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Critiques de Géraldine Doutriaux (5)
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Rue Saint Ambroise, n°47

Ma première lecture d'un numéro de la Revue. Ce numéro offre une large panoplie de ce qui s'écrit de nos jours en textes courts (27 textes ont été retenus sur 172 soumis au comité de lecture). On a donc un peu de tout dans cet opus. Un texte traduit, représentatif donc de ce qui se fait de bien dans les autres langues. Plusieurs textes, assez descriptifs et parisiens (mais j'aime !), représentatifs de l'écriture actuelle très germanopratine. Des textes étonnants, loufoques, montant en épingles des détails a priori anodins du quotidien (cf. la présence de moucherons dans un appartement dans « Des bêtes dans la tête »). Des textes se déroulant dans le train ou le métro. Un texte qui n'utilise pas la ponctuation (très tendance). Et puis il y a le texte Dark Web de Dorian Masson. Alors celui-là, je vous déconseille de le lire. Faites l'impasse. Car sinon, vous aurez les images en tête pour votre vie entière. Et cela on ne peut le souhaiter à personne. Donc certes, on peut féliciter l'auteur, comme on féliciterait Sade ou Apollinaire, mais on ne peut pas en conseiller la lecture. Une mise en image de ce texte serait d'ailleurs certainement censurée. Il y va de la dignité humaine. Moralité sur le sujet : contentez-vous du Web, n'allez surtout pas traîner sur le Dark Web. Personnellement, j'aurais fait figurer ce texte à la fin du recueil, pour ne pas choquer le lecteur dès le cinquième texte. Mais après tout, peut-être est-ce moi qui surréagit. Pour les curieux ou ceux qui veulent se faire leur propre opinion, c'est en librairie (plutôt sur commande) ou ici : http://ruesaintambroise.weebly.com/-acheter-la-revue.html
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Chercheurs de Diamants

Tout d'abord, je tiens à remercier Babelio et "Masse critique" de m'avoir confié la lecture et la critique de ce livre que je recommande vivement.

Voici un témoignage qui dépeint avec objectivité et honnêteté la solitude des enseignants face aux injonctions contradictoires de l'Education nationale. J'entends par injonctions contradictoires toutes les tâches que l'enseignant doit effectuer en supplément de ce pourquoi il est face à une classe : enseigner une matière, pour laquelle il a entrepris cinq années d'études supérieures (parfois davantage) ainsi que l'ardue préparation d'un concours. Et c'est ainsi que, sans formation aucune, l'enseignant doit effectuer le métier d'assistant social, celui de psychologue, de conseiller d'orientation, d'éducateur spécialisé. Chaque chapitre de ce récit évoque une de ces nombreuses fonctions qu'il faudrait connaître de façon innée par les enseignants. Mais la contradiction et la mauvaise foi du ministère ne s'arrête pas là puisque les programmes ne sont pas du tout adaptés à une grande partie des élèves qui n'ont pas acquis les bases du savoir élémentaire, dans l'ensemble des matières alors que ce même ministère interdit les redoublements. A cet effet, ce témoignage soulève le problèmes des élèves qui passent de classe en classe puisqu'il n'existe plus de classe dite de « transition » entre le primaire et le secondaire qui permettait de reprendre les bases avant l'entrée au collège : « Pour qu'Illies (élève de 6e) accepte les règles du système, il faudrait qu'il y ait une place, or s'il en a une, c'est la dernière. Il ne sait pas écrire, ne sait pas lire à voix haute, il est quasi illettré […] donc, il faudrait tout recommencer à zéro, lui réapprendre les fondamentaux, un prof particulier, cinq heures par jour : dictée, calcul, vocabulaire, lecture. Mais les parents n'ont pas d'argent ni la disponibilité pour lui organiser un tel programme : Alors rien, on ferme les yeux, on patiente jusqu'à la troisième où on pourra l'orienter vers une filière professionnelle où savoir bien écrire n'est pas une nécessité et en attendant on espère qu'il fera le minimum (écouter le cours, ne pas se bagarrer, ne pas insulter le prof) [...] »

Ce récit, tout à fait réaliste (je suis enseignante et je fais, hélas, les même constations que l'auteur), montre dans quel état se trouve l'éducation d'une certaine jeunesse vivant sans notion du passé, sans culture, ayant beaucoup de difficultés à lire, écrire, à comprendre un vocabulaire et des expressions simples. C'est ainsi que les préconisations et les programmes édictés par les pontes de l'EN sont devenues absolument irréalisables dans beaucoup d'établissements : « Mes élèves lisent très peu et ont pour la plupart un vocabulaire très réduit. Les mots un peu recherchés n'éveillent aucune image qui les aiderait à visualiser ce dont l'auteur parle. Or, sans l'assistance de cet imagier mental, la voix de l'auteur, telle une langue morte, ne rencontre aucun écho. Quand on a jamais mis les pieds dans un musée et vu de tableau ou de sculpture, est-ce qu'on peut comprendre le Portrait de Gorki ou La Vénus d'Ille de Mérimée ? Bien des récits réalistes du XIXe siècle se trouvent ainsi éjectés de mes listes de lecture au fait d'une incapacité à se représenter ce dont ils parlent […] le passé est si peu présent dans leur esprit -comment peuvent-ils apprécier un texte antérieur à 1950 ?- Leur environnement direct est solitaire et déraciné : les lignes verticales et horizontales d'immeubles récents, des grandes surfaces, un snack, des parkings… tout y est récent et pourtant déjà un peu usé, les jeux du square ont l'âge de mes élèves, même les poubelles ne franchissent pas la barre des cinq ans avant d'être mises à la casse […] les mots trop longs sont réduits en sigles […] les passions de chacun -musique, littérature, divertissement- sont filtrées par le grand Oeil, ce nouveau dieu, incarné par l'écran du téléphone portable ».

