XXè, permettant l'essor de la pratique sportive et de la société de loisirs. Joffre Dumazedier (et d'autres ) analyse ce phénomène dans "Vers une civilisation du loisir ?"

L'espace, lui, "se raccourcit" grâce au progrès industriel, et le chemin de fer, la route permettent aux équipes de faire des rencontres sportives.

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Un deuxième point a attiré mon attention.

La transcendance.

C'est quoi ?

"C'est le fait de se projeter dans de l'ailleurs". Ah bon...

Oui, l'idéal communiste, par exemple, a vécu. L'idéal religieux aussi. La transcendance actuelle, dans notre société postmoderne, est de se projeter vers des héros sportifs, ou de s'occuper de soi, d'où l'essor des clubs de fitness, par exemple.

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Beaucoup de points sont abordés. L'angle historique est très clair. L'aspect social aussi. La vue philosophique serait la transcendance, l'objectif d'une ( grande ) partie de l'humanité.

Vigarello n'omet pas les débordements satellites négatifs du phénomène sportif : violence et anabolisants. Et il remarque que, comme dans la "vraie" société, le publique n'est pas empathique avec ses héros : dans la poche du maillot de Simpson, sur le Ventoux en 1967, des amphétamines ont été retrouvées... Il a triché ! ... peu de spectateurs ont pensé qu'il est mort, il a surtout triché !

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Même si grâce au sport, j'apprécie le possible rapprochement des deux Corée, je rajouterai surement deux choses.

Les "débordements" financiers ( l'éternelle avidité ) sont extraordinaires, mais qui cela gêne ? Moi, mais je ne suis rien ! Pourquoi un Raphael Nadal, que par ailleurs j'adore, gagne tellement plus que moi ? Oui, je sais, il fait le spectacle, pas moi.

Le détournement politique. Pendant qu'on regarde la Coupe du Monde, les Jeux Olympiques ou autre, on ne pense pas à par exemple, à la CSG ou au carburant qui augmentent ! Le sport a pour moi la même fonction politique que les jeux du cirque pour Jules César.

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De toutes façons, les individus, même s'ils prennent de plus en plus en charge leur corps, prennent-ils le temps de penser par eux-mêmes ?

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Histoire de la beauté : Le corps et l'art d'e..

Directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, Georges Vigarello propose ce livre au titre aguicheur. Le voyage commence au XVIe siècle pour se terminer vers l’an 2000 et se déroule dans le monde occidental. C’est donc à l’évolution du concept dans notre culture, à partir de la Renaissance, qui s’intéresse l’auteur.



Georges Vigarello place d’une certaine manière la naissance de la notion à l’époque de la Renaissance. Il s’agit surtout de la beauté féminine, et elle est très concentrée sur le visage, les parties hautes du corps. Le bas, caché par les vêtements, n’existe pas. L’homme, quand à lui, n’a pas à être beau : il travaille et combat, et la rudesse ne le dépare pas, elle affirme son identité. La beauté de la femme, la douceur des traits, signifie aussi soumission à la force masculine. La différence dit une hiérarchie.



Le XVIIe siècle va polir le langage qui va célébrer la beauté, en mettant l’accent sur certaines de ses parties : bouche, oreilles, genoux ou pieds. Le port, la taille, la manière de se tenir, deviennent signifiants, au-delà de l’harmonie ou de la joliesse des traits il s’agit de rentrer dans un jeu social policé, d’exprimer une âme, des sentiments, de communiquer, et signifier son rang, sa place dans le jeu des rapports humains raffinés, aristocratiques. La grâce est essentielle, il s’agit d’assujettir le corps à la raison, quitte à le travailler pour correspondre à cet idéal. C’est donc un corps maîtrisé qui est célébré, opposé aux corps des paysannes, dont le naturel dénote d’un laisser-aller qui n’est pas valorisé.



Le XVIIIe siècle annonce un retour de la volupté : est beau ce qui plaît, ce qui attire. Les sens priment plus qu’une conception normée. La beauté devient relative :  « Demandez à un crapaud ce que c’est que la beauté ! » écrit Voltaire.

Mais en même temps, il y a une tentative d’analyse scientifique : on mesure, on évalue les proportions. Le regard médical scrute, adopte une attitude systématique, notamment pour l’armée, pour repérer les mutilés, les infirmes, les inaptes.

La revendication d’une forme de naturel fait son apparition : le corset s’assouplit.



Le XIXe siècle apporte de nombreuses transformations. La gymnastique fait son apparition, la respiration et la musculature sont indissociables de la beauté, qui se traduit notamment par le buste, sa tenue. Pas de beauté féminine sans les hanches, sans une chevelure lourde, opulente. La beauté masculine quand à elle prend différentes formes : l’homme sportif, en pleine forme, mais aussi le dandy. Les glaces se répandent, on peut se scruter, travailler son apparence. Certaines parties du corps se montrent davantage, comme les jambes. Les grands magasins, le commerce qui se développe, se mettent au service de la beauté, les produits se démultiplient, sont promus par la publicité.



Le XXe siècle met l’accent sur la volonté : la beauté se travaille, s’achète aussi, les hommes sont aussi concernés que les femmes. L’androgynie et l’idéologie du bien être affichées, cachent une forme d’injonction, à trouver certes sa beauté propre, mais sans laisser aller. D’où l’explosion du marché des produits, des services.



