
Une famille d'arbres
C’est après avoir traversé une plaine brûlée
de soleil que je les rencontre.
Ils ne demeurent pas au bord de la route, à
cause du bruit. Ils habitent les champs
incultes, sur une source connue des oiseaux
seuls.
De loin, ils semblent impénétrables. Dès
que j’approche, leurs troncs se desserrent. Ils
m’accueillent avec prudence. Je peux me
reposer, me rafraîchir, mais je devine qu’ils
m’observent et se défient.
Ils vivent en famille, les plus âgés au
milieu et les petits, ceux dont les premières
feuilles viennent de naître, un peu partout, sans
jamais s’écarter.
Ils mettent longtemps à mourir, et ils
gardent les morts debout jusqu’à la chute en
poussière.
Ils se flattent de leurs longues branches,
pour s’assurer qu’ils sont tous là, comme les
aveugles. Ils gesticulent de colère si le vent
s’essouffle à les déraciner. Mais entre eux
aucune dispute. Ils ne murmurent que d’accord.
Je sens qu’ils doivent être ma vraie
famille. J’oublierai vite l’autre. Ces arbres
m’adopteront peu à peu, et pour le mériter
j’apprends ce qu’il faut savoir :
Je sais déjà regarder les nuages qui
passent.
Je sais aussi rester en place.
Et je sais presque me taire.
//Jules RENARD, Recueil Histoires naturelles , 1894
Je n'avais rien vu venir. Ils sont si paisibles. Rien qu'à Les voir, on imagine un lit, un fauteuil, une ombre d'arbre ; de quoi, en tous cas, rester tranquille, à l'abri, en sécurité.
Tout le monde, à part les dictateurs, En dit du bien. Même ceux qui ne Les fréquentent pas, les réfractaires, se sentent obligés de Leur tresser des louanges ; personne ne tient à désobliger Leurs amoureux. Ces derniers sont nombreux : existe-t-il une seule famille sans un spécimen de leur espèce ?
Ils prolifèrent comme des rats. Ils nous cernent de partout.
Un chat, c'est comme un livre, vous obéissez. Vous subissez. Vous pliez. Et vous aimez ça.