Dans le cadre de son métier, l'auteur, sans aide aucune de son inspecteur (à qui elle écrit à plusieurs reprises sans réponse) n'a de cesse de soutenir les élèves et de faire de son mieux, avec les moyens « du bord » pour tenter de les faire progresser (dans le cadre de son cours de français mais aussi, à l'aide de son atelier de théâtre). Mais un professeur a beau être engagé dans son travail et compétent, il ne peut pas y avoir de résultat sans travail de la part des élèves. Malheureusement, nous voyons dans ce récit (et à cet endroit-là aussi, mon propre constat est affligeant) que beaucoup d'élèves, une majorité, ne travaillent pas ou trop peu, ne rendent pas leurs devoirs, bavardent ou consultent leur téléphone portable en classe, n'ont que très peu de concentration et une mémoire à court terme. Ces mêmes élèves se scandalisent quand « avec des 7 en français, 6 en mathématiques, 8 en histoire, 5 en anglais… » et alors qu'ils n'ont pas acquis les connaissances et les compétences nécessaires pour passer en lycée général se voient proposer en fin de troisième des filières professionnelles. Ils s'insurgent, invectivent de façon virulente les équipes éducatives et font intervenir leurs parents, souvent très complaisants. Nous constatons de façon alarmante le comportement inadapté de ces jeunes gens pour qui tout doit être offert, sans effort. L'auteur se demande si, en toute honnêteté, il n'est pas dans le devoir de l'équipe éducative et des adultes en général de dire aux adolescents qu'ils font fausse route plutôt que de leur permettre d'accéder à un chemin qui générera de la déception et un sentiment de frustration, de haine et de rage, « sentiments à la mode chez les jeunes ». En tant qu'enseignante de lycée, je fais ce constat avec les secondes qui sont là parfois pour « voir » comme des clients de magasin ou « être avec les copains » sans se rendre compte de la masse de travail qui va leur incomber et des connaissances qu'il faut avoir acquises.

Ce récit ne critique pas les élèves. L'auteur fait le constat de ce qu'elle endure ou observe au quotidien quant aux violences physiques ou verbales, les refus ostentatoire de travailler ou d'écouter, le refus de respecter les règles de l'établissement, le désir de « casser le prof », les violentes bagarres, les insultes… L'auteur fait le constat d'un métier qui est devenu difficile physiquement et psychiquement (personne ne nous apprend à prendre de la distance avec les événements que nous vivons et généralement, l'épuisement se fait sentir au bout de quelques mois de travail) et qui n'attire plus ou très peu de candidats. Il est certain qu'avec Bac + 5, les gens n'ont pas envie d'attendre 10 ans pour toucher 2000 euros nets et encore moins d'être méprisé et/ou insultés. Ils ont aussi envie de faire leur métier et de ne pas se retrouver dans une position à double tranchant : devoir enseigner à des élèves qui ne veulent pas de cet enseignement et qui ont « la haine » du système scolaire. Les jeunes enseignants (jeunes dans le métier, pour ma part, je l'ai commencé à 40 ans), ne veulent pas passer leur temps à faire de la discipline ou de l'animation.



Je vous conseille, pour faire écho à ce récit un documentaire datant du mois de juin 2019 sur Youtube « Comment massacrer l'éducation : le mode d'emploi de l'OCDE et de la Commission Européenne, ainsi que deux témoignage : Prof et fière de l'être , de Fanny Capel, 2004 ainsi que  La Solitude du partisan  de Pascal Hérault, 2016.
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Chercheurs de Diamants

L'auteur, à l'occasion d'une fin d'année scolaire et d'un changement d'établissement annoncé, suite à une demande de mutation, dresse un bilan sur ses pratiques d'enseignante. Elle dépeint les écueils et difficultés rencontrés: les difficultés en lecture et écriture, la pauvreté de vocabulaire qui est un frein à la compréhension des textes, le manque de bonne volonté et d'éducation, la violence, le manque d'investissement des familles...

Mais c'est aussi l'occasion d'évoquer les satisfactions du métier: l'attachement à certains élèves, la solidarité qui règne en salle des profs....