C’est très intéressant par moments, mais je trouve que c’est tout de même très survolé sur certains points, en particulier au vingtième siècle, au cours duquel des visions différentes existent, sans oublier des aspects idéologiques, assez peu abordés. Il manque peut-être le choix d’un angle d’attaque précis, pour cerner un concept polysémique et très riche, qui ne peut être appréhender dans un livre de cette taille que de manière partielle.
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Le propre et le sale

J'ai appréhendé pour la première fois les travaux de Georges Vigarello par le biais de conférences en ligne, comme ce fut également le cas pour Michel Pastoureau. Enthousiasmée par ses interventions, j'avais donc l'intention depuis un moment de lire un de ses essais. Le propre et le sale, un des ses ouvrages emblématiques et devenu un classique depuis sa parution en 1987, paraissait tout indiqué pour commencer, d'autant qu'une édition augmentée de nombreux documents iconographiques a été publiée assez récemment, en 2013.



Ici, Georges Vigarello nous confronte avec, non seulement, l'évolution des pratiques d'hygiène corporelles du Moyen-âge à la fin du XIXème siècle, mais aussi avec l'évolution des représentations de la propreté, et donc de ses critères. Et le message passe clairement : la propreté, c'est avant tout une question d'imaginaire, y compris lorsqu'on pratique une approche scientifique du sujet et que l'on découvre, comme au XIXème siècle, microbes, bactéries et autres monstruosités invisibles.



Le style a parfois été qualifié de pompeux ; je ne suis pas franchement d'accord. On a là un ouvrage érudit, écrit par un historien qui s'exprime particulièrement bien, et c'est tant mieux, car ce n'est pas toujours le cas. Et on ne peut pas non plus reprocher à l'auteur de multiplier les références aux sources, essentielles. Certes, il n'est pas toujours très alléchant de lire à la suite plusieurs comptes-rendus d'inventaire post-mortem, avec le nombre de chemises que possédait le défunt. Mais on imagine mal Vigarello écrire : "Il existe des sources qui attestent de ceci ou cela, mais je n'entrerai pas dans le détail et je ne les citerai donc pas, pour ne pas ennuyer mon lectorat." Bien entendu, c'est pour cette méthode qu'opterait un... voyons, qui pourrais-je nommer ? Un Michel Onfray, disais-je, qui, lui, ne s'encombre pas de scrupules pourvu qu'il parvienne à séduire un très large public. Mais ce serait légèrement contraire à la démarche d'historien de Georges Vigarello (ah ben oui, c'est facile de taper sur Onfray, je sais bien)...



En revanche, le rythme est franchement lent. On comprend bien que Vigarello ait à cœur de bien faire comprendre ce qui différencie fondamentalement les représentations du propre et du sale à travers les siècles, mais il en devient répétitif. C'est le côté un peu pénible de son essai. C'est cependant compensé par un travail assez remarquable sur un sujet passionnant et qui m'a pourtant, je l'avoue, légèrement laissée sur ma faim. J'aurais aimé savoir comment on était passé d'une société romaine où la fréquentation des bains publics est normale, à une société médiévale où l'usage de l'eau est proscrit pour la pratique hygiénique corporelle. Il me semble que les épidémies de pestes et la réputation sulfureuse des étuves n’expliquent pas tout. D'ailleurs, c'est quelque chose de récurrent : si l'on suit très bien l'évolution des pratiques et des représentations de la propreté dans la société, on comprend parfois difficilement comment les glissements se sont opérés, car notre Georges Vigarello ne l'explique pas toujours.



Pour finir, j'ajouterai qu'un glossaire recensant des mots ou expressions comme "humeurs" ou "lois somptuaires" n'aurait pas été inutile. C'est un détail, mais qui pourrait faciliter la lecture de cet essai dont, je le répète, le sujet est passionnant et pour lequel un travail extrêmement intelligent et minutieux a été effectué.
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Une histoire culturelle du sport : Techniqu..

"Techniques d'hier et d'aujourd'hui" décrit l'évolution des sports dans leurs gestes, mais aussi dans le matériel, photos à l'appui.

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Dick Fosbury, médaille d'or en 1968, a inventé le Fosbury flop, passant la barre sur le dos. Cela a permis aux sauteurs de gagner quelques centimètres, le centre de gravité sur le dos étant plus près de la barre que sur le ventre.

L'analyse de l'évolution de la perche, avec le matériel en bambou et fosses en sables, puis en aluminium, et enfin en fibre, rendant l'élasticité emmagasinée, et fosses en matelas, est remarquable, signifiant que les records ne sont pas uniquement dus aux muscles et à l'entraînement.

Différents sports, avec de superbes photos, sont ainsi passés au crible. En natation, outre l'évolution des styles, des maillots et de l'entraînement, le fait d'avoir des lignes d'eau brises-vagues ont contribué à une meilleure allonge et une meilleure respiration.

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Georges Vigarello est mon conférencier préféré !

C'est un homme aussi brillant dans son écriture que dans sa parole. C'est un passionné !

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En outre, son physique de Jules César n'est pas pour gâter les choses !
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Histoire des pratiques de santé

Lu dans le cadre de mes études, cet ouvrage est vraiment passionnant. Fourmillant d'anecdotes historiques et scientifiques, l'auteur retrace l'évolution des pratiques de santé, du Moyen-Age jusqu'à nos jours.

Il analyse notre appréhension du sain et du malsain depuis cette époque, l'évolution de nos coutumes, la perception de notre corps et des maladies. On commence avec les pratiques qui paressent aujourd'hui farfelues mais courantes aux Moyen-Age, puis la progressive compréhension de ce qui est réellement bon ou non pour notre corps. Les progrès de la science nous mènent à certaines révolutions (la microbiologie avec Pasteur) qui ont complètement changé nos connaissances et nos mœurs sur l'hygiène et les maladies et qui sont les fondements de certains points de notre société actuelle.



