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Citation de enkidu_


On aurait pu facilement prédire que nombre d’individus allaient utiliser cette nouvelle technologie pour regarder des vidéos pornographiques, mais pouvait-on imaginer l’ampleur de cette demande ? Avec une vingtaine d’années de recul, on peut à présent l’affirmer : ces vidéos sont celles qui sont le plus consommées sur Internet. On dénombre des dizaines de milliers de sites qui diffusent massivement ce type de films. Plus d’un tiers de vidéos regardées chaque jour dans le monde sont des produits pornographiques. L’industrie en elle-même génère près d’une centaine de milliards de revenu. L’humanité contemple chaque année 136 milliards de vidéos pornographiques.

À ce titre, le site Pornhub, leader mondial du secteur, livre des statistiques impressionnantes. En 2019, il battait tous les records avec 42 milliards de visites dans le monde, soit 115 millions par jour, tandis que 6,83 millions de vidéos étaient mises en ligne. Il faudrait passer 169 années pour les regarder toutes. Plus impressionnant encore, le nombre d’heures de vidéos regardées par minute s’élève à 10 498, soit, chaque année dans le monde, 629 880 années de temps de cerveau disponible qui s’évaporent dans la contemplation pornographique.

De telles données permettent d’approcher l’ampleur de la captation de notre disponibilité mentale que représentent certaines propositions sur le marché cognitif. D’ailleurs, cette étrange période de disponibilité mentale à laquelle nous a contraint le confinement lors de la pandémie de Covid-19 a été caractérisée par une augmentation du trafic Internet vers les sites pornographiques. Ainsi le leader mondial a-t-il vu une augmentation du trafic de 40 % au début du confinement, de même que l’on a vu sur les sites spécialisés une augmentation de 20 % à 30 % de l’offre de photos et vidéos érotiques amateur.

Il n’y a aucune condamnation morale implicite dans ce constat. Il s’agit juste de rappeler combien les mécanismes de marché ont une puissance de dévoilement. Cette mise à nu n’épargne pas les pays les plus religieux, qui affectent d’être moins concernés que les autres par ces compulsions sociobiologiques. Les données de recherches Google montrent que les pays musulmans, par exemple, figurent parmi les pays les plus consommateurs de pornographie : Pakistan, Égypte, Iran, Maroc, Arabie Saoudite…

Cependant, on peut discuter le sens de ces chiffres, en effet toutes les recherches de pornographie ne passent pas par Google. Par ailleurs, aucun de ces pays n’arrive dans les vingt premiers, selon les statistiques de PornHub. Là aussi, il faut rester prudent car il existe des spécificités régionales très marquées. Des sites comme xnss.com et xvideos.com sont beaucoup plus populaires que PornHub dans les pays arabes. La comparaison internationale a donc ses limites dans ce domaine mais rien n’affaiblit l’idée simple que, partout, quel que soit le contexte culturel, les êtres humains s’intéressent au sexe. Si on leur apporte des conditions sécurisées (au moins en apparence) pour consommer des vidéos pornographiques, ils le font. Plus les coûts sociaux de l’expression de nos désirs sont importants, plus ces derniers trouvent à s’exprimer à l’abri de la logique de marché. C’est pourquoi il est si passionnant d’examiner la vie du marché cognitif.

Internet, parce qu’il est l’outil le plus puissant à ce jour de la fluidification entre l’offre et la demande, permet d’ajuster l’agenda de ses désirs à la libre disponibilité de propositions pornographiques. Il offre une forme de discrétion, répond dans la seconde au moment où ce désir se manifeste (ce n’était pas le cas du film du samedi soir sur Canal+). Il permet de cibler une thématique spécifique et un temps de consommation en adéquation avec l’usage que nous voulons en faire. Sur ce point, les statistiques de Pornhub sont éclairantes : on est plus rapidement satisfait en Russie (avec 7 minutes et 48 secondes) qu’aux Philippines (avec 13 minutes et 50 secondes) mais, en moyenne, ce sont 10 minutes, et pas une de plus, qui sont consacrées par visite.

Il semble bien que l’image du cocktail mondial soit opérante. Dans ce brouhaha informationnel, la sexualité sous toutes ses formes opère facilement une capture de notre temps attentionnel, quoiqu’en puissent dire tous les Tartuffe de la planète.
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