Cet essai, plaisant à lire, ne permet toutefois pas de découvrir vraiment le quotidien des enseignants en REP: certes, un bilan est effectué, quelques anecdotes sont narrées, mais le livre aurait pu être plus étoffé.
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Chercheurs de Diamants

Sophie, enseignante de français dans le même collège REP (Réseau d’éducation prioritaire) de banlieue nord depuis dix ans, entame aujourd’hui son dernier jour de classe. A travers 18 chapitres courts et intenses, entre scènes-souvenirs de classes chaotiques et contemplation défaitiste du présent, cette professeure nous ouvre les portes d’un monde chargé d’émotions, d’affrontements, de cris, de pleurs et de beaucoup de tourments intérieurs.



A la fois témoignage d’un abandon — Sophie changera d’établissement l’année suivante, déclenché par des élèves insoumis, incapables et un système éducatif trop bancal (« Mon métier n’aura été qu’un échec » p.10), puis guide de survie de l’enseignant en REP alimenté d’aphorismes cyniques (« Enseigner, c’est faire du théâtre » p.27), ce roman est aussi et avant tout une étude sociologique et psychologique d’adolescents démunis, provenant souvent de familles détruites, en quête d’identité et de repères (liste très explicite et fournie p.73).



S’interrogeant tour à tour sur différents élèves, l’auteure nous livre son palmarès des problématiques rencontrées en classe : élève dyslexique, jeune homme aux parents absents, adolescent insolent ou violent, jeune fille victime… et n’omet pas d’analyser ses propres dérives (amour ou haine des jeunes « j’ai tendance à préférer les gros » p.36, attirance pour un adolescent, rapport au corps de ses élèves p.122…). Pour ce faire, elle utilise fréquemment un ton pédagogique et s’amuse même de cette déformation professionnelle dans des jeux de langues métatextuels : « je le sais, elle le sait, nous le savons » (p.22).



Si le sujet est dur et les moments souvent brutaux, le texte n’en demeure pas moins très drôle. S’armant d’un humour noir, grinçant, sarcastique et plein de dérision, elle alterne entre les descriptions burlesques (le chapitre « Corps » se concentre sur le pet), les comparaisons amusantes (« la REP c’est un peu un village de Corses : trahison, rumeurs, vendetta » p.65), les dialogues-stichomythies aux allures de « cadavre exquis » (p.35) et les maladresses naïves de ses élèves (p.119).



Vaguant entre familiarités, références populaires, images légères (« je m’amollissais comme une pizza laissée à l’air libre depuis la veille » p.8) et envolées lyriques (rythme remarquable, notamment dans les nombreuses listes établies) et références littéraires plus poussées, l’auteure semble faire écho à sa propre position d’enseignante. A la fois femme instruite aux études studieuses (master de sociologie et agrégation de français) et vulgarisatrice autoritaire auprès d’élèves quasi-analphabètes, son rôle d’enseignante s’apparente justement à cette modération entre le savoir et la transmission. Drôle et sérieux, familier et sévère, ce texte au verbe cru et honnête est un ascenseur émotionnel dévoilant les hauts, mais surtout les bas d’un métier souvent dénigré.



Après les ultimes échanges avec ses élèves, l’enseignante contemple une dernière fois ce collège qu’elle a si longtemps craint et haï et n’en retient qu’une image dépouillée : « trois arbres, un toit, le ciel et dessus, les nuages, les nuages qui passent. » p.131. Fin rêveuse et aérienne qui tenterait de clore en légèreté un texte au sujet assez lourd, l’auteure nous livre peut-être aussi un dernier message subliminal : au dessus de la stabilité soporifique d’un environnement scolaire, des élèves s’élèvent et défilent dans le ciel, légers et naïfs, guidés par sa propre figure d’enseignante, certes vidée et éreintée, mais toujours stimulée par l’énergie insatiable de la jeunesse.
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Chercheurs de Diamants

Je ne suis ni prof, ni mère, ni rien qui soit en rapport avec le milieu scolaire véritablement, pourtant le titre de cette non-fiction m'a convaincue lors de la dernière Masse critique Babelio.



Je ne peux pas dire y avoir appris beaucoup, mais c'était plaisant à lire. De par l'écriture de l'autrice (qui est prof de français, mais sans aucune prétention), mais aussi pour les anecdotes. On a bien souvent un sourire sur les lèvres, tout en sachant qu'on aurait jamais voulu être à la place de cette professeure !



Le lire m'a tout de même apporté quelque chose, outre un certain divertissement : j'ignorais totalement le manque d'estime que subit la profession. Je trouve ça ahurissant, car je fais partie de ceux (j'ose espérer, encore majoritaire) qui ont foi en l'école. Or, pas d'écoles sans profs dévoués, cela va de soi. Le récit que nous offre Géraldine Doutriaux n'est pas là pour vous dire : le monde est merveilleux, tous ces enfants dont l'avenir n'est pas des plus lumineux vont s'en sortir grâce à l'école et à leur prof de français si passionnée ... Non, on est pas dans un film, mais dans la vie réelle. Il n'empêche, la réalité a ses charmes, et tant qu'il y aura des personnes pour croire en les bienfaits du savoir, j'aime à croire qu'il y aura alors toujours de l'espoir.



(Une petite coquille 96, avec une répétition de paragraphe. Trois fois rien donc !)
Lien : https://adviennequelira.word..
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