Ce livre permet de comprendre et d'apprendre beaucoup de choses. Très bien structuré, bien que rébarbatif sur certains sujets, le propos est assez abordable ce qui en facilite la lecture et le rend encore plus passionnant.

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Le corps redressé

Aujourd'hui, grâce aux avancées médicales et scientifiques, nous avons l'impression de bien connaître notre corps. Mais notre rapport au corps n'a pas toujours été ainsi. Le corps aussi a une histoire et son dressage est loin d’être anecdotique. « Tiens-toi droit, relève-toi, rentre le ventre, dégage les épaules, lève le menton, sors la poitrine: redresse-toi ! ».

Georges Vigarello, ancien professeur d'éducation physique, agrégé de philosophe et historien, publie à nouveau, quarante ans après sa première parution, sa thèse de doctorat : « Le corps redressé ». Tout le travail de Georges Vigarello porte sur l’histoire des représentations et des pratiques du corps. Il obéit à un projet bien particulier : montrer combien ces représentations et ces pratiques révèlent, dans leurs trajets historiques, des changements majeurs de culture sinon de société.

Depuis quarante ans, l’auteur creuse ces sillons et vient très récemment d’ailleurs de publier un ouvrage qui porte sur le corps susceptible d’être agressé (violence et viol) avec « Histoire du viol, XVIe-XXe siècles ». Dans « Le corps redressé », il offre une vision historique et donc évolutive du corps et de ses représentations. Ses préoccupations portent sur le corps avec ses normes et sur les pratiques destinées à l’embellir, à l’entretenir.

L’hypothèse forte qui est à l’origine de cette thèse c’est que les représentations du corps changent avec le temps et que ces évolutions nous en disent beaucoup tant sur nos corps que sur la manière de les penser tout au long du continuum historique. Il porte donc une attention très forte, d’un point de vue historique, aux déplacements des seuils de sensibilité permettant de qualifier les normes de l’attitude physique.

« Le corps est le premier lieu où la main de l'adulte marque l'enfant » à partir de ce constat, sa réflexion se nourrie de deux types de questions :

1. Comment se fait-il que nous soyons contraint d’obéir à des normes corporelles ?

2. Comment se représente-t-on son corps ?

Il nous montre qu’à la Renaissance le fonctionnement du corps est compris comme totalement inféodé aux humeurs, liquides corporelles et autres flegmes. Dans ces conditions, ce qui importe à l’époque, c’est la gestion de ces liquides : le corps de l’enfant est vu comme une pâte molle que l’on peut façonnée avec la main. Au dix-huitième siècle cette représentation évolue vers un fonctionnement désormais comprit comme relatifs aux nerfs, aux courants et aux tensions. Enfin plus près de nous le corps est associé à la combustion, il devient une sorte de bruleur énergétique et ce qui importe désormais ce sont les combustibles, l’oxygène bien sûr, mais aussi les aliments. Il faut lui fournir les aliments en qualité et en quantité requise pour un fonctionnement optimal.



Traité un tel sujet de manière historique pose forcement la question des sources. L’auteur a développé une méthodologie tout à fait singulière axée sur un recours aux textes qui sont sa source dominante.

Il prend des indices dans les lettres, dans des remarques de médecin, dans la littérature qui fournit un reflet de l’immédiat et du concret (Proust, pour la période plus récente est une mine à cet égard).

Mais les silences eux-mêmes peuvent être évocateurs, car il y a les informations que l’on trouve et celles dont on trouve l’absence. Au dix-septième siècle, par exemple, la littérature laisse très peu de place à l’intériorité, ce qui en soi est une information historique.

Cette histoire est aussi l'occasion d'observer les contraintes volontairement posées sur le corps, dont les premières cibles sont les femmes et les enfants. C’est bien sûr une histoire de pouvoir. Le pouvoir de la main de l’adulte d’abord qui à la Renaissance doit modeler le corps de l’enfant comme une argile molle. Cette main va trouver des substituts matériaux et mécaniques au dix-septième siècle avec notamment l’instauration du corset. Dans la période suivante avec Rousseau le dispositif est considéré comme par trop douloureux et la contrainte se déplace en terme de mouvements qui vont évoluer vers une gymnastique maniaque, de plus en plus précise où il sera question de gestion d’énergie et prise de conscience de son propre corps.

Pourtant et de manière paradoxale ; cela ne va pas aujourd’hui sans l’affirmation du sujet, l’individualisation des normes, la singularité, la non unicité des modèles (penser au Yoga par exemple).

Cet ouvrage est tout à fait passionnant et la lecture ne se départit pas d’un appétit gourmand, malgré ses 430 pages denses.
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Les métamorphoses du gras : Histoire de l'obési..

Parce que le gras semble doté d’une vie à part, qui lui permettrait de se mouvoir, de croître ou de dépérir au gré des apports lipidiques de chacun, cet essai de George Vigarello porte bien son titre. Les métamorphoses du gras, suivi de la mention presque anecdotique de ce qui constitue pourtant le sujet de recherche principal de l’auteur -Histoire de l’obésité-, s’inscrit dans un paradigme contemporain de dénonciation et de matraquage lipidique, en face desquels la maîtrise de son poids de forme apparaît au contraire comme une obole promise à tout bon élève.





En fait d’histoire, George Vigarello distingue six périodes qui se suivent de près au cours des derniers siècles écoulés. De plus, il faut peut-être le préciser, cette histoire ne concerne que notre bonne vieille Europe occidentale. Au-delà de ces frontières, l’étude de la thématique aurait peut-être nécessité une somme trop importante pour être finement analysée. Nous nous contenterons donc d’une vision du gras ciblée et précise –à l’ère de son observation minutieusement médicale, cela ne saurait plus surprendre.





