Gérald Cahen

Sous un simple bonjour se cache souvent tout un monde de non-dits dont il tire secrètement son bouquet. Car un mot ne se réduit pas à son sens, il est aussi ce qu'il suggère, ce qu'il dissimule. Pudeur oblige.
(p. 21)

Au surplus, le livre de chevet occupe dans l'espace habitable une place éminemment intime: juste à côté de l'oreiller, sur la table du même nom. Qu'on ajoute à cela son format également intime (maniement oblige!), l'éclairage qui ne l'est pas moins, et l'on comprendra aisément que tout dans ce dispositif prête à la confidence. Il n'est pas jusqu'à la position allongée du corps qui n'appelle le relâchement parallèle de l'esprit. et de fait, l'on pénètre dans un livre un peu comme dans un songe: l'on renonce à se défendre, l'on s'abandonne à lui, bref, l'on se laisse séduire ! (...)

Encore un pas alors et nous sombrons...le sommeil nous emporte définitivement dans ses flots...Le sommeil, l'oubli, le néant...Au fond, qui sait si ce n'est pas pour nous prémunir contre les dangers de ce voyage que nous convoquons autour de notre lit les livres que nous aimons ? nous voulons qu'ils soient là, blottis à notre chevet, tandis que nous appareillons pour cette traversée mystérieuse, comme si leur présence à nos côtés pouvait nous rassurer. comme s'ils gardaient, serrés dans leurs pages, le sens de ce monde qu'ils nous restitueront demain...(p.12-13 / Préface de Gérald Cahen: l'Ile aux trésors)

L'une des caractéristiques des personnes relevant de ma catégorie n'est elle pas en effet une propension perpétuelle à râler? C'est leur expression : "Celui là, il râle tout le temps."

Sachez donc qu'en examinant de plus près les faits qui venaient de se produire, je m’aperçus qu'ils n'étaient peut être pas étrangers à l'ouvrage que vous m'aviez commandé et que cette mauvaise humeur dont j'avais fait preuve constamment n'était sans doute qu'une façon détournée de vous opposer un refus. Poussant plus loin mon raisonnement, j'en vins à cette conclusion qu'il n'est décidément pas dans la nature d'un écrivain d'être poli. Il peut l'être par accident ou par intérêt ; il peut l'être dans les manières de la vie ordinaire ; mais dès qu'il s'installe à sa table pour écrire, dès qu'il trempe sa plume dans son encrier, il s'affranchit par ce geste des contraintes coutumières et il n'a plus qu'une seule règle, celle de l'impertinence.

Au fond, c'était une belle histoire, Natasha en tirerait surement un joli parti, si ce n'est...si ce n'est que la chute, à son avis, était un peu faible...un rêve qui s'achève, un homme qui se réveille, on avait déjà lu cela cent fois

Enfin, dernière remarque - capitale, celle-là - on peut voir sans être vu ou entendre sans être entendu, mais on ne peut pas toucher sans être touché en retour. Seul de nos sens à posséder cette propriété, le tact est réversible, il implique une connaissance mutuelle des deux parties en présence.

« […] si son acte [d'Antigone] est "subversif" (mais il n'est interprété comme tel que par les autres), c'est seulement parce qu'au lieu d'abolir le pouvoir, ou au moins de le "contester", il le condamne à durer, à s'exercer encore, mais en laissant apparaître la mutilation de sa toute-puissance imaginaire. Il ne peut tout avoir, il ne peut tout obtenir, il n'y a de pouvoir totalitaire que dans la fiction de ceux qui partagent son imaginaire. Créon ment quand il répond à Antigone, ironique et soupçonneuse, que sa mort lui suffit. C'est sa vie qu'il voulait. Mais il ne l'aura pas. » (Bertrand Ogilvie p. 144-145)

« […] il n'y a pas de création sans cette double résistance préalable à l'apathie et à l'engluement.
Mais résister à ces tentations n'est pas encore vraiment résister. C'est résister dans le plaisir […]. Après tout, on peut vivre sans créer, comme on peut vivre sans philosopher (« mais pas si bien », certes, comme ajoutait Jankélévitch). La vraie résistance commence quand on n'a plus le choix. Ou, ce qui revient au même, quand le choix est entre une soumission dégradante et un combat pénible. » (Dominique Noguez, p. 94)

« Au moment d'une infection, la température du corps s'élève, et l'organisme sécrète des protéines particulières […]. Elles se révèlent très proches dans leur composition d'une foule d'agents pathogènes, qui vont du parasite de la malaria au bacille de la lèpre et à des vers. Si nous savons résister aux parasites et aux microbes, c'est peut-être parce qu'ils ne nous sont pas totalement étrangers. Résister à l'Autre rappelle les incertitudes et les ambiguïtés de la résistance à soi-même. » (Anne Marie Moulin, p. 32)

« […] un ouvrage collectif sur le thème "Résister". Résister au sens large et pas seulement au sens politique où on l'entend généralement. Dans cet esprit, il nous a paru indispensable de nous interroger sur l'art et la littérature comme forme de résistance non seulement parce qu'un livre ou une œuvre d'art sont souvent des gestes critiques qui bousculent les idées admises, renouvellent radicalement notre regard sur la société, mais surtout parce que, en créant un espace et un temps qui leur sont propres, ils se situent délibérément "ailleurs", ils résistent aux modes et aux habitudes de pensée régnantes. » (p. 118)

Les seuls vrais gagnants ce sont les amoureux qui peuvent s'embrasser à leur aise. Ne ris pas, Anatole, ce n'est pas commode du tout d'embrasser quelqu'un qui a un grand nez, tu verras quand tu seras grand...