Avant le Moyen Âge, le gros semble surtout briller par son absence. Pas qu’une gestion déficitaire des denrées alimentaires n’empêchât la population d’alors de s’empâter à loisir dans ses chaumières, mais parce que si la gloutonnerie ou le bon appétit existaient bien dans les textes, les vignettes et autres fresques de l’époque semblaient se refuser à exprimer les variations de silhouette.





« Le « gros » s’impose d’emblée dans l’intuition ancienne. Il impressionne. Il séduit. Il suggère aussi : incarnant l’abondance, désignant la richesse, symbolisant la santé. Signes décisifs dans un univers où règne la faim, sinon la précarité. »





Au Moyen Âge, commencent à se développer des associations encore relativement discrètes entre l’appétit et la corpulence. On retient en priorité l’image gargantuesque du bon vivant, telle que développée par Rabelais : bon mangeur et gai luron, sachant reconnaître dans la profusion des banquets et des ripailles une manne qu’il serait honteux de mépriser dans des temps où la disette pouvait menacer tout un chacun, c’est un personnage joyeux et sensuel –ce que l’Eglise ne tardera pas à condamner- à condition de ne pas dépasser les limites de la bienséance visuelle. Entre le « gros » et le « très gros » monstrueux et morbide, aucune échelle n’est encore établie. Dans le texte, on passe de l’un à l’autre comme de la joie à la frayeur. C’est qu’aucun moyen de mesure ou de détermination n’a encore été instauré pour jauger la corpulence.





Avec la Renaissance, les progrès des connaissances dans la médecine, la peinture et dans le développement de la vie intellectuelle en générale font émerger une image du gros plus singulière, que les nouveaux arts ne tarderont pas à étudier. La perspective en peinture fait naître un intérêt croissant pour la représentation des silhouettes. Si ce détail, jusqu’alors, avait pu être négligé, l’observation croissante, accrue, permet de découper plus finement la population en tranches de corpulences distinctes. La médecine tente d’expliquer ces variations par la théorie des humeurs –le gras est alors fluide qui se déplace dans les réseaux lymphatiques-, ou comment les théories médicales héritées de l’Antiquité se mêlent aux découvertes des premières dissections humaines. Surtout, dans cette période de grande stimulation intellectuelle et d’ouverture sur le monde, le gros représente le flegmatique repu –l’absence de curiosité-, la mollesse, l’indolence, tous caractères moraux qui s’opposent à la marche en avant de ce siècle.





« La graisse fabriquerait de l’impuissance. La carence du gros devient, avec la modernité, celle des dynamiques et des capacités. Elle avive aussi des dénonciations collectives, où l’embonpoint des nantis traduirait leur rapine autant que leur sourde inefficacité : nobles et abbés de la fin du XVIIIe siècle, aux ventres rebondis et aux corps affaissés, en sont l’exemple, « profiteurs » que les images révolutionnaires livrent au « pressoir réducteur » tout en dévoilant leur inutilité. »





De même avec le siècle des Lumières, le gros représente la réaction d’une époque en tant qu’il se retrouve en majorité chez les plus aisés de la société, en opposition à un monde rural moins favorisé –les germes d’une remise en question des castes apparaissent déjà. On retiendra surtout une métamorphose inédite dans le monde du gros avec l’apparition du mot « obésité » non plus pour désigner une corpulence mais pour définir une maladie –un ensemble de symptômes dont on essaie d’expliquer les causes, de mesurer les degrés, mais qu’on cherchera également à traiter. Du plus barbare au plus modéré, le traitement se diversifie : chocs électriques et corsets pour les plus douloureux, régimes préventifs ou curatifs pour les plus modérés –mais les connaissances nutritionnelles sont infondées et nous paraissent aujourd’hui aberrantes.





« Autre recours excitant, enfin, celui de l’électricité : le fluide et ses commotions, les chocs « expérimentés » au milieu du XVIIIe siècle par quelques amateurs et savants. Schwilgué propose un bain froid doté de courant électrique dont il attend resserrements et sécrétions. »





L’association du gros avec le repu bourgeois s’accentue encore au 19e siècle, occasion d’éprouver la force symbolique du gras et ses rapports avec la société. Surtout, ce sera le siècle des révolutions médicales. Industrialisation oblige, l’homme devient à son tour objet quantifiable et mesurable. Les statistiques font apparaître des moyennes, précurseurs des normes, et la chimie permet à certains scientifiques tels Lavoisier de mettre à jour un procédé de « combustion » qui rapproche l’homme de la machine dans son fonctionnement intrinsèque. Les apports et dépenses caloriques sont mesurés, des croyances s’effondrent : non, les biscuits et pâtisseries, dont le goût fin étaient supposés jusqu’alors gages de légèreté, ne doivent pas être consommés dans le cadre de régimes amincissants ; non, les obèses ne souffrent pas d’un défaut de la combustion





Le 20e siècle est celui de toutes les métamorphoses. La maîtrise du poids devient objet de volonté personnelle. L’impossibilité de changer traduit un échec qui stigmatise le gros en le figeant dans une image d’impuissance d’autant plus injustifiable que les progrès du commerce et de la société de service profitent du créneau pour multiplier leurs offres de produits amincissants, de cures thermales ou de livres de développement personnel. Le « martyre » du gros, déjà énoncé dans le livre éponyme de Henri Béraud, récompensé par le prix Goncourt en 1922, s’inscrit alors dans le paradoxe d’une société qui stigmatise d’autant plus qu’elle veut faire croire à chacun qu’il dispose des moyens de contrôler son existence et son apparence.





Cette Histoire de l’obésité est décrite dans toutes ses nuances. Evoluant en parallèle avec les croyances et valeurs de chaque époque, la signification du gras entre en répercussion avec une certaine conception de la vie culturelle, sociale, économique, politique et industrielle. Des rapports souvent inattendus apparaissent, des origines se dévoilent. On remonte par exemple aux sources de la dénonciation de la consommation d’aliments carnés, bien plus ancienne que l’apparition des mouvements écologistes :





« L’originalité […] tient à un débat nouveau au XVIIIe siècle : la présence de la viande dans le régime lui-même. […]

Le débat se double d’un enjeu culturel déjà cent fois étudié : la critique du luxe et de l’artifice, des modes urbaines et des excès de raffinement, l’ « amollissement » dont l’abondance de viandes serait une des causes. […] La menace de « dépérissement » collectif se dit ici bien autrement que se disaient les vieilles craintes de recul moral ou d’abandon religieux. L’inquiétude porte sur l’amoindrissement physique, l’atteinte organique, les conséquences présumées des techniques et des préciosités. Un mal censé inverser le progrès, convertir la modernité en faiblesse, altérer des santés collectives pour la première fois clairement désignées : voie déclinante où « les races périssent ou dégénèrent au bout de quelques générations ». L’humanisme des Lumières peut alors condamner les tueries animales, les « massacres », la « voracité » des peuples, l’installation de « vastes boucheries » couvrant l’univers. »





George Vigarello permet également de s’interroger sur l’origine de l’intérêt accru porté sur la silhouette, apparu avec la civilisation moderne. Des hypothèses sont proposées, qui continuent de renforcer le lien entretenu entre le corps et la civilisation :





« L’évaluation renouvelée de la silhouette au début du XIXe siècle ne vient pas seulement de la présence du chiffre. Elle vient aussi d’exigences sociales, du brouillage que la révolution est censée avoir introduit dans les codes de l’apparence physique. Voyageurs et observateurs des années 1820-1830 se disent brusquement confrontés à un monde plus confus. Les « castes » auraient disparu. Les vieilles frontières s’effaceraient. Les ressemblances se multiplieraient, une fois la société d’ordres abolie. »





La métamorphose du gras s’inscrit jusque dans le langage, qui bénéficie lui aussi d’une analyse pointue :





« […] les récits de la Renaissance inventent des termes : « rondelet » au milieu du XVIe siècle, pour désigner quelque rondeur toute « naturelle », celle « remplie de gentillesse », d’une jeune Baloise évoquée par Platter dans les années 1530, ou celle, plus sensuelle, de la « jeune pucelette » évoquée par Ronsard en 1584 ; « grasselet » et « grasset » surabondants dans les chansons d’amour du XVIe siècle, avec leur volonté « diminutive » ; « dodu » aussi, accompagnant au même moment les références au douillet ; « ventripotent », encore, inventé par Rabelais pour spécifier ballonnement et pesanteur du ventre ; et même « embonpoint », banalisé après 1550 pour désigner la « corpulence ni trop grasse, ni trop maigre ».





Pour étayer toutes ces considérations, George Vigarello s’appuie sur un corpus de textes et d’images dense voire –pour s’inscrire dans la continuité du champ lexical du gros- lourd, étouffant, dévorant. Une grande majorité des thèses développées ne sont que citations et mises entre guillemets. On peine à apercevoir, entre toutes ces références, la voix de l’auteur. Un épuisement de lecture apparaît, provoqué par le rythme discordant qui s’établit entre ces citations effrénées et la voix timide de George Vigarello. Une impression de redondance imposée par le découpage du livre se fait également ressentir. Chaque période s’ouvre par une introduction, se suit avec des développements et se termine par une conclusion. Souvent, l’introduction synthétise déjà les développements, lorsqu’elle ne laisse pas s’échapper les prémisses de la conclusion. La lecture se fait donc de manière un peu laborieuse mais il faut bien reconnaître que le manque de fluidité littéraire ne devient qu’un détail une fois le livre refermé. Le gras a subi sous nos yeux une métamorphose multiforme et imprévisible et s’est doté de significations insoupçonnées, preuve que George Vigarello n’a pas chômé pour nous fournir les résultats d’une recherche qui se veut la plus exhaustive possible, sur la période et l’espace concernés.





Cette Métamorphose du gras comme essai d’analyse des représentations de l’obésité s’inscrit à son tour dans un paradigme singulier –celui du 21e siècle. Quel est son sens ? Pourquoi cherche-t-on aujourd’hui à prendre à nouveau du recul sur les images et les conceptions imposées par les siècles derniers ? Voici une question à laquelle les années suivantes se chargeront peut-être de répondre…


Lien : http://colimasson.over-blog...
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Le propre et le sale

Personnellement j'ai adoré. J'aime les livres d'histoire, surtout celle de la vie quotidienne. Bon le résumé du livre tout le monde y a accès.



Quand je lis ces livres où franchement le confort est loin du nôtre. J'imagine Bach par exemple, ou un autre personnage qui a fait des choses extraordinnaires, avec des poux sur la tête et des chandelles pour y voir clair. Bach écrivait ainsi des merveilles.
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Les métamorphoses du gras : Histoire de l'obési..

"Gras", "gros", "glouton", "gourmand", "bien-portant", "obèse"... Autant de mots différents, qui changent de signification au court du temps, et qui décrivent ces "métamorphoses du gras".

Georges Vigarello, spécialiste de l'histoire du corps, livre ici une étude sur l'évolution de la perception de la grosseur - et donc indirectement de la maigreur. C'est une histoire du corps oui, mais aussi une histoire sociale, une histoire de l'alimentation, une histoire des perceptions, une histoire du costume, des techniques, du genre aussi... Tous ces domaines se croisent pour faire le portrait de l'homme gros, d'abord plutôt associé à la richesse et à l'abondance dans une société médiévale de famine, puis progressivement déprécié, condamné par l'Eglise et la société, car vu comme le résultat de la paresse, de la bêtise et de la gloutonnerie. L’époque des Lumières cherche à rationaliser, à comptabiliser, à médicaliser la grosseur, à l'étudier de façon médicale donc et technique. L'impression visuelle laisse la place à l'étude scientifique qui se mesure par des instruments, et qui guérit - ou prétend le faire - par différents progrès. Au cours du XIX ème siècle, l'obèse devient un phénomène de foire, tandis qu'on insiste sur ses souffrances psychiques et sa mise à l'écart de la société. Au XX ème siècle enfin, les recherches montrent les facteurs multiples dans la société, tout en valorisant la maigreur.

C'est une histoire du genre aussi, l'obésité masculine et l'obésité féminine ne suivent pas la même histoire, le poids des femmes étant surveillé et contrôlé beaucoup plus tôt. La silhouette doit être différente, insistant selon les modes et les périodes sur différentes parties du corps, mais le ventre doit être caché, par des corsets, plaques métalliques, ceintures... Et les femmes doivent s'infliger des régimes, pouvant aller de l'ingestion de vinaigre à celle d'arsenic.

Une histoire culturelle et corporelle intéressante à lire, même si on peut regretter l'absence d'illustration - du moins dans mon édition.
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Une histoire des lointains

C'est une histoire passionnante, illustrée à satiété, de l'Antiquité à l'exploration de la voie lactée. George Vigarello publie une somme, peut-être l'oeuvre d'une vie d'historien, attaché à cerner les élans continus vers la découverte de l'au-delà des horizons.

Les lointains sont jaugés à différentes échelles : constructions mentales, sensibilités excitées, techniques et pouvoirs. On voit comment les lointains se dessinent, explorés physiquement, imaginés ou fantasmés. On rencontre de nouvelles cultures, de nouveaux visages, des animaux étranges.

Les pages se tournent avec précaution, couchées sur papier glacé et épais. le regard s'attarde sur les premières cartes, fruit d'hypothèses - Homère et son simple disque bordé d'eau, surface plissée flottant sur du liquide - ou de voyages aventureux.

La lecture est ravissante, plaisir des yeux et de l'esprit. L'ouvrage regorge d'illustrations pleine ou double page, représentant des lieux, des êtres, des animaux. le style est fleuri, mélange de littérature et d'information. Je contemple un joyau rare à notre époque, peu soucieuse de se souvenir d'où elle provient et de ménager des lointains dont elle pille les ressources au profit de son confort. L'auteur ne manque pas de souligner les effets dévastateurs de l'industrialisation. Il prédit une inversion de l'histoire où notre centre occidental deviendra un lointain espéré pour des migrants contraints de quitter leurs terres devenues inhabitables. Renvoi de la balle aux anciens colons dominants, objet d'un chapitre "Des terres observées aux terres dominées".

Je referme ce grand livre, conscient d'avoir suivi une incroyable histoire de l'humanité, émanant d'une hauteur de vue globale, empreinte de tolérance et de lucidité. J'ai voyagé, loin, loin, dans le temps, bien plus loin que ces lointains banalisés par l'explosion des transports et des communications.

















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La robe

Le premier point positif de ce livre est son format : c’est un beau livre (avec jolie couverture, nombreuses illustrations, papier glacé…) mais c’est aussi un petit format, donc facile à manipuler, à ranger, et à un prix raisonnable !



Le contenu de cet ouvrage est tout aussi positif : même s’il n’apporte pas des éléments révolutionnaires par rapport aux nombreux livres déjà consacrés à l’histoire de la mode, l’angle de vue choisi est intéressant. En effet, Georges Vigarello étudie l’évolution des formes de la robe comme représentative de l’évolution de la place de la femme dans la société. L’espace physique qu’occupe la femme à travers son vêtement est ainsi révélateur de sa plus ou moins grande domination par les hommes, ou au contraire de sa recherche d’émancipation, aux différentes époques.



Les illustrations (enluminures médiévales, portraits, photographies ou encore vêtements conservés) sont très bien choisies et donnent un bon aperçu visuel du vêtement féminin du Moyen Âge à nos jours.



Un beau livre à offrir et à découvrir, qui plaira autant aux novices curieux de découvrir l’histoire de la mode qu’aux connaisseurs, car l’ouvrage est très rigoureux d’un point de vue scientifique avec de nombreuses notes et une longue bibliographie.
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Le propre et le sale

Un peu de déception, en ce qui me concerne , pour cet ouvrage de Vigarello.

J'attendais un livre très précis quant à l'évolution de nos us et coutumes en terme sanitaire. J'imaginais des anecdotes, un peu d'humour . . . Un peu le style de Beaucarnot lorsqu'il nous parle de nos ancêtres.

Rien de tout cela ici. Si le livre reste, certes, fort intéressant et très instructif, le style est extrêmement lourd, pompeux ( voire pompant). Du coup, il semble assez indigeste et, bien qu' on ait envie d' en achever la lecture, celle-ci se révèle ardue et fort fastidieuse.

Pourtant, c'est amusant, ce me semble, d'en apprendre un peu plus sur nos pratiques ancestrales, se rendre compte que l'usage des douches date d'à peine un siècle, que l'avènement de cet usage se situe à l'armée . . Plein de détails instructifs malheureusement raconté dans un style qui handicape la qualité de l'ouvrage.

Dommage.

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Le propre et le sale

Un livre très bien fait, accessible à tous, excellemment documenté et mené. Seul défaut de l'écriture de l'auteur, une tendance à revenir sur ses pas et donc à se répéter, mais c'est commun à de nombreux chercheurs. Une lecture enrichissante.



Pour un résumé studieux et une légère mise en perspective :



Georges Vigarello interroge et bouscule les conceptions communes sur la propreté des siècles passés, ou plutôt leur saleté. Il s’attaque ainsi à des préjugés répandus par les représentations erronées d’âges sombres comportant tous les vices, mais aussi selon ses propres dires, colportés par « une tradition historiographique [qui] tente depuis longtemps [d’]assurer [l’erreur d’assimiler la pratique du bain et des étuves à une pratique de propreté, et de faire de sa disparition un recul de l’hygiène] ». Il entend donc corriger des fautes d’interprétation qui servent et sont servies par des a priori culturels profondément ancrés dans les mentalités.



En effet, tout son ouvrage est sous-tendu par l’idée que la propreté, quand bien même elle serait mise en œuvre par des procédés différents de nos ablutions modernes, n’est pas absente de ces sociétés du Moyen Âge et de la Renaissance. Pour ce faire il étudie les pratiques de l’hygiène à la lumière de la conception du corps, dont les attributs de force et de malléabilité, de public et d’intimité, sont très variables selon les époques. Il étudie également les pratiques de l’hygiène en regard de la perception de l’eau, qui passe d’un terrain de jeux à celui du mélange des fluides et des humeurs, avant d’être celui de la purification, longtemps attribuée à l’air, et notamment à l’air chaud. Il étudie, en outre, l’aspect social de la propreté, qui n’est un terme que tardivement intégré au vocabulaire ordinaire.

Il s’attache ainsi à démontrer que la toilette et l’exigence de propreté se sont déplacés sur le terrain des sensibilités, passant progressivement d’une exigence visuelle et olfactive à un ressenti personnel de la peau ; il démontre combien les normes et les codes sociaux se sont intériorisés avec le temps.



Ainsi la « science de la culture » mise en œuvre dans Le propre et le sale tient de la prise en compte de tous les pans de l’époque permettant d’éclairer les pratiques de la propreté : c’est la culture au sens large telle que voulant définir une société entière, dans ses aspects les plus organiques comme les plus intimes, qui est ici utilisée comme outil d’interprétation. Les lois et règlements édictés ; les témoignages privés de voyageurs, nobles, moines, prédicateurs ; les restructurations architecturales urbaines ; les procès ; les publications de presse généraliste ou spécialisée sont autant d’éléments qui permettent à la culture de s’auto-éclairer, dans un retour sur elle-même.



SUR LES SOURCES



Les sources auxquelles Vigarello fait appel permettent une visualisation technique et concrète des mécanismes et habitudes passées. Parmi elles, on trouve des sources officielles. Mais on trouve en grande majorité des préceptes de santé et de bonnes mœurs, et, plus tard, des extraits de l’encyclopédie, des Hygiènes des familles et populaires (p. 210 par ex.).



Vigarello use également de l’histoire matérielle en étudiant les listes des « riches inventaires du Moyen Âge », et très fréquemment, des éléments d’architecture, d’aménagement urbain et de plomberie viennent renseigner son propos.



Les sources de l’auteur rendent cependant principalement compte des perceptions des élites, ce qu’il prend régulièrement la peine de rappeler. Ainsi, les témoignages privés sur lesquels il s’appuie sont souvent ceux de la noblesse ou a minima d’une population éduquée. De même, les sources issues de la culture artistique (peinture et littérature) éclairent les milieux dont ils sont issus, souvent nobles ou bourgeois. Il en va de même pour les anecdotes historiques. Cela ne signifie pas que l’angle de recherche adopté est vicié, mais le ressenti de la masse par rapport aux exigences de propreté est rendu par le biais des sources légales, ou organisationnelles d’une part, et par le spectre potentiellement déformant de la population « haute » d’autre part. L’étonnement d’une part de la population quant aux us d’un autre groupe social est tout aussi instructif sur les mœurs de l’époque.



Les sources les plus directes sur le ressenti populaire sont finalement la presse, et quelques témoignages d’enfance. La presse généraliste et spécialisée donne des éléments sur ce qui se faisait en venant proscrire et prescrire, en réaction aux usages. Les témoignages d’enfance, comme celui de Dürer (p. 40) donne une idée en l’occurrence, de la vermine qui pouvait accompagner la population partout.



SUR LA RELATIVITE CULTURELLE



Vigarello prend des précautions d’interprétation lorsque les sources sont trop peu nombreuses et peu fiables pour en tirer des conclusions, comme sur la question, fin XVIe, de la régularité du lavage du linge. Les conjectures sont présentées comme telles, les sources ne sont pas sur-interprétées.

Cela participe de son effort constant qui consiste à insister sur la relativité culturelle. S’il corrige notre vision de l’absence supposée de propreté médiévale, il prend soin de nous montrer, à l’opposé, les encouragements alarmistes des hygiénistes à tout récurer avec soin, qui ont conduit à nos habitudes d’hygiène d’aujourd’hui, où l’on lave tout à grande eau même sans saleté visible. Les préceptes d’hygiènes apparus alors ne sont pas stricto sensu nécessaires, mais le mal est fait, car l’imaginaire des populations s’est déjà peuplé de petits « monstres » : c’est cet imaginaire collectif que Vigarello pointe du doigt comme source, encore aujourd’hui, de nos pratiques de propreté, comme en témoigne aussi (c'est mon ajout, mais cette citation en rappelle d'autres de Vigarello) Pagnol :



« Il faut dire qu'à cette époque, les microbes étaient tout neufs, puisque le grand Pasteur venait à peine de les inventer, et [ma mère] les imaginait comme de très petits tigres, prêts à nous dévorer par l'intérieur. »



Ainsi Vigarello parvient-il à son objectif de retracer un « itinéraire » de l’histoire de la propreté, le long duquel s’accumulent des contraintes tandis qu’en disparaissent d’autres, et le long duquel, surtout, s’affinent progressivement les sensibilités, et la perception du corps, toujours trouble, qui est au cœur de cette étude.
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Le propre et le sale

Bien documenté, cet ouvrage a selon moi, les défauts de ces qualités; On part d'une oeuvre littéraire, d'un portait, d'un fait historique pour tisser une broderie sans fin alors que les mêmes choses pourraient être dites en beaucoup moins de mots et dès lors, le tout serait plus percutant.
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La robe

La mode est politique, et le vêtement a une histoire...

Je connaissais déjà le travail de la chercheuse Christine Bard sur la jupe et le pantalon, qu'elle étudie dans une perspective d'histoire du genre, puisque ces vêtements peuvent être à la fois vus comme transgressifs et émancipateurs, comme érotiques, comme politiques...

Même si la démarche de George Vigarello n'est pas aussi féministe que celle de Christine Bard, il croise forcément l'histoire du genre en parlant de robe. Car les robes sont associées au corps féminin, qu'elles le cachent comme au Moyen-Âge, le redessinent avec les corsets, l'effacent avec les robes de Poiret, ou accompagnent les femmes actives d'aujourd'hui. Car Georges Vigarello est un spécialiste de l'histoire du corps, et étudier les robes, c'est étudier les représentations sur le corps féminin. Par exemple, je ne connaissais ainsi pas le concept de "femme-fleur" du XIX ème siècle, mais c'est l'idée que les tenues avec crinolines, manches à ballons, tissus de luxe..., rendent tout mouvement impossible - il est même difficile de passer les portes avec des jupes si larges. Les femmes ne peuvent être qu'assises, elles sont des objets d'apparat, reflétant la richesse du mari, tandis qu'elles sont reléguées à la sphère privée et au salon.

Enfin, c'est un très bel objet livre avec de très nombreuses et très belles illustrations.
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Le propre et le sale

Édifiant de voir comme nos propres meurs paraitront étranges à nos descendants ! Facile à lire, instructif sans être ennuyeux ou pompeux, c'est un très bon ouvrage d'ethnologie historique.
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Histoire de la beauté : Le corps et l'art d'e..

Il est des livres qu’il fait bon lire et celui-ci rappelle que la lecture-plaisir n’appartient pas au seul genre du roman. Le tout à fait sérieux Histoire de la beauté: Le corps et l’art d’embellir de la Renaissance à nos jours nous permet d’apprécier la plume fluide et simple de l’auteur, et c’est avec joie que j’ai pu voir la petite histoire et la grande histoire se rencontrer. Ainsi, les traités de beauté se mêlent à la correspondance, les magazines permettent les comparaisons entre les normes de telle ou telle époque et la publicité confirment une nouvelle manière de penser le beau.



Rapports au corps et entre homme et femme y sont évoqués, mais aussi rapport à l’artificiel. Si au début, la beauté est don divin, elle devient au fur et à mesure des révolutions dans la pensée le résultat d’un contrôle de soi. On passe alors en cinq siècles d’une beauté subie et centrée sur le visage et le buste à une beauté choisie où le corps prend toute sa place. Petit à petit, le corps se personnifie, le mouvement s’autorise et le désir s’affirme. Plus le temps passe, plus on le modèle.



Sans forcément aller plus loin dans le déploiement de la thèse de Vigarello, on constate déjà une évolution lente et significative de la beauté innocente et voulue naturelle du Moyen-âge à celle soumise au contrôle de soi et à l’obligation de correspondre aux canons de beauté actuelle associée à l’idée d’un certain bien-être. Les stéréotypes sont déconstruits au fur et à mesure, notamment le regard posé sur l’obésité ou sur les contours du corps. Grosse surprise, la cellulite n’a posé souci qu’à sa découverte en 1924. Le corps s’observe de plus en plus, dans sa vie mais aussi comme reflet de ce que la société attend des hommes et des femmes.



C’est un livre qui continue après l’avoir fermé. Il se prolonge forcément dans le temps et pose la question de la beauté telle qu’elle sera vue tout au long de notre siècle (comment évoluer maintenant?) mais surtout interroge sur notre rapport au corps et à l’esthétique aujourd’hui, sur notre façon de voir le monde et le concevoir. Au delà du corps, c’est la place que l’on se donne qui devient sujet. D’une beauté noble, on passe à une beauté « accessible » donc exigée de toutes et tous. Ainsi, il n’est pas rare d’entendre: « prend une tenue qui te valorise et prend soin de toi pour devenir belle et donc heureuse ». Entre normes, hypocrisie et culpabilité.. bienvenue à notre époque.



A lire, pour comprendre et apprendre. A partager aussi, pour mieux saisir comment nos complexes sont construits, et comment ils traduisent ce que la société attend de nous.
Lien : http://sybabulles.wordpress...
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